Extrait d’un entretien donné par Mgr Ulrich dans Famille chrétienne :
[…] L’expérience du gouvernement dans l’Église m’incite à être très attentif aux conséquences de ce que je dis. J’essaie de ne pas engager l’Église ou les personnes dans des situations intenables. La prudence veut que je me laisse conseiller. Un évêque a des conseillers autour de lui, pour le conseiller… et le contrôler ! C’est très sage.
Est-ce à dire qu’il y avait besoin d’un homme de gouvernement à Paris ?
Je n’ai pas approfondi les raisons qui ont fait que je me retrouve à Paris, mais j’y suis ! Ceux qui m’ont nommé ont estimé que je correspondais aux besoins du moment, c’est leur responsabilité, pas la mienne. Ma responsabilité était de dire oui.
J’essaie de me laisser enseigner par les autres… Il arrive que leurs conseils m’incitent à m’engager fortement dans des directions non prévues ! L’audace des autres me donne de l’audace.
Les évêques se réuniront prochainement à Lourdes en assemblée plénière. On dit que leur charge est harassante et que beaucoup sont tentés par un certain pessimisme quant à l’avenir pastoral… Est-ce une vue de l’esprit ou alors une angoisse réelle et légitime ?
J’ai été sensibilisé pour la première fois en tant qu’évêque à la question des abus sexuels lors de ma première assemblée, en 2000. En arrivant, ce jour-là, je me suis dit : « C’est épouvantable… » Et c’est effectivement un sujet très lourd. À l’assemblée plénière de novembre 2021, après la remise du rapport de la Ciase, l’atmosphère était très pesante. Beaucoup d’entre nous se sont demandé : « Serai-je capable de mettre en place dans mon diocèse tout ce que nous sommes en train de discuter ? » Le climat a été transformé par ce que nous avons décidé et fait : la reconnaissance de notre responsabilité à l’égard des personnes victimes, ces temps de prière… Nous étions certes fatigués, mais nous sommes repartis différents. C’est bien le moins que nous pouvions faire à l’égard des personnes victimes. Nous nous sommes dit en partant : « Le Saint-Esprit nous a vraiment tenu la main et nous a dit :«N’ayez pas peur de ce que vous avez décidé.» Il a vraiment fait quelque chose durant cette assemblée. » Je connais bien mes frères évêques et je peux vous dire qu’ils se sentent rassérénés devant cette tâche éminemment difficile : ils savent où aller, quoi faire. Nous avons prévu de nous entraider sur ce sujet difficile en organisant des visites fraternelles en fonction des besoins. Nous ne voyons pas l’avenir nous ne sommes pas devins , mais nous agissons aujourd’hui et nous savons que Dieu ne nous fera pas défaut.
Archevêque de Paris, n’est-ce pas une mission trop lourde ?
Non, car je ne suis pas seul. D’abord, je crois profondément que je suis dans la main de Dieu. C’est lui qui me permet de ne pas avoir peur. Et puis je ne suis pas seul dans le gouvernement même si, après avoir entendu des voix contraires, il faut prendre une décision. L’évêque doit savoir décider à la fin, c’est ce qu’on attend de lui. Cela n’est pas un pouvoir excessif mais une façon de libérer les énergies. Et quand on a décidé quelque chose, on essaie de tenir sa décision, de ne pas changer de chemin.
Quelle est votre manière d’accompagner les prêtres que l’on sent secoués ?
Les prêtres sont des hommes de leur époque, et le climat actuel n’est pas engageant. La diminution du nombre des pratiquants est une souffrance ; les affaires de mœurs dans le clergé les troublent évidemment. Il y a bien des raisons de se décourager. Je veux apprendre à connaître les prêtres de Paris, marcher avec eux. C’est la raison pour laquelle je leur ai proposé de les rencontrer dans les semaines à venir. Il y a les rencontres individuelles bien sûr, et plus de 200 prêtres sont déjà inscrits à des rencontres en petits groupes ou au niveau des doyennés.
Quel élan fondamental voulez-vous donner à cette Église parisienne qui peine à se remettre du départ imprévu de votre prédécesseur ?
J’étais frappé en arrivant par la grande vitalité exprimée au travers des communautés paroissiales, des engagements caritatifs et de la formation. Mais d’où vient la vraie force missionnaire ? Elle est d’abord puisée dans les sacrements. Nous le voyons par exemple dans les confirmations d’adultes, nombreuses à Paris. Je voudrais donc insister sur l’importance de la vie sacramentelle pour notre foi. En particulier, le sacrement de la réconciliation. La confession n’est pas uniquement un aveu notre société en est déjà abreuvée, mais une expérience de la miséricorde de Dieu. Je pense aussi au sacrement des malades. Il est déjà célébré dans les paroisses lors de cérémonies collectives, lors des pèlerinages de Lourdes… mais il faut redécouvrir combien il aide à traverser la maladie et à témoigner du Christ.
Partager le trésor des sacrements sera votre priorité pour Paris ?
Je voudrais en effet que mes années d’épiscopat à Paris aident à retrouver le tonus qui va de pair avec l’expérience sacramentelle. Il y a dans les sacrements une puissance que le pape Benoît XVI qualifiait de nucléaire ! Cette force transforme la vie des disciples du Christ. Cette puissance ne dépend pas de nous. Il s’agit d’en prendre conscience pour donner toute sa place à la grâce et à la puissance de l’Esprit Saint. Ce n’est pas nous qui pilotons la vie de l’Église, c’est le Seigneur !