Avant de quitter le diocèse de Montauban en raison de son âge, Mgr Bernard Ginoux a diffusé un message concernant le projet de légalisation de l’euthanasie :
[…] Durant les années passées en aumônerie d’Hôpital j’ai pu expérimenter l’accompagnement de nombreuses situations de fin de vie. Une personne demande de mettre un terme à sa vie parce qu’elle ne supporte plus sa souffrance ou son état. Il faut d’abord qu’elle puisse s’exprimer et que l’équipe soignante reconnaisse l’extrême gravité de sa situation. Il m’est apparu que, dans la quasi-totalité de ces « cris », il y avait la peur, la solitude devant l’approche de la mort, et le désir de la faire advenir pour ne pas s’y affronter. Ces réactions sont très humaines et parfaitement compréhensibles. Mais la réponse est-elle de procurer la mort ?
D’abord il y a une première réponse qui est donnée précisément par la loi actuelle, la loi Claeys -Léonetti, du 2 février 2016. Cette loi permet d’éviter « l’obstination déraisonnable » et la liberté du patient est reconnue quand il refuse des soins disproportionnés. Elle justifie la sédation continue demande l’accès aux soins palliatifs pour tous les malades en phase terminale. Or, aujourd’hui en France alors que, depuis vingt-cinq ans, les soins palliatifs sont présents à l’hôpital et interviennent à domicile, il est parfois impossible d’y avoir accès (plusieurs expériences me l’ont montré ces dernières années).
Ensuite, la demande d’euthanasie interroge l’entourage. Quand une personne est aimée et soutenue par une présence sereine auprès d’elle elle s’apaise et sa peur disparaît. Or, la peur de la mort saisit beaucoup de nos contemporains, qui n’acceptant pas la mort d’un proche, ne peuvent l’aider à vivre ce passage. Nous oublions que la personne qui meurt est encore vivante et nous voudrions abréger ce moment de la dernière heure parce qu’il fait mal. Il y a dans la personne qui meurt tout le mystère d’une vie entière que nous n’avons pas le droit de faire disparaître. Lorsque les tenants de l’euthanasie prétendent agir pour promouvoir « la mort dans la dignité » ils mettent la dignité humaine uniquement dans le physique, l’extérieur, oubliant la présence d’un être vivant avec tout ce qu’il porte en lui d’unique. La notion de dignité est là : elle est intrinsèque à la personne quelle que soit son état physique, sa situation, son apparence. Le regard que nous portons sur la personne reconnaît sa dignité.
Proposer et voter une loi qui est un « permis de tuer », même sous un certain contrôle, est une porte ouverte sur des dérives en tout genre. C’est une solution de facilité qui ne répond pas à l’accompagnement humain et généreux, signe de la fraternité. Nous sommes, en effet, responsables d’autrui par notre appartenance à l’humanité. Le droit de vivre sa mort fait partie des droits inaliénables de la personne. D’ailleurs le corps médical, dans sa grande majorité, est hostile à ce projet de loi mortifère. Le soignant est, en effet, au service de la vie. Je n’oublierai jamais les tourments intérieurs de certaines infirmières qui, sur ordre, ont dû faire un geste de mort. Elles ne s’en sont pas remises. C’est aussi accroître le malaise des soignants que de les entraîner sur cette route.
On pourra répondre qu’autoriser le suicide assisté ou l’euthanasie ne contraint personne à faire appel à cette loi. C’est vrai mais une telle loi est une incitation à cette pratique et, pour diverses raisons (particulièrement économiques), les malades en fin de vie demanderont la mort pour ne pas être à charge. Comme le dit le pape François, ils seront victimes de la « culture du déchet » qui « met au rebut » ceux dont la société ne veut plus. Au contraire, notre société a besoin de tous et doit apprendre la solidarité avec les plus faibles, ceux qui attendent un geste fraternel, une présence aimante.
A chacun de nous de réfléchir, de parler avec ses proches et de ne pas se laisser emporter par des réactions sensibles et de nous rappeler que « tout être humain est créé à l’image de Dieu et à sa ressemblance » et que cette réalité est encore présente chez la personne qui souffre et s’approche de la mort. L’homme dont la dignité est totale est Jésus sur la croix : il est défiguré et anéanti mais Il sauve le monde.