Mgr Thierry Scherrer, évêque de Laval, a célébré une messe en mémoire de Benoit XVI jeudi 5 février en la cathédrale. Voici son homélie :
« Celui dont il est écrit dans la loi de Moïse et chez les prophètes, nous l’avons trouvé : c’est Jésus fils de Joseph, de Nazareth ».
Mes amis,
Pour célébrer comme il convient l’hommage que nous sommes venus présenter au Pape défunt Benoît XVI, il ne pouvait y avoir meilleur propos introductif que cette déclaration émerveillée de l’apôtre Philippe à son ami Nathanaël au tout début du Quatrième évangile. Hier, déjà, c’était la même exclamation joyeuse qui jaillissait de la bouche d’André pour dire à son frère Simon son bonheur d’avoir rencontré Jésus : « Nous avons trouvé le Messie ! » On se souvient que, dans l’immense littérature qu’il nous laisse – et qui fera bientôt de lui, j’en suis convaincu, un docteur de l’Église –, il y a trois volumes que Joseph Ratzinger a rédigés sur la personne du Messie, Jésus de Nazareth. Celui qui, à l’ultime instant du grand Passage, a déclaré au Seigneur son grand amour avant de remettre son âme entre les mains du Père fut véritablement un chercheur passionné du visage de Jésus dont il a voulu montrer la beauté tout en s’efforçant de combler le fossé – grandissant à partir des années 50 – entre le « Jésus historique » et le « Christ de la foi ». A l’instar des apôtres André ou Philippe, il y avait chez Benoît XVI une vraie joie à transmettre aux autres ce qu’il avait lui-même contemplé. L’enseignement était son premier apostolat, c’était sa manière à lui d’être prêtre, d’être évêque et pape, d’être chrétien, tout simplement. Amoureux de la Parole, il en explorait les immenses espaces et savait nous en restituer la quintessence à travers des enseignements dont la caractéristique a toujours été d’allier la profondeur et la clarté.
Un écrivain prolifique, un grand théologien
C’est ce qui fait incontestablement de Benoît XVI un grand théologien, l’un des plus grands que notre siècle (le XXème siècle finissant et le XXIème commençant) ait porté. L’un des seuls papes, aussi probablement, dont on ait publié les opera omnia, les œuvres complètes de son vivant ! Nous lui devons une bonne soixantaine d’ouvrages dont vingt ont été rédigés durant son pontificat (auxquels il faut ajouter un nombre incalculable d’articles et de conférences) : à travers ces différentes contributions, c’est une œuvre de restauration spirituelle que Joseph Ratzinger a voulu entreprendre pour lutter contre le délitement des consciences et l’appauvrissement doctrinal qui sévissait dans un grand nombre de pays jadis chrétiens. C’est aussi le Pape qui a su le mieux promouvoir la pensée du Concile Vatican II en la libérant de la gangue de ses dévoiements idéologiques.
Un chercheur de la vérité
Benoît XVI, c’est une intelligence lumineuse fascinée par la splendeur de la vérité. Contre la force dissolvante du relativisme, il s’employait à montrer que la vérité peut être connue par la raison, et que c’est même la véritable grandeur de la raison que de chercher la vérité, foi et raison s’éclairant l’une l’autre dans cette quête, dans le respect de leur autonomie respective. Dans l’extrait entendu de sa première lettre, saint Jean souligne le rapport intrinsèque entre la vérité et l’amour : « Petits-enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité ». Benoît XVI nous a laissé en 2009 une superbe encyclique sur ce thème : Caritas in veritate. « La vérité ne s’affirme pas par un pouvoir extérieur, la vérité est humble et ne se donne qu’à travers le pouvoir intérieur de son être véritable. La vérité se démontre elle-même dans l’amour ». C’est aussi un trait de caractère de notre Pape défunt que cette humilité foncière empreinte de bonté et de douceur qui le mettait toujours en écoute, en état de se laisser enseigner par les autres. Inoubliables furent ces premiers mots prononcés le 19 avril 2005, en apparaissant timidement à la loggia de la basilique Saint-Pierre : « Après le grand Pape Jean Paul II, messieurs les cardinaux m’ont élu moi, humble ouvrier dans la vigne du Seigneur ».
Un chercheur de Dieu jusqu’à la fin ultime
Joseph Ratzinger s’appelait le Pape Benoît. En choisissant résolument ce prénom, notre Pape défunt s’était inscrit dans la grande tradition bénédictine, celle qui se nourrit de la liturgie et du sens du sacré. Dès la première audience qui suivit son élection au trône de saint Pierre, il s’en était expliqué : « Saint Benoît constitue un point de référence fondamental pour l’unité de l’Europe et un rappel puissant des incontournables racines chrétiennes de sa culture et de sa civilisation ». Il y était revenu dans son discours magistral aux Bernardins, montrant comment la culture monastique avait en grande partie façonné l’Europe.
Si son acte de renonciation en a surpris plus d’un, le Pape Benoît a voulu vivre sa retraite au monastère Mater Ecclesiae du Vatican comme un noviciat du Ciel, si l’on peut s’exprimer ainsi, comme une préparation spirituelle à son ultime départ. « Dans le lent dépérissement de ma force physique, intérieurement, je suis en pèlerinage vers la Maison ». Ce sont les mots qu’il confiait il y a trois ans à un journal italien. Ainsi était notre Pape Benoît. Nous ne dirons jamais assez merci au Seigneur de nous l’avoir donné comme Pape. Donne-lui, Seigneur, le repos éternel ! Que brille sur lui la lumière de ta face !
+Thierry Scherrer
Évêque de Laval