En pointe dans l’offensive tous azimuts contre les fidèles de la messe traditionnelle, le cardinal Arthur Roche n’est pas très calé sur la liturgie, et pire, il n’hésite pas à montrer qu’il ne veut rien savoir. Un peu comme son collègue le cardinal Hollerich en matière d’évangélisation…
Paix Liturgique revient sur le sujet :
“Alors qu’un quatrième texte, un Rescrit, promulgué le 21 février 2023 vient marteler le message apparemment impuissant de Traditionis custodes, à savoir que la liturgie traditionnelle est définitivement périmée, il n’est pas inutile de se pencher sur la pensée du personnage-clé de cette offensive, le cardinal Arthur Roche, Préfet du Dicastère pour le Culte divin.
Celui-ci avait donné une conférence à l’Université pontificale de la Sainte-Croix (Opus Dei) à l’occasion d’une journée d’études de l’Institut de Liturgie, le 19 février 2020 sur le thème : « Ad pristinam sanctorum patrum normam, une réflexion 50 ans après la promulgation du Missale Romanum ». Mgr Roche était alors Secrétaire de la Congrégation pour le Culte divin, nommé par Benoît XVI en 2012, dont il sera fait Préfet en 2021 par le pape François. Sa conférence s’intitulait : « Le Missel romain de saint Paul VI, témoin d’une foi immuable et d’une tradition ininterrompue. » Elle a été publiée sous le même titre par L’Osservatore Romano, le 12 décembre 2020.
Un texte défensif
Le titre même indique qu’il s’agissait de prouver que le missel de Paul VI est en continuité avec la foi de l’Eglise, ce que, depuis sa promulgation, conteste une opposition, assumée au commencement par le cardinal Ottaviani, préfet émérite de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dans son Bref examen critique, et qui n’a depuis jamais cessé.
C’est tout le destin de cette liturgie nouvelle, comme d’ailleurs du concile à laquelle elle est adossée, comme le rappelle Mgr Roche, d’avoir constamment été en but à une non-réception argumentée. Il n’y a jamais eu – et il n’y aura apparemment jamais – de réception paisible de la liturgie nouvelle. Elle est véritablement un brandon de discorde et la concrétisation sensible de la rupture dans le tissu ecclésial que l’on déplore depuis soixante ans. Il est normal que le pape François, dont tout le pontificat est en quelque sorte une pleine maturation de « l’esprit du Concile », soit aussi un pontificat qui attise cette division des catholiques, spécialement dans le domaine liturgique.
Le texte d’Arthur Roche ici rapporté date d’avant l’offensive de Traditionis custodes, qu’il prépare manifestement. Il se réfère à ce que Benoît XVI avait qualifié dans son discours à la Curie de 2005 d’« herméneutique de la réforme dans la continuité », en l’opposant à « l’herméneutique de rupture. » Habile argument de celui qui était alors Secrétaire d’une Congrégation dirigée par le cardinal Sarah. Toute la question concernant cette tentative « herméneutique de la réforme dans la continuité », notamment en matière liturgique, est justement de savoir si la réforme, qu’elle voudrait encadrer, n’est pas en soi rupture, comme l’assurent les critiques de la nouvelle liturgie depuis le Bref Examen critique. Autrement dit, au moins du point de vue du culte, il n’y aurait pas de distinction de nature, mais seulement de degré, entre les deux herméneutiques, ce que les propos d’Arthur Roche, qui est somme toute un réformateur modéré, confirment.
Une lex orandi autre que la précédente
L’affirmation tranchée de Traditionis custodes (il n’y a plus qu’un seule lex orandi, la nouvelle) est présentée par Arthur Roche, un an avant, de manière plus feutrée. Selon lui, le nouveau missel, celui de Vatican II, est en progrès sensible vis-à-vis du précédent, celui de Trente.
