Le cardinal Müller a été interrogé dans La nuova Bussola à propos de son nouvel ouvrage sur le ministère pétrinien, Il Papa. Ministero e mission. Extrait de la traduction de Benoît-et-moi :
Éminence, pourquoi avez-vous qualifié les paroles de Pie XI condamnant le développement des Églises nationales de « paroles vraiment prophétiques, qui gardent leur sens même dans la confrontation actuelle avec les revendications totalitaires médiatisées » ?
L’Église nationale est une contradiction parfaite avec la volonté de Dieu de sauver toute l’humanité et d’unifier tous les hommes dans l’Esprit Saint. On ne peut pas réduire la foi à une seule nation comme le font les orthodoxes avec l’autocéphalie. Il s’agit d’un principe non catholique. Nous sommes l’Église catholique, c’est-à-dire universelle, pour tous les peuples.
On pense inévitablement à ce qui se passe dans « votre » Allemagne. Craignez-vous que les résultats de la voie synodale allemande n’influencent le prochain synode sur la synodalité ?
C’est clair. Les promoteurs et les partisans de la voie synodale allemande ne veulent pas se séparer de l’Église catholique, mais au contraire en devenir la locomotive. Leur programme est connu depuis plus d’un demi-siècle et reste celui du ZDK (Comité central des catholiques allemands, ndlr). Ils ne sont pas la véritable représentation des laïcs allemands, mais des fonctionnaires qui luttent depuis des décennies contre le célibat des prêtres, contre l’indissolubilité du mariage et en faveur de l’ordination des femmes.
Ces propositions ont été présentées au cours du processus synodal comme la solution au problème des abus commis par des clercs sur des mineurs. L’admission des fautes et la démission des principaux évêques allemands de la Voie pour mauvaise gestion des cas n’ont-ils pas miné la crédibilité de ce récit ?
La vérité est qu’en Allemagne, il y a eu une grande instrumentalisation de ces tristes événements commis par certains prêtres, dans le but d’introduire un agenda qui existait déjà auparavant et qui n’a rien à voir avec cette tragédie. Mais d’un autre côté, les principaux médias allemands ne font qu’exalter les changements de doctrine promus par la Voie synodale. Pour eux, seule l’assemblée de Francfort est bonne dans l’Église, alors que tout le reste est vilipendé et que les étiquettes de conservateur ou même de fasciste sont utilisées ! La majorité de la presse allemande est en faveur de la Voie synodale non pas pour améliorer l’Église, mais pour la détruire. Ce n’est pas un hasard si l’on parle des cas de pédophilie commis par des prêtres et que l’on passe sous silence ceux commis dans le sport, les universités ou la politique, où le pourcentage de crimes est encore plus élevé. Ceux qui ont toujours été contre le célibat des prêtres et contre la morale sexuelle de l’Église ont maintenant trouvé dans la tragédie des abus sexuels sur mineurs commis par des prêtres un instrument pour détruire ce qu’ils ont toujours voulu détruire.
Toujours à propos de la voie synodale allemande, avez-vous entendu l’intervention de l’évêque d’Anvers, Mgr Johan Bonny, qui a soutenu la cause de la bénédiction des couples homosexuels en revendiquant le schéma que la Conférence épiscopale belge a apporté à Rome ? Selon le prélat, de prétendues autorités romaines auraient dit aux évêques que c’était de leur ressort et même le pape leur aurait dit « c’est votre décision, je peux le comprendre »…
Aujourd’hui, ceux qui ont des positions hétérodoxes tentent de se légitimer en faisant référence à de prétendues déclarations ou interviews de François. Mais ils dépassent ainsi leurs compétences. L’histoire a connu de nombreux évêques hérétiques. Ce projet d’arc-en-ciel en faveur de la bénédiction est une hérésie évidente. Pour le légitimer, ils ne peuvent pas se référer à un moment où le pape leur aurait dit quelque chose. Même si le pape l’avait effectivement dit, ils ne pourront jamais introduire la bénédiction des couples de même sexe comme s’il s’agissait d’un mariage. C’est absolument impossible. Il n’est pas du ressort d’un pape de modifier la Révélation et les fondements de la morale chrétienne et catholique. Une conférence épiscopale peut encore moins le faire. Ce sont des actes contre l’Église.
Pensez-vous que le Dicastère pour la doctrine de la foi doit intervenir pour reprendre l’évêque d’Anvers ?
Oui, il doit intervenir.
Si vous étiez encore préfet, seriez-vous intervenu ?
Peut-être qu’ils ne voulaient plus de moi comme préfet justement parce que je serais intervenu. (rires, ndlr). C’est le devoir du préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. On ne peut pas raisonner uniquement avec une logique politique ou diplomatique. Le temps est venu de confesser la vérité.
Dans le livre, à propos du Concile Vatican II, vous avez écrit qu’ « il peut y avoir seulement une herméneutique de la réforme et de la continuité ». Il y a quelques jours, pour justifier les restrictions à la libéralisation de la messe dite tridentine, le cardinal Arthur Roche a déclaré que « la théologie de l’Église a changé ». Comment jugez-vous ces paroles ?
En tant que théologien, je ne me réjouis pas de cette déclaration du cardinal Roche. La foi est toujours la même. Nous ne pouvons pas changer la foi. La théologie se développe, mais toujours sur la base de la même foi. Le Concile Vatican II n’a pas changé la foi concernant le sacrement de l’Eucharistie. L’Eucharistie est la représentation sacramentelle du sacrifice de Jésus-Christ, la présence réelle de Jésus-Christ. […]
Ces communautés associées à ce qu’on appelle la messe en latin souffrent du préjugé qui voudrait qu’elles soient les ennemies du Concile Vatican II. Mais il y a des évêques en Allemagne qui nient ouvertement Vatican II ! Ils le remettent en question ou disent qu’il ne représente qu’une étape du passé. Ils n’acceptent pas la doctrine du Concile. Quelle est la réaction de Rome face à cela ? Pourquoi réagit-elle avec toute son autorité contre une partie, alors que contre l’autre – qui, par exemple, promeut la bénédiction des couples homosexuels – il n’y a pratiquement aucune réaction ?