Marguerite Aubry écrit dans L’Homme Nouveau :
Le sentiment général des prêtres que nous avons pu interroger est que la Conférence des évêques de France (CEF) trouve les mauvaises solutions à de véritables problèmes. Avec son système de feux tricolores (« quid de l’orange ? »), la nouvelle carte du celebret jettera le discrédit sur chacun dès lors que le code QR déclenchera le bouton orange, alors même qu’on ne saura pas le détail de l’accusation.
Le nouveau celebret mélange deux questions distinctes : la capacité de célébrer la messe et les sacrements, et le fait d’être l’objet de signalements, procédures en justice ou condamnations. Or, même si c’est de moins en moins possible, un prêtre condamné peut avoir la permission de célébrer la messe, et un autre en être interdit pour des raisons qui n’ont rien à voir avec des abus sur enfants. Par ailleurs, les prêtres attachés à la messe traditionnelle ont de quoi s’inquiéter : la pente est glissante pour qu’un changement de paramètre interdise par exemple à ce type de prêtre de confesser.
Il semble que la CEF ait succombé à la fascination du monde pour les moyens modernes de communication, la technique. Et à la sortie de la crise du coronavirus, le code QR a un goût de déjà-vu. Sans compter l’énorme pouvoir donné à la personne qui gérera l’annuaire national sécurisé des prêtres et diacres de France, avec toutes leurs informations.
De plus, une note datant du 14 mars, que nous avons pu consulter, rédigée par quelques prêtres à l’intention de leurs évêques et transmise à la CEF, démontre clairement que le procédé mis en place n’est pas légal. Cette note explique notamment que le nouveau modèle national de celebret n’est pas conforme au RGPD (Règlement général sur la protection des données) et qu’il porte atteinte à la bonne réputation des prêtres. En outre,
« en rigueur de termes le document proposé n’est pas un celebret. Il s’agit d’une ˝carte d’identification˝ et, en l’espèce, une sorte de casier judiciaire portatif, ce qui n’est évidemment pas la même chose ».
La note présente des solutions, comme le raccourcissement de la durée de validité du celebret à six mois, ou la réduction des informations à trois : « M. l’abbé X jouit (ou non) de la faculté de célébrer la messe, de confesser et de prêcher. » Un canoniste propose le simple retrait du celebret par la chancellerie diocésaine dès lors qu’un prêtre pose problème.
Nous avons également eu sous les yeux le celebret d’un prêtre de la Compagnie de Jésus qui, étonnamment, ne présente pas de code QR. Interprétation de son propriétaire : « Les jésuites n’ont aucune envie d’être fichés .» Certaines communautés auraient donc leur mot à dire pour l’utilisation de ce celebret.
Un prêtre signataire de la note du 14 mars précise que celle-ci a été transmise à M. Ambroise Laurent, secrétaire général adjoint en charge des Affaires économiques sociales et juridiques de la CEF : ce dernier a pour mission de mettre en œuvre le nouveau modèle national de celebret. Affaire à suivre.