Ce progrès se manifeste essentiellement dans le fait que la liturgie est avant tout l’œuvre du Christus totus, Chef et membres : « Nous sommes loin, ici, d’une vision cléricale de la liturgie, où seuls les clercs sont des participants actifs tandis que les autres fidèles demeurent passifs. » Laissons le ridicule jugement sur la « passivité » des fidèles anté-conciliaires, pour noter qu’Arthur Roche vise le fait que, comme le rappelle le Catéchisme de l’Église catholique (n. 1141), « l’assemblée qui célèbre est la communauté des baptisés ». Ce qui est vrai, mais défectueux dans la mesure où on omet – comme s’y emploie Arthur Roche – de rappeler que le prêtre in persona Christi est le célébrant par excellence du sacrifice eucharistique qui renouvelle de manière non sanglante celui de la Croix.
Arthur Roche souligne que le prétendu progrès dans la lex orandi est en réalité une régression en rattachant cette inflexion nouvelle du nouveau rite au nouveau « corpus doctrinal sur l’identité et la mission de l’Église, où la notion précédente de “societas perfecta” [notion qui veut dire en réalité que l’Église a la perfection, c’est-à-dire la plénitude des moyens pour réaliser sa fin surnaturelle] a été revue au profit de sa compréhension en tant que “sacramentum”, et à la lumière de la catégorie biblique de “populus Dei”, pèlerin dans l’histoire, constamment ouvert au renouvellement et à la conversion. » Si les mutations ecclésiologiques de Vatican II n’étaient que dans ce changement de vocabulaire, il n’y aurait pas à s’alarmer. Sauf que, par exemple, l’œcuménisme apporte une novation tout à fait conséquente.
On est ainsi gêné par le caractère approximatif de la théologie rochienne, qui veut, alors que Traditionis custodes est déjà « dans les tuyaux », que le nouveau missel explicite Vatican II sur le seul point de la correction du « cléricalisme » de la liturgie traditionnelle. C’est qu’en fait, plus gravement qu’une vague connaissance de Vatican II, Arthur Roche a une information plus que sommaire sur la doctrine antérieure. Et sur la liturgie antérieure.
Le préfet du Culte Divin ne sait pas ce qu’est le Missel Tridentin
Car le plus étonnant dans la conférence d’Arthur Roche est son ignorance de l’histoire de la liturgie en ce qui concerne le décisif moment tridentin. Ignorance très partagée par bien des prélats ( voir notre Lettre 835 sur la science liturgique de café du commerce de Mgr de Kerimel, alors évêque de Grenoble ).
« Le Missale Romanum de saint Pie V a vu le jour en 1570 et a ensuite été révisé par cinq autres papes, dont le dernier en date est saint Jean XXIII avec l’édition de 1962. Ce qui a été entrepris en 1570 est arrivé à maturité avec le Missale de 1970, grâce notamment à la redécouverte d’anciennes sources liturgiques qui n’étaient pas accessibles au XVIe siècle. Il est clair que ce processus avait déjà commencé, en un certain sens, avant Trente, et qu’il s’est poursuivi avec le Missel post-tridentin et ses révisions. » En fait l’œuvre liturgique de saint Pie V n’a aucunement été de mettre au point un nouveau missel, dont le but aurait été d’actualiser les décisions du Concile de Trente dans le domaine liturgique, car nous savons que le Saint Concile n’avait que très marginalement évoqué les questions liturgiques. Nous savons par ailleurs qu’au moment où saint Pie V publie son missel en 1570, cela fait presque un siècle que des missels romains sont imprimés en Europe. Or du millier de ces missels, qui ont été scrupuleusement étudiés par de nombreux savants, l’on peut constater que tout ou presque de ce qu’ils contiennent se retrouve dans le missel de saint Pie V. Cela atteste que le souhait de saint Pie V était d’unifier le missel romain face aux variantes générées par les diverses éditions imprimées et non celui d’avoir voulu mettre au point ” Un Nouveau Missel”. Précisons par ailleurs qu’à la différence de la réforme de 1969, saint Pie V permit à ceux qui le pratiquaient encore en 1570 de conserver leurs missels propres (ce fut le cas des dominicains et des chartreux, mais aussi de nombreux autres ordres et diocèses), si ceux-ci pouvaient justifier d’une ancienneté d’au moins deux cents ans… Ce qui ajoute encore à la certitude que saint Pie V, par la promulgation de son missel, n’envisageait pas d’imposer ni une liturgie, ni une nouvelle ecclesiologie, ni une théologie nouvelle, mais au contraire de conserver la foi de Rome qui semblait la plus parfaite. En effet le Concile de Trente, réaffirmant la doctrine du sacrifice de la messe, s’est appuyé sur la plus sûre attestation de cette doctrine, qui était la messe telle qu’elle était célébrée à la Curie de Rome. La marque propre du Missale romanum depuis de longs siècles était qu’il reflétait parfaitement par la prière liturgique la regula fidei de Rome c’est-à-dire de l’authentique foi catholique multiséculaire. Il ne s’agissait pas pour saint Pie V de composer de nouveaux livres liturgiques qui auraient utilisé des formes anciennes disparues, ou une création nouvelle, mais de conserver, en l’unifiant, le trésor liturgique amassé depuis des siècles dans l’Ordo de la Curie romaine. En effet depuis le XIIIème siècle le missel de la Curie était devenu un modèle presque universel grâce à la diffusion qu’en avaient fait les ordres religieux mendiants notamment les franciscains. Or tout cela Arthur Roche semble l’ignorer..
