La Porte Latine, site du District de France de la Fraternité Saint-Pie X, publie un bel article de l’abbé François Knittel, FSSPX sur les résolutions de Carême… à relire en ce début de Carême :
L’année liturgique comporte deux cycles : celui de Noël et celui de Pâques. Chaque cycle compte une préparation, une fête avec son Octave et un prolongement. La fête de Noël avec son Octave est préparée par l’Avent et prolongées par l’Épiphanie et les dimanches après l’Épiphanie. La fête de Pâques avec son Octave est préparée par trois temps liturgiques –la Septuagésime, le Carême et la Passion– et prolongées par la Pentecôte et la longue série des dimanches après la Pentecôte. Tout chrétien est donc invité à profiter du Carême pour se disposer à célébrer les mystères de la passion et de la résurrection du Christ.
D’ordinaire, cette préparation passe par des efforts dont le but est de mieux nous conformer, sous l’impulsion de la grâce, à notre divin Modèle. Or, à l’heure de prendre des résolutions, nous nous trouvons souvent désemparés. Non pas que notre vie chrétienne soit exempte de défauts et d’imperfections. Au contraire, elle en est si pleine que nous ne savons plus où donner de la tête. Pour faciliter notre prise de décision, inspirons-nous de la conduite des rois mages.
Selon l’Écriture, les rois mages firent au roi qui venait de naître un triple présent : l’or, l’encens et la myrrhe. Saint Grégoire le Grand voit dans ce geste une profession de foi : « Les mages proclament, par leurs présents symboliques, qui est celui qu’ils adorent. Voici l’or : c’est un roi ; voici l’encens : c’est un Dieu ; voici la myrrhe : c’est un mortel » (10e Homélie sur l’Épiphanie). On peut également y découvrir les trois voies d’accès à Dieu qui s’offrent au chrétien, particulièrement pendant le Carême : les bonnes œuvres, la prière et la pénitence.
L’or des bonnes œuvres
A la fin du 3e siècle, saint Cyprien rédige un petit opuscule intitulé Des bonnes œuvres et des aumônes, dont voici quelques passages suggestifs :
« Si l’eau baptismale éteint le feu de l’enfer, les aumônes et les bonnes œuvres éteignent dans les âmes régénérées la flamme du péché. Dans le baptême, la rémission n’est accordée qu’une fois ; mais les bonnes œuvres, par leur continuité et leur multiplication, nous obtiennent sans cesse l’indulgence et le pardon de Dieu. […] L’aumône, mes frères bien-aimés, est une chose divine. Elle est la consolation des croyants, le gage de notre salut, le soutien de notre espérance, l’appui de notre foi, l’expiation de nos péchés. Œuvre à la fois grande et facile, elle dépend uniquement de celui qui la fait. On n’a pas à craindre la persécution ; c’est la couronne de la paix. L’aumône est le plus grand de nos devoirs envers Dieu ; elle soulage la faiblesse et honore la fortune. Aidé par elle, le chrétien s’enrichit de la grâce divine ; il fléchit la colère du souverain Juge ; il compte Dieu parmi ses débiteurs. »
L’aumône à laquelle l’évêque de Carthage invite ses lecteurs d’hier et d’aujourd’hui est celle que l’on fait en disposant de son superflu au bénéfice des nécessiteux. On aurait cependant tort de n’y voir qu’une affaire d’argent.
Le Christ énumère, en effet, toute une série d’œuvres de miséricorde que le chrétien est fortement convié à pratiquer : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi » (Mt 25, 35–36).
Offrir du temps, rendre service, visiter les personnes seules, enseigner les ignorants, consoler les affligés : autant de bonnes œuvres qui s’offrent à notre bon vouloir durant le temps du Carême.
L’encens de la prière
Outre la pratique des bonnes œuvres, ces 40 jours peuvent aussi être l’occasion d’un regain de prière. Dans Le grand moyen de la prière, saint Alphonse de Liguori met l’accent sur l’importance du lien que nous devons entretenir avec notre Père qui est dans les cieux :
« Ce fut déjà une erreur des Pélagiens de prétendre que la prière n’est pas nécessaire pour parvenir au salut. L’impie Pélage, leur maître, disait que « l’homme ne se perd que pour autant qu’il néglige d’apprendre les vérités qu’il est nécessaire de connaître ». Mais chose curieuse, disait saint Augustin, « Pélage dispute de tout plutôt que de la prière ». Pélage voulait traiter de tout, sauf de la prière qui est l’unique moyen, comme le pensait et l’enseignait le saint Docteur, d’acquérir la science des saints, selon ce que saint Jacques écrivait : « Si l’un de vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu ; il donne à tous généreusement, sans récriminer » (Jc 1, 5).
« Les textes de la Sainte Écriture, qui nous montrent la nécessité où nous sommes de prier, si nous voulons assurer notre salut sont trop clairs : « Il leur fallait prier sans cesse, et ne pas se décourager » (Lc 18, 1), « Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation » (Mt 26, 41), « Demandez et l’on vous donnera » (Mt 7, 7). » (1re partie, ch. 1, n° 1)
Quant à la prière, nos efforts peuvent prendre une triple direction. D’abord, assurer la régularité sans faille de nos prières quotidiennes : la prière du matin avec son offrande de la journée, la prière du soir avec son examen de conscience. Ensuite, la récitation quotidienne du chapelet, si possible en famille, pour nous mettre à l’école de Notre-Dame. Enfin, l’assistance à l’une ou l’autre messe de semaine pour avoir en nous « les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus » (Phil 2, 5).
La myrrhe de la pénitence
Dans L’amour de la Sagesse éternelle, saint Louis-Marie Grignon de Montfort recommande au disciple de Jésus-Christ la pratique de la pénitence continuelle :
« Pour avoir la Sagesse, il faut mortifier son corps, non seulement en souffrant patiemment les maladies du corps, les injures des saisons et les atteintes qu’il reçoit, en cette vie, des créatures ; mais encore en se procurant quelques peines et mortifications, comme jeûnes, veilles et autres austérités de saint pénitent.
« Il faut du courage pour cela, parce que la chair est naturellement idolâtre d’elle-même, et le monde regarde et rejette comme inutiles toutes les mortifications du corps. Que ne dit-il point, que ne fait-il point pour détourner de la pratique des austérités des saints, de chacun desquels il est dit, à proportion : « Le sage, ou le saint, a réduit son corps en servitude par des veilles, par des jeûnes, par des disciplines, par le froid, la nudité et toute sorte d’austérités et il avait fait pacte avec lui de ne lui donner aucun repos en ce monde ». Le Saint-Esprit dit de tous les saints qu’ils étaient « ennemis de la robe souillée de leur chair » (Jud. 23).
« Afin que cette mortification extérieure et volontaire soit bonne, il faut nécessairement la joindre avec la mortification du jugement et de la volonté, par la sainte obéissance ; parce que, sans cette obéissance, toute mortification est souillée de la volonté propre, et souvent plus agréable au démon qu’à Dieu. C’est pourquoi il ne faut faire aucune mortification considérable sans conseil. » (ch. 15, n° 201–202)
Pour « achever dans sa chair ce qui manque la Passion du Christ pour son corps qui est l’Église » (Col 1, 24), le chrétien commence par observer fidèlement les pénitences prescrites par l’Église : abstinence des vendredis, jeûne et abstinence du Mercredi des Cendres et du Vendredi Saint. Libre à lui d’y ajouter quelques mortifications personnelles compatibles avec l’accomplissement de son devoir d’état.