L’Agneau divin, conduit à l’immolation.
Le point culminant du jour est l’histoire de la Passion selon saint Marc. Ainsi, nous nous préparons à la « sainte fête de la Passion de Notre-Seigneur ». Pendant le jour, des scènes de la Passion se présentent encore à notre esprit. « C’était avant la fête de la Pâque. Jésus savait que son heure était venue et, comme il avait aimé les siens, il les aima jusqu’à la fin » (Ant. Bened.). A Magnificat, quand le soleil se couche, Jésus se tient devant nous dans toute sa grandeur et dit : « J’ai le pouvoir de donner ma vie et le pouvoir de la reprendre ».
1. La Messe (Nos autem). — Nous nous rendons à l’église de station, l’église de Sainte-Prisque. Sur l’emplacement de cette église, se trouvait, jadis, d’après une antique tradition, la maison d’Aquila et de Priscille qui donnèrent l’hospitalité aux deux Apôtres Pierre et Paul. C’est donc un des plus anciens sanctuaires de Rome.
Aujourd’hui, nous lisons la Passion selon saint Marc, le compagnon de saint Pierre. Aucun autre évangile ne raconte le reniement de saint Pierre d’une manière aussi humiliante (c’est l’humble confession du prince des Apôtres).
A notre entrée dans l’église, nous nous trouvons en face de la Passio beata, l’heureuse Passion du Christ. La gloire de la Résurrection, qui brillera à la fin de cette semaine, fait déjà luire ses premiers rayons dans l’obscurité de la Semaine Sainte. (Observons tous les introïts de cette semaine ; ils respirent, tous, la confiance et nous font apercevoir, à travers les souffrances de la Croix, la joie de la Résurrection). L’Oraison demande la rémission des péchés en considération des « sacramenta Dominicæ Passionis », des mystères de la Passion du Seigneur. Dans la leçon, nous entendons encore le Prophète Jérémie, qui est la figure du Christ souffrant : « J’étais, comme un doux agneau, conduit à l’immolation » et nous entendons aussi la voix des ennemis : « Mettons du bois dans son pain » (allusion mystérieuse à la mort sur la Croix et à l’Eucharistie). Les trois chants de procession qui suivent (Graduel, Offertoire et Communion) sont des plaintes sorties de la bouche du Christ. Nous entrons donc dans le sacrifice douloureux du Christ et nous portons, pendant la journée entière, le souvenir de sa mort. Aujourd’hui, on chante la Passion selon saint Marc. C’est la prédication de saint Pierre. Quand la communauté se rend à l’autel pour recevoir le pain et le vin changés au corps et au sang du Seigneur, le chœur chante : « Ils chantent à mon sujet des chansons moqueuses, ceux qui boivent du vin devant la porte ». Le précieux sang nous fait songer aujourd’hui aux soldats ivres qui insultaient le Christ. Il est à remarquer que, précisément dans ces jours, la liturgie se plaît, à l’Offertoire et à la Communion, à faire un rapprochement entre le pain et le vin du sacrifice et la Passion du Seigneur (cf. Le dimanche des Rameaux : Off. et Com., et le Mercredi Saint Off. et Com.).
2. A la prière des Heures, nous entendons encore les douloureuses lamentations du Seigneur souffrant. Comme toujours, ces lamentations sont empruntées au Prophète Jérémie, qui est la figure du Messie souffrant. Ce passage se retrouve, en abrégé, à la messe d’aujourd’hui… « Mon héritage est devenu comme un lion dans la forêt qui rugit contre moi… venez, rassemblez toutes les bêtes des champs, amenez-les à la curée. De nombreux bergers ont détruit ma vigne, foulé aux pieds mon domaine ; ils ont changé le lot qui m’était cher en désert et en dévastation… Tout le pays est entièrement désolé, car il n’est personne qui réfléchisse en son cœur ». La liturgie applique ces paroles au Seigneur souffrant. Les Répons sont aussi des plaintes de la bouche du Christ.
« Il me faut souffrir l’affront et l’effroi de la part de ceux qui étaient mes amis ; et ils disent : Nous voulons par fraude l’attirer vers nous et l’opprimer, mais toi, Seigneur tu es avec moi comme un guerrier excellent.
Couvre-les d’un opprobre éternel afin que je voie leur châtiment, car c’est à toi que j’ai confié mon combat.
O Seigneur, sois juge dans mon âme, toi, le protecteur de ma vie ».
3. Participation active à la Semaine-Sainte. — Pouvons-nous faire participer activement les fidèles à la liturgie de la Semaine Sainte ? Cette question doit intéresser tous les pasteurs qui aiment la liturgie et même les associations liturgiques. C’est déjà un résultat si tous y peuvent participer passivement, c’est-à-dire tout en n’étant pas directement acteurs dans le drame, s’y unir de cœur et d’intention. Il faut pour cela une préparation sérieuse qui commencera au moins quelques semaines auparavant. Songeons seulement aux psaumes, aux leçons, aux prophéties. Beaucoup d’amis de la liturgie se rendent pendant cette semaine dans une abbaye. Là, la liturgie de la Semaine Sainte se déploie dans toute sa splendeur, et c’est une véritable joie d’assister à ces cérémonies. Cependant, nous désirerions une participation active. La chose est-elle possible ? Le dimanche des Rameaux, nous avons déjà donné quelques indications : Le laïc lui-même reçoit un rameau, il accompagne le Roi des martyrs dans sa ville, il lui rend hommage sous le portail triomphal de l’église, il participe au chant dramatique de la Passion. Bref, le dimanche des Rameaux, il doit se considérer comme le disciple qui suit le Seigneur à la Passion et à la mort. L’office des Ténèbres devrait, dans les paroisses, être chanté par le peuple. Il est toujours pénible de voir le peuple assister à ces matines sans rien comprendre du drame grandiose. Pourquoi ne les chanterait-il pas en français ? Comme on pourrait rendre plus vivant aussi l’office du matin. — Le Jeudi Saint nous offre la seule véritable fête eucharistique familiale de toute l’année. On voit, autour de la table sainte, le curé, les autres prêtres, toute la paroisse. C’est un spectacle unique dans l’année, mais qui, dans la primitive Église, avait lieu tous les dimanches. Or c’est justement en ce jour que beaucoup de fidèles reçoivent la sainte communion en dehors de la messe. Le lavement des pieds est malheureusement aussi tombé en désuétude. Si la cérémonie du lavement des pieds se heurte, dans les paroisses, à des difficultés, on pourrait cependant conserver l’esprit du « commandement » (la cérémonie s’appelle mandatum). La paroisse, ou bien des particuliers, ne pourraient-ils pas, ce jour-là, inviter douze vieillards qui seraient servis à table par le clergé et les paroissiens les plus dignes ? Pendant le repas, on lirait l’Évangile du lavement des pieds, on chanterait les chants de la cérémonie et l’on pourrait faire une courte instruction sur la charité. — Le Vendredi Saint, le sermon dit de la Passion devrait être inséré dans la liturgie et placé après l’Évangile de la Passion. Après les leçons et le chant dramatique de la Passion, on entendrait la parole du prêtre : Ce serait la meilleure manière de préparer les cœurs à l’adoration de la Croix. Dans cette belle cérémonie de l’adoration de la Croix, le peuple ne doit pas être spectateur passif. La liturgie prévoit, après l’adoration par les prêtres, l’adoration par le peuple, qui doit s’approcher et baiser la Croix. — Les cérémonies du Samedi Saint appartiennent à la nuit de Pâques, c’est déjà la fête de Pâques. Reverrons-nous un jour célébrer la nuit de Pâques ?
Dom Pius Parsch