Voici donc la traduction intégrale du texte du cardinal Roche publié dans L’Osservatore romano du 12 décembre 2020 sous le même titre que sa conférence de février 2020. Le Missel romain de saint Paul VI, témoin d’une foi immuable et d’une tradition ininterrompue Cette année marque le 50e anniversaire de l’adoption par l’Église du Missale Romanum réformé selon les normes fixées par les décrets du Concile Vatican II et promulgué par le pape Saint Paul VI. Ce fut l’une des premières et des plus importantes étapes du renouveau de l’Église à la suite du Concile. Saint Paul VI déclarait en effet aux débuts de la réforme liturgique, lors de l’audience générale du 13 janvier 1965 : « Il faut que l’on se rende compte que c’est l’autorité de l’Église qui a voulu cette nouvelle manière de prier, en assurant ainsi un plus grand développement à sa mission spirituelle. […] ; et nous ne devons pas hésiter à nous faire d’abord les disciples et ensuite les soutiens de l’école de prière qui est sur le point de naître. » La voie dès lors empruntée a été marquée par la prise de conscience de la part des papes successifs de la nécessité d’un renouveau de la liturgie. C’est ce qu’a rappelé le pape François aux participants de la 68e Semaine liturgique nationale italienne (24 août 2017), en soulignant que « lorsqu’on perçoit un besoin, même si la solution n’est pas immédiate, il est nécessaire de se mettre en mouvement ». Plus de deux mille ans se sont écoulés depuis la première Eucharistie au Cénacle, et l’importance de ce qui eut lieu alors a été tout de suite perçue par les apôtres qui, par fidélité Celui qui leur avait dit : « Faites ceci en mémoire de moi », ont offert ce don précieux aux communautés chrétiennes. Cependant, les faits touchant le rite romain au cours des premiers siècles sont parsemés de difficultés. Ainsi le Liber Pontificalis, tout en fournissant quelques indications, est, selon les termes de son commentateur le père Louis Duchesne, aussi important qu’il est obscur au sujet des usages romains de l’époque. En ces temps de polémiques exagérées et souvent mal informées sur « l’herméneutique de la réforme dans la continuité », pour reprendre la formule de Benoît XVI dans son discours de vœux à la Curie romaine à Noël 2005, nous devons du reste prêter attention à ce qui est bien connu et, surtout, à ce qui est transmis à l’Église par le magistère conciliaire et pontifical dans la fidélité au Seigneur et à l’inspiration du Saint-Esprit. Saint Paul VI a rappelé, dans la constitution apostolique Missale Romanum, la remise en ordre du Missel effectuée par saint Pie V à la suite du concile de Trente. Elle a marqué le début d’un intérêt persistant pour la liturgie qui a trouvé son aboutissement exactement quatre cents ans après la session finale de Trente en 1563, avec la promulgation, le 4 décembre 1963, de la constitution sur la sainte liturgie Sacrosanctum Concilium. Le Missale Romanum de saint Pie V a vu le jour en 1570 et a ensuite été révisé par cinq autres papes, dont le dernier en date est saint Jean XXIII avec l’édition de 1962. Ce qui a été entrepris en 1570 est arrivé à maturité avec le Missale de 1970, grâce notamment à la redécouverte d’anciennes sources liturgiques qui n’étaient pas accessibles au XVIe siècle. Il est clair que ce processus avait déjà commencé, en un certain sens, avant Trente, et qu’il s’est poursuivi avec le Missel post-tridentin et ses révisions. Alors que le Concile de Trente a laissé au Pape la charge de réviser le Missel, les pères de Vatican II ont défini de manière spécifique les critères généraux de la révision de la messe, comme on peut le lire dans Sacrosanctum Concilium aux numéros 47 à 58. Nous ne devons pas oublier, parmi d’autres aspects, que Sacrosanctum Concilium a appelé à une plus grande ouverture des Saintes Écritures (n° 51). C’est ainsi qu’en la fête de saint Jérôme en 1970, ont été publiés les volumes du Lectionnaire révisé du Missale Romanum. Le souhait des Pères du Concile, qui était aussi celui de saint Paul VI, était que la liturgie, sans rien perdre de sa richesse, soit rendue plus accessible au peuple de Dieu. En effet, le Missel d’aujourd’hui a conservé la même structure que le précédent, de même que la majorité de ses textes, tout en omettant les répétitions, en simplifiant le langage et les gestes, et en intégrant de nouvelles compositions ; à certains égards, on y trouve un vocabulaire plus explicite quant à la dimension sacrificielle de la Messe. Les opinions contraires ne sont pas fondées. Saint Paul VI rappelait aux membres du Conseil [pour la mise en œuvre de la Constitution sur la Liturgie sacrée], le 29 octobre 1964 : « La liturgie est comme un arbre robuste dont la beauté vient du renouvellement continu de ses feuilles, mais dont la force vient de la vieillesse de son tronc, qui plonge ses racines longues et fermes dans la terre. » C’est l’histoire elle-même qui manifeste l’« herméneutique de la réforme dans la continuité ». Il faut avoir à l’esprit que Vatican II a établi solennellement et pour la première fois un corpus doctrinal sur l’identité et la mission de l’Église, où la notion précédente de « societas perfecta » a été revue au profit de sa compréhension en tant que « sacramentum », et à la lumière de la catégorie biblique de « populus Dei », pèlerin dans l’histoire, constamment ouvert au renouvellement et à la conversion. Il n’est pas inutile d’examiner quelles ecclésiologies sont exprimées respectivement par la praxis de la célébration post-tridentine et par celle liée au concile Vatican II. Cela est particulièrement visible dans l’Ordo Missæ réformé par saint Paul VI, qui reflète une vision de l’Église en prière si bien décrite dans Sacrosanctum Concilium n. 48 : « Aussi l’Église se soucie-t-elle d’obtenir que les fidèles n’assistent pas à ce mystère de la foi comme des spectateurs étrangers et muets, mais que, le comprenant bien dans ses rites et ses prières, ils participent de façon consciente, pieuse et active à l’action sacrée, soient formés par la Parole de Dieu, se restaurent à la table du Corps du Seigneur, rendent grâces à Dieu ; qu’offrant la victime sans tache, non seulement par les mains du prêtre, mais aussi en union avec lui, ils apprennent à s’offrir eux-mêmes et, de jour en jour, soient consommés, par la médiation du Christ, dans l’unité avec Dieu et entre eux pour que, finalement, Dieu soit tout en tous. » Conformément à cette ligne, Sacrosanctum Concilium n° 54 appelle également à un usage convenable et plus large de la langue vernaculaire. La liturgie est avant tout l’action de Dieu lui-même – œuvre du Père par son Fils dans l’Esprit Saint – à laquelle répond le peuple de Dieu, ici-bas comme au ciel. Elle est l’œuvre du Christus totus, Chef et membres. Nous sommes loin, ici, d’une vision cléricale de la liturgie, où seuls les clercs sont des participants actifs tandis que les autres fidèles demeurent passifs. Dans la liturgie, c’est le corps ecclésial dans son ensemble qui, sous la conduite du prêtre, est convoqué, sanctifié, renouvelé et converti. C’est la raison pour laquelle il faut donner la préférence à la célébration communautaire plutôt qu’à la célébration privée, car elle manifeste plus efficacement la nature ecclésiale de toute célébration liturgique. L’Eucharistie est célébrée au nom de toute l’Eglise : elle est le principal signe d’unité, le plus grand lien de charité. C’est ce que rappelle le Catéchisme de l’Église catholique : « L’assemblée qui célèbre est la communauté des baptisés qui, “par la régénération et l’onction de l’Esprit Saint, sont consacrés pour être une maison spirituelle et un sacerdoce