Le futur cardinal Bustillo, évêque d’Ajaccio, a été interrogé dans le Journal du Dimanche. Extraits :
L’unité est une question fondamentale. Dans la vie sociale, politique, culturelle, médiatique, tout le monde s’oppose, parfois avec violence. Il est normal que nous ayons des désaccords. Comment les dépasser ? Je constate que la désunion menace également l’Église. En Europe, les catholiques sont dans une situation complexe : peu nombreux, les vocations sont rares, et les fidèles âgés. La peur de disparaître pousse chacun à penser qu’il détient la solution, et les divisions apparaissent. Il faut se recentrer sur ce qui nous unit : Dieu.
Le synode qui arrive pose des questions qui divisent dans l’Église… Et pourtant, chacun défend son point de vue en citant l’Évangile !
Les questions qui vont être abordées s’imposent à notre époque. Mais nous ne devons pas croire que la conclusion est écrite. Il faut que nous réussissions à mettre de côté nos émotions pour confronter nos intelligences. Il faut aussi réussir à séparer les personnes des actes qu’elles posent. L’Église condamne certains actes comme une mère le ferait pour son enfant : par amour ! La morale objective est nécessaire, mais il est important de ne jamais juger les hommes, dont on ne connaît jamais la complexité. Dieu seul peut juger.
Vous affirmez qu’on ne peut prétendre à l’unité sans être enraciné en Dieu. Mais Dieu peine à trouver sa place dans la société française… Le monde peut-il prétendre à l’unité quand même ?
À la fin des années 1960, le slogan « ni Dieu ni maître » a triomphé. Depuis, la société va-t-elle mieux ? Sommes-nous devenus meilleurs ? Plus heureux ? Je suis évêque et je crois que la perte de la foi en Dieu a entraîné la chute de toute l’architecture sociale de la confiance. Nous avons perdu la foi en Dieu, mais aussi dans la politique, la presse, la médecine parfois… Dans ce vide, la soif spirituelle demeure. Récemment, en Corse, 150 jeunes ont demandé le baptême. L’un d’eux m’a dit : « Ma grand-mère est morte, j’aimerais savoir où elle est aujourd’hui. » Ils frappent à la porte de l’Église pour avoir des réponses à leurs questions existentielles sur la vie, la mort… Nous avons un trésor si grand, il faut le partager. Sans arrogance, mais sans complexe non plus. […]
Le pape provoque parfois des divisions en parlant d’immigration… Faut-il être d’accord avec lui sur les questions politiques pour être catholique ou s’approcher de l’Église ?
Il faut suivre Jésus, c’est tout ! Mettez-vous à la place du pape, n’est-il pas normal qu’il réveille nos cœurs sur la souffrance des plus petits ? Je pense que le pape est conscient que la charité personnelle n’est pas nécessairement une réponse politique, chaque pays fait ce qu’il peut. Il dit ce qu’il pense être bon, mais il parle à des personnes dont il respecte l’intelligence. Il ne faut pas craindre d’être en accord ou en désaccord, car l’Église n’est pas une secte. Il y a le dogme, les vérités qui s’imposent aux catholiques dans le domaine de la foi. Ensuite, il y a nos intelligences, nos libertés. […]