Cette tendance démocratique, si appréciée aujourd’hui, apporte-t-elle vraiment un progrès dans l’Église catholique ?
Le primat du pontife romain
La collégialité n’a pas la faveur de la Tradition. Comme le notait avec humour le cardinal Ottaviani, la collégialité n’a pour fondement scripturaire qu’une action peu glorieuse des apôtres au moment de la Passion : « Alors les disciples, l’abandonnant (Jésus), s’enfuirent tous. » En revanche, l’Evangile est très clair sur l’autorité transmise à saint Pierre : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. » La primauté de l’évêque de Rome, successeur de saint Pierre, est reconnue dès les premiers siècles de l’histoire de l’Église.
La constitution de l’Église instituée par Notre-Seigneur est une monarchie dont saint Pierre et ses successeurs sont les chefs. Ces vérités ne seront mises en doute qu’après plusieurs siècles, lorsque les orthodoxes et les protestants éprouveront le besoin de justifier leur révolte. Nous ne sommes pas étonnés de retrouver le thème de la collégialité à l’heure de l’œcuménisme. En effet, ce qui gêne les hérétiques (protestants) et les schismatiques grecs, c’est l’autorité du pontife romain.
La collégialité, révolution dans l’Église
Dans une page admirable de son ouvrage Iota unum, Romano Amerio note que « ces corps de l’Église appelés à la participation deviennent en réalité organes de dissension et d’indépendance du peuple de Dieu à l’égard de leurs pasteurs et du pasteur suprême. Ce que l’on prévoyait devoir rejaillir de la démocratisation de l’Église s’est manifesté a posteriori par les effets malheureux des synodes nationaux… Ce qui est commun à tous les synodes, diocésains ou nationaux, c’est leur propension à l’indépendance et d’avoir établi des thèses et proposé des réformes en opposition avec la pensée déclarée du Saint-Siège, en demandant par exemple l’ordination d’hommes mariés, la prêtrise pour les femmes, le partage de l’Eucharistie avec les frères séparés, l’admission aux sacrements des divorcés bigames. »
Judicieusement, il relève « la contradiction qu’il y a entre la démocratisation et la constitution divine de l’Église. Il y a une différence et même une opposition entre l’Église du Christ et les sociétés civiles. Celles-ci possèdent d’abord l’existence, et ensuite forment leur propre gouvernement… L’Église, au contraire, ne s’est pas formée d’elle-même, ni n’a formé son gouvernement ; elle a été faite toute entière par le Christ qui en a établi les lois fondamentales avant d’appeler les fidèles… L’Église est donc une société sans égale, où le chef est antérieur aux membres, et où l’autorité passe avant la communauté. » La conclusion qui suit immédiatement est une condamnation très claire du projet du pape François : « Une doctrine, qui se fonderait sur le peuple de Dieu démocratiquement conçu et dans le sentiment et l’opinion du peuple de Dieu, est contraire à celle de l’Église. »
Le résultat désastreux de la doctrine de la collégialité n’a pas mis longtemps à se manifester. L’Église devient rapidement ingouvernable, comme l’illustre ces quelques mots du Père de la Morandais : « Le problème n’est pas d’obéir au pape. Qui me donne les ordres ? C’est la collégialité des évêques. Je n’obéirai que si l’évêque de Paris me donne cet ordre. Mais vous savez, l’obéissance actuelle est un consensus entre les évêques et les prêtres. Ce n’est plus comme autrefois où un ordre était un ordre. Et je vois mal l’évêque de Paris me dire : “Mettez-vous en clergyman”, pour la bonne raison que cet ordre, il ne le donnera pas, car il n’a aucune chance d’être obéi.»
La collégialité bouleverse, dans les principes comme dans la pratique, la constitution divine de l’Église.
Le respect de l’opinion publique dans l’Église
Il ne faudrait pas croire, comme le prétendait le cardinal Suenens à l’issue du concile Vatican II, que l’attention à l’opinion publique soit une nouveauté dans l’Église. Romano Amerio donne une série d’exemples au cours de l’histoire de l’Église, en commençant par la fameuse formule des Actes des Apôtres : « Il a paru bon au Saint-Esprit et à nous. » Il rappelle qu’à Paris, au XlIIe siècle, saint Thomas d’Aquin répondait aux questions théologiques du petit peuple, qu’au XVIIe siècle, les petites gens s’agitaient pour ou contre l’immaculée conception, arrachant à leur chaire ceux qui la combattaient. Ce qui est nouveau, c’est la force nouvelle de l’opinion publique. Elle finit par être considérée comme égale voire supérieure à la hiérarchie. Et ainsi, l’Église synodale désirée par François s’écarte de l’Église catholique fondée par Notre-Seigneur.
Extrait de l’article sur La Porte Latine