Le colloque sur l’avenir de la liturgie traditionnelle qui s’est tenu ce samedi à la Maison de la chimie en présence de nombreuses personnes a été l’occasion de faire un état des lieux général sur le combat pour la liturgie traditionnelle. Une initiative dont Renaissance catholique et Notre-Dame de Chrétienté sont à l’origine. Outre quelques associations connues, on pouvait y croiser des prêtres et des fidèles venus de différents horizons. L’occasion de retrouver des personnes déjà engagées dans les années 1970, mais aussi un public qui n’a pas connu les bourrasques d’il y a cinquante ans, même si Traditionis Custodes a créé une nouvelle secousse dans la crise que subit l’Eglise depuis presque 60 ans. Le colloque a permis de mieux connaître tout ce travail effectué en faveur de la tradition liturgique de l’Eglise, malmenée depuis quelques décennies, mais qui reste un précieux soutien pour tous ceux qui entendre vivre la foi catholique.
Tout d’abord, il faut bien rappeler que les années post-Summorum Pontificum (entre 2007 et 2021) avaient quelque peu endormi certains avec une vision un peu trop subjective de la question liturgique. Or une saine vision de la liturgie ne doit pas être marquée par l’émotion: la liturgie est d’abord un culte rendu à Dieu, ce qui a par ailleurs été bien soulevé dans les interventions successives. Effectivement, la crise de l’Eglise s’est manifestée concrètement par la liturgie: elle a été la traduction du Concile. C’est dans ce sens que l’abbé Grégoire Célier (FSSPX) s’est exprimé. Mais le “Concile”, qu’est-il vraiment ? Comme l’a rappelé opportunément l’historien Luc Perrin, Mgr Fellay disait qu’il en acceptait 95%, alors que des diocésains seraient aujourd’hui bien moins généreux quant au pourcentage qu’ils donneraient… Car la liturgie est aussi en lien avec d’autres aspects, à commencer par la doctrine.
Si Vatican II est un “texte complexe” (Luc Perrin) et que l’abbé Claude Barthe y relevait des expressions problématiques comme le “respect religieux” (Nostra Aetate) à accorder aux autres confessions, on peut s’interroger sur ce Concile portait par certains prélats. Comme le soulignait Luc Perrin, “le Pape est cohérent avec un projet au-delà de Vatican II”. Un projet qui, en fait, n’est pas celui de la majorité des Pères conciliaires, mais de la minorité de cette majorité… (Une autre minorité conciliaire, moins connue que celle du Coetus Internationalis Patrum, avait donc participé au Concile: on la retrouve, par exemple, avec le pacte des catacombes de 1965).
Enfin, rappelons que le Vatican II ne s’est pas placé dans une perspective d’unification liturgique. A la différence du “guérangisme” et de Traditionis Custodes, Vatican II reconnaît une pluralité légitime des rites (comme le déclare Sacrosanctum Concilium, “le saint Concile déclare que la sainte Mère l’Église considère comme égaux en droit et en dignité tous les rites légitimement reconnus” ). Autre point à souligner: la crise liturgique a été dure dans notre pays et chez nos voisins européens. Mais si la réforme liturgique a été, objectivement en Occident, une catastrophe, parce qu’elle absorbait un milieu ambiant hostile à la foi, il en est allé différemment hors d’Europe et hors des Etats-Unis, dans des sociétés où la foi était moins attaquée. Avec sa réforme liturgique assumée, Paul VI reconnaissait également une volonté de ramener les masses éloignées à l’église, tout en reconnaissant que l’abandon du latin était bien un “sacrifice”.
Quant à Summorum Pontificum, si le texte libérateur n’a pas été sans diplomatie (les deux formes du rite romain), il est quand même la reconnaissance au plus haut-sommet de l’Eglise d’un abus commis par l’un des prédécesseurs du Pape Benoît XVI, Paul VI. Abus que son successeur est en train de commettre à nouveau, mais qui suscite des vives réactions des fidèles et une réponse embarrassée de la part des prélats. L’effet paradoxal de la crise de l’Eglise est que la faible obéissance à Benoît XVI, quand il adopta Summorum Pontificum, peut se retourner contre son successeur: les évêques se retrouvent avec un texte inapplicable, sauf à créer davantage de tension. A ce titre, un intervenant reconnaissait que pour le cas de la seule France, le nombre de lieux de culte où la messe traditionnelle était célébrée est passé de 441 en 2020 à 427 en 2022. A Nantes, on a même vu une augmentation de 25% du nombre de fidèles. Certains évêques, en quittant leur diocèse ont laissé une politique de la terre brûlée – qui à Grenoble, qui au Mans… -, mais ce qui ressort des témoignages est que la plupart des évêques ne veulent pas se replonger dans une guerre liturgique coûteuse et ruineuse – et pas que pour le denier du culte. Traditionis Custodes est bien perçu comme une atteinte à une pacification qui commençait à produire ses fruits. Le fait d’avoir mis à nouveau le feu sur un terrain sensible apparaît comme absurde.
