Suite à l’incendie d’exemplaires du Coran survenu mercredi en Suède, le pape François a déclaré au quotidien émirati :
« Je suis indigné et dégouté par ces actions. Tout livre considéré comme sacré par ses auteurs doit être respecté par respect pour ses croyants, et la liberté d’expression ne doit jamais être utilisée comme une excuse pour mépriser les autres, et permettre cela doit être rejeté et condamné ».
L’abbé Samih Raad, curé d’Hombourg-Haut et islamologue, propose un éclairage de la doctrine catholique sur le site du diocèse de Metz, confirmant que le Concile Vatican II marque une rupture avec la Tradition :
Le concile Vatican II marque un tournant officiel dans la position de la foi catholique envers l’islam et les musulmans. Ce processus a été précédé par un pélerinage long et difficile, en fonction des conditions politiques, économiques et sociales de chaque époque. Ce concile a tracé une nouvelle voie fondée sur l’ouverture et le respect, n’hésitant pas à briser les schémas préétablis. Ainsi, il a permis de considérer les musulmans comme des partenaires pour proclamer la foi envers le Dieu unique et certains de ses principes fondamentaux.
Dans la constitution doctrinale de l’Église intitulée Lumen Gentium, publiée en 1964, il est reconnu clairement que l’islam est une religion qui partage la croyance en un même Dieu Créateur que celle de l’Église catholique. Cette conviction repose sur la foi en un Dieu unique, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, qui est également le Dieu du prophète Mahomet et de ses disciples.
« Enfin, pour ceux qui n’ont pas encore reçu l’Évangile, sous des formes diverses, eux aussi sont ordonnés au Peuple de Dieu et, en premier lieu, ce peuple qui reçut les alliances et les promesses, et dont le Christ est issu selon la chair (cf. Rm 9, 4-5), peuple très aimé du point de vue de l’élection, à cause des Pères, car Dieu ne regrette rien de ses dons ni de son appel (cf. Rm 11, 28-29). Mais le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui, professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour. »[1]
Un autre document du concile, portant sur la relation de l’Église avec les religions non-chrétiennes et revêtant le statut d’une déclaration, publié par le pape Paul VI en 1965, sous le titre Dans notre époque – Nostra Aetate déclare :
« L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa Mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement, où Dieu rétribuera tous les hommes après les avoir ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne. »
« Même si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le saint Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté. »[2]
Ces textes revêtent une clarté indéniable du point de vue doctrinal, mettant en évidence le devoir fondamental de respect envers l’islam en tant que système de croyance. Ils vont au-delà de la simple reconnaissance et expriment une réelle volonté d’approfondir la compréhension mutuelle entre les différentes religions. En promouvant le dialogue interreligieux, ils reconnaissent la valeur intrinsèque de l’islam et la contribution significative qu’il apporte à la richesse spirituelle de l’humanité. En mettant l’accent sur le respect, ils appellent à une coexistence pacifique, dans laquelle les croyances religieuses sont mutuellement reconnues et respectées. Ces textes encouragent ainsi la construction d’une culture de respect, d’inclusion et de fraternité entre les différentes traditions religieuses, favorisant ainsi une harmonie interreligieuse essentielle pour notre monde pluraliste.
L’Église porte un regard empreint de dignité envers l’ensemble de l’humanité et appelle à lui accorder un respect absolu, reconnaissant que l’incarnation du Christ confère une sainteté à chaque individu et les unit. Le texte de la Constitution pastorale de l’Église dans le monde contemporain est intitulé Joie et Espérance : Gaudium et Spes, publié en 1965 :
« Parce qu’en lui (Jésus Christ) la nature humaine a été assumée, non absorbée, par le fait même, cette nature a été élevée en nous aussi à une dignité sans égale. Car, par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. Il a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché. »[3]
En ce qui concerne le passage concernant la relation de l’Église avec les religions non-chrétiennes, le texte souligne que, en considérant l’ensemble de l’humanité, tous les êtres humains, sans distinction, sont considérés comme des frères et sœurs par les chrétiens, basé sur la paternité de Dieu et l’acte d’amour. D’un point de vue doctrinal et moral, les gens sont reconnus comme étant liés par une réelle fraternité, indépendamment de leurs croyances.
« Nous ne pouvons invoquer Dieu, Père de tous les hommes, si nous refusons de nous conduire fraternellement envers certains des hommes créés à l’image de Dieu. La relation de l’homme à Dieu le Père et la relation de l’homme à ses frères humains sont tellement liées que l’Écriture dit : « Qui n’aime pas ne connaît pas Dieu (1 Jn 4, 8). Par-là est sapé le fondement de toute théorie ou de toute pratique qui introduit entre homme et homme, entre peuple et peuple, une discrimination en ce qui concerne la dignité humaine et les droits qui en découlent. »[4]
Ces textes mettent en évidence de manière claire et indéniable le devoir absolu de respecter les croyances et tout ce qui est considéré comme sacré, en particulier lorsqu’il s’agit de la question sensible d’incendier des livres saints. Une telle action est perçue comme une atteinte directe à la sainteté même de la foi chrétienne, en raison de sa profonde connexion avec nos convictions les plus intimes. En guise de conclusion, nous citons à nouveau ces textes afin de souligner notre profond respect envers les croyances et les lieux de culte des autres, en particulier envers nos frères et sœurs musulmans qui partagent avec nous une foi commune envers le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.
« L’Église réprouve donc, en tant que contraire à l’esprit du Christ, toute discrimination ou vexation dont sont victimes des hommes en raison de leur race, de leur couleur, de leur condition ou de leur religion. En conséquence, le saint Concile, suivant les traces des saints Apôtres Pierre et Paul, prie ardemment les fidèles du Christ ‘d’avoir au milieu des nations une belle conduite’ (1 P 2, 12), si c’est possible, et de vivre en paix, pour autant qu’il dépende d’eux, avec tous les hommes, de manière à être vraiment les fils du Père qui est dans les cieux. »[5]
Le concile Vatican II a marqué une véritable transformation de la position de la foi catholique envers l’islam, en favorisant l’ouverture, le respect et la compréhension mutuelle. Les textes doctrinaux qui en résultent mettent en évidence l’impératif catégorique de respecter les croyances et tout ce qui est sacré, condamnant toute forme de discrimination. L’Église reconnaît l’islam comme une religion partageant la foi en un Dieu unique. Ces enseignements promeuvent le dialogue interreligieux, la tolérance et une coexistence pacifique.
[1] Lumen Gentium, 16.
[2] Nostra Aetate, 3.
[3] Gaudium et Spes, 22.
[4] Nostra Aetate, 5.
[5] Nostra Aetate, 5.