saint, pour offrir en sacrifice spirituel » (n° 1141). Il est intéressant de noter que si l’Ordo Missæ du Missel de saint Pie V commence par les mots : « Sacerdos paratus cum ingreditur ad altare… », l’Ordo Missæ du Missel de saint Paul VI s’ouvre en disant : « Populo congregato, sacerdos cum ministris… » En outre, le rite de la messe du Missel tridentin ne comportait pas de rituel pour la distribution de la Communion aux fidèles ; on adoptait le rite de la Communion en dehors de la Messe figurant dans le Rituale Romanum. Le Missel a été révisé et enrichi par saint Paul VI. On peut citer le corpus de lectures bibliques et de passages de l’Évangile pour la liturgie de la Parole, la réaffirmation et le renforcement de l’euchologie, en particulier dans les préfaces, le sanctoral, le rituel et les messes pour les nécessités diverses, dont les textes tiennent compte des besoins pastoraux et spirituels des communautés concrètes. Parmi les nombreuses récupérations indiquées par Sacrosanctum Concilium aux numéros 52 à 58 figurent l’homélie, la prière universelle, la communion sous les deux espèces et la possibilité de concélébrer. Parmi les critères qui ont inspiré le renouvellement du Missel figure en premier lieu la nécessité d’écouter Dieu qui parle à son peuple en prière à travers les Saintes Écritures, nourriture spirituelle indispensable, comme l’a également souligné la constitution Dei Verbum. De fait, le Canon des Écritures est né de leur utilisation liturgique. Il y a eu ensuite la meilleure connaissance des anciennes sources euchologiques – les anciens sacramentaires – inconnues des réformateurs de Trente, et une plus grande appréciation des liturgies orientales, avec leur variété de prières eucharistiques. Il convenait enfin également d’intégrer dans la lex orandi les contenus théologiques mis en évidence par le Concile Vatican II au sujet du mystère de l’Église qui pérégrine dans le monde sans être du monde. Comme l’a dit saint Jean-Paul II dans sa lettre apostolique Novo millennio ineunte, le concile Vatican II est une « boussole fiable » pour guider toute l’Église vers l’avenir. A l’heure où s’opposent des opinions rigides sur la réforme liturgique, il est bon de se rappeler le principe Ecclesia semper reformanda. Et en harmonie avec l’« herméneutique de la réforme dans la continuité », dans le discours à l’occasion de la 68e Semaine liturgique nationale en Italie, déjà cité, le pape François lui-même a rappelé que « le Concile et la réforme sont deux événements directement liés, qui ne sont pas apparus de façon improvisée, mais qui ont été longtemps préparés. (…) Le Concile Vatican II fit ensuite mûrir, comme un bon fruit de l’arbre de l’Eglise, la Constitution sur la sainte liturgie Sacrosanctum Concilium dont les lignes de réforme générale répondaient à des besoins réels et à l’espérance concrète d’un renouveau : on désirait une liturgie vivante pour une Eglise toute vivifiée par les mystères célébrés. » Le pape invitait également à ne pas perdre de vue les critères au fondement de la réforme, « en redécouvrant les raisons des décisions prises avec la réforme liturgique, en dépassant les lectures sans fondement et superficielles, les réceptions partielles et les pratiques qui la défigurent ». Cinquante ans, c’est peu dans l’histoire de l’Église. La réforme a eu lieu. Il demeure un devoir ecclésial de la mettre en œuvre avec un grand soin et un profond respect. Le 50e anniversaire du Missel romain de saint Paul VI, qui a lieu cette année, est un moment propice à la redécouverte de ce devoir à tous les niveaux du peuple de Dieu. Arthur Roche, Archevêque Secrétaire de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements |
Je crois qu’il ne sert pas à grand chose de cibler Mgr Roche comme bouc émissaire de ce “ratage” liturgique de grande envergure.
