Dans Famille chrétienne, le père Philippe de Kergorlay, vicaire à Saint-Germain de Charonne (Paris), conteste le propos de l’évêque de Poitiers, Mgr Wintzer, favorable à l’ordination d’hommes mariés. Patron d’un diocèse en faillite, Mgr Wintzer tente de reculer l’échéance (‘que le dernier éteigne la lumière…’) en proposant d’ordonner des hommes mariés, à savoir, en l’occurrence, les diacres permanents, ordonnés à tour de bras ces dernières années, pour tenter de suppléer à la crise des vocations. Une solution en trompe l’oeil malgré les arguments pitoyables avancés par l’archevêque de Poitiers (ils feraient d’« excellents prêtres ».)
Je tiens à manifester mon désaccord avec Mgr Wintzer. Dans l’évangile, le jeune homme riche, qui était un fidèle croyant, aurait fait un excellent apôtre. Mais quand Jésus lui demande de tout quitter pour le suivre, il renonce tout triste. Jésus aurait-il eu tort ? Le jeune homme riche observait certainement mieux la Loi que Matthieu le corrompu, Pierre l’illettré ou Simon, un zélote violent. Seulement, eux, ils « ont tout quitté pour le suivre. » (Mc 10,28). Et ils sont devenus les apôtres de Jésus.
Prêtre de l’Eglise catholique depuis 39 ans, je ne me suis jamais senti célibataire. Le Christ m’a confié son épouse. Notre célibat n’est pas étranger à la vie conjugale et familiale. Nous sommes les « hommes d’une seule femme » (1Tm 3,2), qui est l’Eglise, et comme il a confié Jésus son Fils à saint Joseph, le Père nous confie ses enfants. Comment pourrions-nous désirer une autre famille pour nous épanouir ?
Je me retrouve totalement dans cette exclamation de saint Ephrem : « Ton épouse, c’est ton troupeau. Tes enfants, nourris-les dans la vérité. Puisses-tu recevoir en partage des enfants spirituels et des fils de la promesse ! » (Carmina Nisibena, XIX, 13).
Il est vrai que, tardivement, les églises orientales ont accepté d’avoir des hommes vivant à la fois leur mariage « biologique » et leur ministère. Mais j’ai vu en Syrie, au Liban et en Iran ce que donne ce compromis : des hommes donnant la priorité à leur famille, et assurant le fonctionnement du culte le week-end, dans la mesure de leurs disponibilités. Dans des villages chrétiens où tout le monde se connaît et se soutient, ce système, souvent dynastique, assure la pérennité du culte, mais ailleurs ce n’est pas brillant. On est vraiment dans la chrétienté sociologique, sans dynamisme spirituel ni élan missionnaire. Il est d’ailleurs significatif que l’ordination d’hommes mariés ne cesse de diminuer en Orient. […]