Le nonce apostolique en Inde a demandé la démission de Mgr Antony Kariyil, qui a remis sa charge. Ce dernier refusait de célébrer la messe selon la liturgie romaine, imposée par le Vatican à l’Église syro-malabare depuis l’automne 2021.
Mgr Antony Kariyil, numéro deux de l’archidiocèse Ernakulam-Angamaly, dans l’État du Kerala, dans le sud de l’Inde, refusait de célébrer la messe face à l’autel, alors que le rite oriental syro-malabar se célèbre orienté. La situation de Mgr Kariyil était rendue compliquée en raison de la position de son archevêque, le cardinal George Alencherry, favorable au nouveau rite.
L’uniformisation du rite en Inde ne fait pas l’unanimité. Née au premier siècle dans le Kerala, cette Église avait déjà subi une latinisation forcée à la fin du XVIe siècle. Un bouleversement qui alimente encore aujourd’hui des dissensions entre partisans de traditions syriaques orientales et fidèles d’un rite « latinisé ». En janvier dernier, deux prêtres et deux laïcs du diocèse d’Ernakulam-Angamaly avaient entamé une grève de la faim en protestation à la décision d’uniformiser la liturgie, soutenus par leur évêque.
La demande de démission de Mgr Kariyil a suscité l’opposition de près de 200 prêtres, réunis en conseil, qui ont voté une résolution en faveur du maintien de l’évêque.
«Nous nous opposons à l’émissaire du Vatican qui exige avec force la démission de Mgr Antony Kariyil. Il est un prélat entièrement engagé envers Jésus, la parole de Dieu et le pontife romain. Il ne viole jamais de loi canonique ni civile ». « Toute tentative de mettre en péril son épiscopat se fera au détriment de la communion catholique et de l’harmonie ».
L’Église syro-malabare, qui compte 35 diocèses, cohabite avec deux autres rites : le rite romain et le rite syro-malankar.
ERRATUM :
Ce conflit liturgique a débuté il y a près de quatre décennies quand l’Église syro-malabare a tenté de réformer sa liturgie. Tandis qu’une partie des prêtres souhaitait renouveler la liturgie en revenant à ses origines, d’autres voulaient tendre vers une réforme plus moderne. Ainsi, ces derniers insistaient pour célébrer face au peuple durant la messe, alors que les autres voulaient célébrer face à l’autel. Après de nombreuses commissions et débats, le synode a décidé, en 1999, que le prêtre célébrerait face au peuple sauf durant la consécration et le rite eucharistique. Bien que cette décision ait été considérée comme un « compromis » par beaucoup, un groupe de prêtres a refusé de l’accepter. Ils ont fait appel à Rome et ont continué de célébrer l’ensemble de la messe face au peuple.
Début juillet 2021, le pape François a poussé l’Église syro-malabare à appliquer la décision synodale de 1999 pour « la stabilité et la communion ecclésiales ». Sur les 513 prêtres de l’archidiocèse, 466 ont écrit une lettre au Vatican et au synode afin de faire part de leur désaccord. Durant plus de six décennies, ils ont célébré la messe face au peuple dans l’esprit du concile Vatican II, et trois générations de fidèles ont grandi avec cette tradition. Selon Mathew Kilukkan, responsable de la communication de l’archidiocèse, estime que la « décision malheureuse » du synode « contredit le concept même de synode », décrit par le pape François comme basé sur l’idée « d’écouter tout le monde et de respecter la diversité ». « Nous craignons que cet appel à l’uniformité détruise la possibilité d’unité dans l’Église, d’autant plus que cela s’est fait contre l’avis d’un tiers des évêques ».