Si l’on doit accuser quelqu’un, c’est le pape François 1er en personne qui l’a nommé à cette charge et qui ne l’a pas désavoué publiquement, voire même décidé de le “démissionner”. Et l’on devrait plutôt se demander si au fond, le cardinal Roche est la “copie conforme” d’un pape dont on sait déjà qu’il se moque éperdument de la défense et du maintien du Magistère, dont la liturgie, faut-il le rappeler n’est qu’un aspect parmi d’autres, important certes, de la vie de la foi ; autrement ce serait réduire cette crise liturgique que nous connaissons à une querelle de sacristie.
Plus grave encore, c’est le silence des cardinaux qui devraient exercer à l’encontre de ce pape qui a nommé le cardinal Roche une correction fraternelle parce que les cardinaux eux-aussi (en tant qu’ils sont les gardiens de l’intégrité de Rome, capitale de la chrétienté ; c’est le sens du mot latin “cardo” et de la pourpre que ces prélats portent afin de montrer que cette défense peut aller jusqu’à verser son sang) doivent défendre le Magistère et veiller à protéger les fidèles qui sont déjà passablement déconcertés sinon égarés par cette absence persistante de l’exercice de l’autorité dans une institution, qui plus est, est une institution fondée par Jésus-Christ lui-même.
Plutôt que de “tout réduire à des querelles liturgiques”, fussent-elles pertinentes à aborder, il vaut mieux s’interroger sur les conséquences désastreuses de cette démission générale dans l’exercice de l’autorité, un comportement et des pratiques (corruptives) qui nous empêchent, nous les fidèles de vivre pleinement notre foi.
Et l’on pourrait s’interroger sur le lien entre la crise de l’exercice de l’autorité et la crise de la foi au sein du gouvernement de l’Eglise universelle dont cet épisode liturgique pénible que nous connaissons est un aspect – mais QU’UN aspect -.
” l’assemblée qui célèbre est la communauté des baptisés ». Ce qui est vrai, mais défectueux…”
Cette proposition est défectueuse, c’est le prêtre avant tout, qui célèbre, consacre, bénit, et non les fidèles.
Elle est défectueuse, donc fausse, et dangereuse pour la foi.
Si deux et deux font 3.50, tout s’écroule, ce qui est le cas pour la foi, l’exemple allemand est impressionnant.
Évoquer “l’enrichissement du Missel” est irrecevable, il suffit de constater l’appauvrissement considérable du rite bimillénaire.
Un exemple consternant est la suppression pure et simple des cinq prières de l’Offertoire, qui donnent toute sa signification au Canon qui va bientôt suivre.
Le Cardinal Roche ne connaît rien à la liturgie ? Soit. Au XIXe siècle, Prosper Guéranger disait des “traditionalistes” de son époque qu’ils ne savait pas grand-chose de la liturgie. Je pense que les choses n’ont pas beaucoup changé si j’en crois les nombreuses discussions que j’ai avec les inconditionnels de la messe dite “de S. Pie V”. Faut-il rappeler que cette fameuse messe n’été redécouverte et célébrée qu’à partir du XIXe siècle ? Que le missel promulgué par S. Pie V était prévu pour les messes basses et en aucun cas pour les messes chantés, le grégorien ayant d’ailleurs disparu au temps de ce grand pape ? Faut-il rappeler que S. Pie a supprimé sans états d’âme quantité de liturgies vénérables auxquelles les fidèles étaient habitués, en s’appuyant sur le fait que ces liturgies ne pouvaient pas se prévaloir d’un usage ininterrompu d’au moins trois siècles (cf. Bulle “Quo primum”) ? Je crois que chacun est libre d’avoir ses opinions sur la liturgie, mais c’est à la condition de ne pas tronquer l’histoire.