Dans le diocèse de Paderborn, l’évêque actuel a décidé de faire la guerre aux morts. Il n’est pas encore question de concile cadavérique, mais d’une affichette devant les tombes de deux évêques dans la crypte de la cathédrale de ce diocèse jumelé avec le Mans pour dénoncer le fait qu’ils ont couvert des abus.
“«Les archevêques enterrés ici ont commis de graves erreurs dans la gestion des abus». Tel est l’épitaphe qui figure depuis juillet 2023 dans la crypte de la cathédrale de Paderborn, en Allemagne, sur les tombes des deux cardinaux Lorenz Jäger (1892-1975) et Johannes Degenhardt (1926-2002). Les vivants ont-ils le droit de juger ainsi les morts? s’interrogent diverses personnalités.
Dans la crypte de la cathédrale de Paderborn, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, est posé un panneau avec le texte suivant: «Les archevêques inhumés ici ont commis pendant leur mandat, du point de vue actuel, de graves erreurs dans leur gestion des abus sexuels. Trop souvent, ils ont fait passer la protection et la réputation de l’institution et des coupables avant la souffrance des personnes touchées». Le texte a été formulé par le chapitre métropolitain et adopté par la représentation des victimes a expliqué l’archevêché, au site katholisch.de.
Depuis 2020, deux historiennes ont mené une enquête sur les abus commis de 1941 à 2002, sous les épiscopats de Mgr Lorenz Jaeger et Mgr Johannes Joachim Degenhardt. Un premier résultat intermédiaire atteste que les anciens archevêques ont commis de graves erreurs dans leur gestion des auteurs d’abus, en protégeant les accusés et en manquant de sollicitude envers les victimes.
La décision de l’archidiocèse de désigner ainsi nommément des coupables à tous les visiteurs de la crypte n’a pas manqué de faire bondir d’indignation certaines personnes. «Pilate avait rédigé un écriteau qu’il fit placer sur la croix; il était écrit: ‘Jésus le Nazaréen, roi des Juifs’. (Jn,19,20) Cette association m’est inévitablement venue à l’esprit lorsque j’ai lu avec horreur la décision de poser cette prétendue plaque [en mémoire] d’abus», écrit ainsi Sœur Anna Mirijam Kaschner, secrétaire générale de la Conférence des évêques des pays nordiques”.
Néanmoins sa réaction lui a valu de se faire vertement attaquer par le porte-parole d’une association de victimes : “Le porte-parole du conseil des victimes auprès de la Conférence des évêques allemands, Johannes Norpoth, a réagi avec «une horreur sans nom» au commentaire de Sœur Anna Mirijam Kaschner. Dans une lettre ouverte, il lui reproche «non seulement l’ignorance de la recherche en la matière, mais aussi le manque d’approche sensible aux traumatismes des personnes touchées. Dans son texte, elle exprime une attitude «qui a conduit notre Église exactement là où elle se trouve actuellement: dans une crise existentielle».”
Néanmoins, ce genre d’initiatives n’a pas encore traversé le Rhin. Mgr Pican, premier évêque à avoir été condamné en 2001 par la justice de la République depuis la Révolution pour ne pas avoir dénoncé à la justice les agissements du prêtre pédophile René Bissey (11 victimes), peut dormir tranquille à la cathédrale de Bayeux où il est inhumé.