Le point sur les combats est important. Les relations avec les évêques sont parfois tendues, et les différents membres des associations reconnaissaient qu’ils pouvaient être peinés, usés et blessés, mais toujours pleins de confiance. Dans ces relations avec l’autorité diocésains, un point important pouvait apparaître: la nécessaire courtoisie, car si certains prélats et des diocésains ont des lacunes manifestes concernant la liturgie, le respect n’est jamais de trop. Fermeté, détermination, mais également charité. Un intervenant ne rappelait-il pas que les fidèles en voulaient au Motu Proprio Traditionis Custodes, et non à leurs évêques ? Dans certains cas, des situations ont pu être débloquées, comme ce fut le cas à Grenoble-Valence, avec une messe dominicale maintenue, mais avancée à 8h30 grâce au rôle de l’archevêque-métropolitain de Lyon.
Quant à l’obéissance à l’égard de l’autorité, elle doit être précisée: elle se comprend à l’égard d’ordres – non de foucades – qui doivent être légitimes. On peut s’interroger sur le moindre respect des procédures, comme les récents Responsa ad dubia du cardinal Arthur Roche publiés le 18 décembre 2021, qui, contredisent le Code de droit canonique. Il est vrai que depuis quelques années, on assiste à une inflation de textes adoptés sans l’aval du Conseil pontifical pour les textes législatifs romains… L’interdiction de biner (le binage désigne la faculté pour un prêtre de célébrer deux messes le même jour) est, par exemple, constitutive d’un véritable abus contre le droit existant. Le cardinal Roche l’avait pourtant récusé en raison de l’absence d’une « juste cause » ou de « nécessité pastorale »…
Mais il aussi existe des solutions que certains évêques ont adoptées. Ainsi, à la suite du Concile, le Code de droit canon a prévu un canon – le canon 87 – qui permet à un évêque diocésain de dispenser les fidèles des lois disciplinaires universelles (“chaque fois qu’il le jugera profitable à leur bien spirituel, l’Évêque diocésain a le pouvoir de dispenser les fidèles des lois disciplinaires tant universelles que particulières portées par l’autorité suprême de l’Église pour son territoire ou ses sujets”), comme le rappela le canoniste Cyrille Dounot. C’est ce que fit, par exemple, Mgr Paprocki, évêque de Springfield (Illinois) dans la foulée de l’adoption de Traditionis Custodes, ce qui aurait pu être évoqué.
Bref, des interventions intéressantes, et réconfortantes sur la situation liturgique dans l’Eglise, malgré une période difficile. Comme le disait l’abbé Barthe, “l’Eglise a le temps devant elle, autant que Dieu le lui donne”.
L’abbé Barthe, l’abbé Celier. J’ai entendu parler de Jeanne Smits. Je suppose que Jean-Pierre Maugendre, organisateur, était là aussi. Forte connotation “hommes en noir” par conséquent. Luc Perrin est venu de Strasbourg. Il ne reste plus à Philippe Maxence qu’à l’inviter à une prochaine émission. Par exemple sur le thème de la “grande pornocratie” dont l’abbé Pagliarani dit qu’elle infecte aussi l’Eglise. Ce genre de meetings était courant avant Summorum Pontificum. Leur grande prêtresse en était Marie-Alix Doutrebente, qui a depuis disparu des radars. Comme vous le dites, la pression est retombée et les jeunes doivent se remettre dans l’ambiance. Saint-Pierre, Grici, la Miséricorde, on connaît. La nouveauté, l’inconnue, ce sont les diocésains qui ont goûté au tradi. Vont-ils rentrer dans leur coquille ? L’abbé Celier pourra leur procurer les livres de base comme le Bref Examen Critique ou J’accuse le Concile, de Mgr Lefebvre. Sera-ce suffisant ? L’Eglise a le temps, dit l’abbé Barthe. Peut-être pas tellement que ça. Et puis, les héros de la prise de Saint Nicolas, du Comité Sainte Geneviève d’Argenteuil, de Port-Marly, de Saint Germain l’Auxerrois (hélas !), de Niafles, et j’en oublie, sont, soit morts, soit vieux, soit fatigués, soit démotivés. Place aux jeunes regonflés. Exsurge Domine, non praevaleat homo!