Un lecteur nous adresse une demande que nous relayons volontiers:
Quelqu’un a-t-il déjà vu un canon d’autel comme celui-ci?
Ce qui frappe, c’est la présence du titre Sacrum convivium (banquet sacré) au-dessus des paroles de la consécration. À cet endroit, si surtitre il y a, on s’attendrait à “sanctum sacrificium”, puisque la consécration de la messe réalise l’acte d’immolation du Christ. Deux remarques importantes ici: a) Tout d’abord, ce canon date de bien avant Vatican II et l’aggiornamento, si bien que ce surtitre ne peut être attribué à l’insistance postconciliaire obsessionnelle sur la dimension de repas de la messe; b) En soi, il est parfaitement orthodoxe parler de “banquet sacré” à propos de la sainte messe: cette expression est utilisée d’innombrables fois dans la patristique, sans oublier que l’antienne des vêpres de la fête-Dieu, composée par saint Thomas d’Aquin, commence précisément par ces mots “O sacrum convivium, in quo Christus sumitur” (ô banquet sacré, où le Christ est mangé). La sainte eucharistie et sa célébration liturgique sont à la fois sacrifice propitiatoire et banquet sacré, les deux vont de pair. Jusque là, il n’y a donc pas de problème fondamental mais disons qu’il est étonnant de voir, sur ce canon d’autel, la dimension de banquet mise en exergue précisément au moment liturgique où c’est la dimension sacrificielle et propitiatoire qui occupe logiquement la place centrale. D’où ma surprise.
Quelqu’un a-t-il déjà vu un canon d’autel semblable? Celui-ci est de Malte et j’ai pu constater, lors de mes visites dans ce petit archipel, que les canons portant ce surtitre y sont nombreux (manifestement depuis plusieurs siècles, puisque j’en ai photographié qui étaient de style baroque). Cette caractéristique est-elle propre à Malte? La retrouve-t-on aussi en Sicile, puisque Malte a été jusqu’au début du XXe siècle sous l’influence marquée de sa grande voisine? Quelqu’un en sait-il plus?
Encore un mot sur le fond de cette question. En soi, l’évocation du repas (communion) au moment du sacrifice (consécration) peut s’expliquer assez facilement par le phénomène de la prolepse, ou anticipation. C’est sur ce principe que repose par exemple tout l’offertoire de la messe romaine classique (“tridentine”): dès le moment où le pain et le vin, matière de sacrifice, sont apportés sur l’autel par le sous-diacre, le prêtre les traite par projection comme étant déjà le corps et le sang du Christ offerts en sacrifice propitiatoire. L’anticipation est un fait très courant en liturgie, et d’ailleurs dans tous les rites orientaux, qui ont des équivalents de l’offertoire encore beaucoup plus tôt que dans la messe romaine. Pour ceux que cela intéresse, un fécond article est paru dans le n°77 de la revue Catholica (sous la plume de S. Wailliez) au sujet de cette anticipation du sacrifice dans les rites des sièges apostoliques d’Orient et traite en profondeur de la notion non-linéaire de temps dans la litugie.
De la même façon que tous les offertoires, dans tous les rites, se projettent déjà dans le sacrifice propitiatoire, on peut concevoir que ce canon d’autel maltais se projette, par ce surtitre, jusqu’à la communion dès le moment de la consécration. D’ailleurs, n’est-ce pas ce que fait l’anaphore romaine, le canon romain lui-même? Au coeur de la prière eucharistique, tout près de la consécration, le Supplices demande que “[ce saint sacrifice, cette victime imaculée] soit porté par les mains de votre saint messager/ange sur votre autel céleste en présence de votre divine majesté, afin qu’en recevant ici, par notre communion à l’autel, le corps et le sang infiniment saint de votre fils, nous puissions être comblés des grâces et des bénédictions célestes”. Autrement dit, le canon romain, dont la parfaite orthodoxie est garantie de façon dogmatique par le Concile de Trente (session XXII), atteste le lien intime entre sacrifice et repas. Mieux encore, il précise ce lien: “ut” (afin que), c’est-à-dire que le sacrifice est ordonné au repas. Comme dans les sacrifices de l’Ancien Testament, la victime (désormais le Christ) est immolée pour être ensuite mangée. C’est en raison de ce principe que, à toute messe, le prêtre est tenu de communier. L’Aquinate, docteur commun de l’Église, l’exprime d’ailleurs à sa manière concise: ce sacrement, dit-il “consecratur ut sumatur” (est consacré pour être mangé).
En un mot comme en cent, il serait vain d’opposer la dimension sacrificielle et propitiatoire de la messe à sa dimension de repas (repas sacré, bien entendu). C’est même, comme on le voit, une erreur rejetée par le mgaistère le plus certain. L’un ne tient pas sans l’autre. Ce qu’il faut, c’est articuler correctement ce lien entre sacrifice propitiatoire et repas, comme l’enseignent et saint Thomas et le Concile de Trente.
Voilà pour le fond. Si un lecteur a vu ce type de canon d’autel ailleurs qu’à Malte ou est en mesure d’en donner une explication, tout apport sera apprécié.
Magnifique !!!
Toute la richesse de la Catholique.
Nous sommes ici bien à l’opposé des hérésies de Vatican 2 et des reliants de relativisme que Mgr Roche et consorts de la Cef veulent tenter de faire avalés aux fidèles.
CREDO IN UNUM DEO ???