Dans le dernier numéro de l’Appel de Chartres, le philosophe Thibaud Colin revient sur le récent synode sur la synodalité:
Le synode qui a lieu en ce moment à Rome cristallise un certain nombre d’enjeux et de fragilités de l’Église dans la situation contemporaine. La lecture de l’Instrumentum laboris synodal est à ce titre révélatrice. Outre les questions organisationnelles en vue d’une meilleure « participation » des fidèles, il est frappant de constater qu’il est animé par un agenda que l’on peut lire comme signe de la crise qui secoue l’Église. Il s’agit de se mettre « à l’écoute » des hommes d’aujourd’hui pour entamer avec eux un « dialogue ». Et l’on présuppose que ce dialogue ne pourra avoir lieu que si l’on rend l’enseignement de l’Église crédible. Ce souci de crédibilité implique d’intérioriser l’esprit de notre époque afin d’y inculturer la foi et la morale chrétiennes. Ce point se traduit par le souci d’aplanir les points de divergences les plus saillants avec le monde, en promouvant par exemple la question des divorcés remariés, celle d’une réforme de la morale sexuelle ou encore celle de la bénédiction de couples homosexuels. Le principe de cette forme d’esprit est le modèle herméneutique (terme qui signifie « art d’interpréter » en grec) selon lequel tout discours doit être compris relativement à un contexte culturel et historique qui peut varier. Cela tend à diluer la vérité objective d’une doctrine au profit d’approches diverses. On passe ainsi du simple constat d’un pluralisme de fait à la reconnaissance d’un pluralisme de droit, c’est-à-dire d’un pluralisme d’interprétations vu comme irréductible et légitime. Il est évident que la foi et la morale chrétiennes passées au crible d’un tel mode de pensée relativiste sont altérées. Un des experts au synode est le père jésuite franco-allemand Christoph Theobald, grande autorité progressiste de l’Église de France. Sa thèse sur le concile Vatican II est que celui-ci a décidé de donner à son engagement doctrinal une forme pastorale.
Tandis que le dogme risque en effet de donner l’impression d’une vérité transhistorique, le Concile aurait intégré sous la conduite charismatique de l’Esprit Saint, la conscience historique de notre temps. La pastoralité signifie la relativité de la doctrine à la pastorale et… de celle-ci au temps présent, mesure de la crédibilité. Ainsi nombreux sont théologiens et pasteurs à ne plus percevoir l’Église que par la médiation du regard du monde. Or l’une des caractéristiques de l’esprit moderne est la réflexion, la conscience, le retour sur soi. Au lieu de recevoir le réel tel qu’il est, on l’identifie à nos représentations, toujours conditionnées. L’Église perd ainsi dans son annonce de la Bonne Nouvelle du salut une forme de naïveté, de spontanéité, de radicalité qui a caractérisé les grandes heures de son expansion. Pensons à Saint Paul, à Saint Ignace de Loyola ou encore à sainte Thérèse d’Avila ou au Curé d’Ars. Leurs paroles si tranchantes étaient-elles en recherche de crédibilité selon un paradigme herméneutique ? Que nenni !
En comparaison, les propos lénifiants du cardinal Hollerich dans son livre d’entretiens paru récemment, archevêque de Luxembourg et rapporteur général du synode, sont signes de cette anesthésie du sens de la vérité et du bien au bénéfice du sens et de la valeur. Mais le sens est toujours relatif à une interprétation du sujet et la valeur à une décision du sujet. Le rapport à Dieu est alors amorti par l’épaisseur des médiations mentales, culturelles, historiques conditionnant la subjectivité. Encore une fois, lorsque l’on voit la vie des saints, on est marqué par leur simplicité, leur naïveté, leur peu de réflexivité. Ils disent et vivent ce que Dieu leur demande et font preuve de grande simplicité dans leur message. Leur charité leur permet de rejoindre le cœur de leur interlocuteur sans à aucun moment édulcorer le message de l’Evangile. Et surtout, ils sont mus par l’impératif de Notre Seigneur leur ordonnant d’annoncer l’Evangile et de baptiser. L’intériorisation par nombre de pasteurs de la relativité de l’Église dans le salut des hommes et surtout la quasi disparition de la possibilité de la damnation éternelle ont dramatiquement fait baisser la pression évangélisatrice.
L’Église a besoin de saints !
100% d’accord, il faut des saints pour sortir de la crise et guider l’Eglise dans la ferveur de l’adoration, de la piété, des mortifications et de la lutte contre le péché. Que Dieu nous fasse grâce.