Extrait d’un article de Jean-Marie Guénois, qui estime que c’est la pire année pour l ‘Église catholique de France, entre les restrictions sur la messe traditionnelle, le rapport Sauvé, la démission de Mgr Aupetit, les sanctions contre Mgr Rey et l’enquête contre Mgr Ravel et la déstabilisation issue du synode sur la synodalité et les revendications hétérodoxes :
Ces décisions romaines peu communes ces cinq dernières décennies, montrent une nouvelle méthode de gouvernement totalement paradoxale : d’un côté le pape prône la synodalité, la diversité, donc la participation de tous, la démocratie dans l’Église, la décentralisation, de l’autre il met l ‘Église et certains évêques en particulier, ou certains mouvements sous contrôle strict, ce qui ne s’était jamais vu.
Jusque-là c’était la confiance en la responsabilité confiée qui présidait dans les relations entre Rome et les évêques, et non une société du contrôle. D’autant que chaque évêque – ce point est théologiquement fondamental – est un « apôtre » au même titre que « l ‘évêque de Rome », titre revendiqué par le pape François. L ‘évêque n’est pas un pantin, ni un petit soldat. Il est pleinement responsable de l ‘ Église qui lui est confiée, en communion avec ses confrères et le pape. […]
Que retenir donc de tout cela ? Ces troubles sont-ils passagers ? Que peuvent-ils signifier ? Annoncent-ils des moments plus difficiles ou des mutations fondamentales ? Personne n’est devin. Il est certain que l’Église catholique, en France notamment mais partout, est entrée dans une zone de turbulence qui n’est pas près de se terminer. Ne pas s’étonner donc.
L ‘identité ecclésiale catholique est remise en question par le pape lui-même dans le souci de « réveiller » l’Église. Il veut la faire sortir hors d’elle-même en espérant qu’elle se retrouve mieux. Pour l’heure l ‘essai reste largement à transformer et c’est un peu la panique sur le terrain, il faut le dire. Les vocations sacerdotales sont d’ailleurs quasiment partout en baisse, sauf en Afrique et aux Philippines, mais en Amérique Latine ce qui est grave pour l’avenir catholique. Sans compter que les affaires de pédophilie encore sous le boisseau dans certains pays achèvent de nourrir cette crise de confiance.
Immanquablement le synode sur la synodalité va amplifier cette déstabilisation d’identité pour les trois années à venir au moins puisque son texte final sera connu en 2024. L’inconfort sera d’autant plus ressenti que l ‘étrange climat disciplinaire, de contrôle – et donc de surveillance, c’est un fait avéré au Vatican – se diffuse.
Les méthodes d’exclusion visant particulièrement les traditionalistes et certains catholiques classiques, démontrent que la crise est réelle parce que le système et ceux qui le dirigent veulent tirer l ‘ Église dans un seul sens, trop loin et trop vite. Or l’Église a toujours été multiforme et maîtresse dans l ‘art de diversité, s’adaptant aux cultures. La précipitation que nous observons depuis un an démontre la peur de ne pouvoir réaliser un dessein réformiste comme une sorte de programme à réaliser. L ‘ Église n’est pourtant par une entreprise, encore moins un parti. Mais dans ces conditions cette crise est profonde, durable et grave.
Mais il a aussi une autre dimension durable dans l ‘ Église catholique, comparable à une rivière souterraine, invisible à l ‘œil, mais stable, constante, indifférente aux aléas pontificaux et ecclésiaux, aux échauffements, aux refroidissements, aux accélérations et aux ralentissements, aux scandales et aux réussites. C’est un fait observable d’ailleurs dans les autres religions parce qu’il touche la foi simple des gens que le pape François admire et qu’il appelle « la foi du peuple ». Il s’ en est beaucoup servi dans sa dimension collective pour combattre, en son temps, la dimension marxiste de la théologie de la Libération.
Cette foi est également palpable chez les évêques et cardinaux mais aussi chez de nombreux prêtres, ces grognards de l ‘ Église , de droite, de gauche, qui tiennent fidèlement dans la tempête, chacun avec son style, et surtout au service de tous. Le mot « sacerdoce » est rarement tronqué dans le clergé si l ‘on met de côté la minorité de minorité de prédateurs sexuels.
Mais trop d’évêques, une fois nommés et consacrés, perdent malheureusement cette simplicité, écrasés qu’ils sont par une charge souvent trop lourde pour un seul homme, mal équilibrée, peu étayée. Ils doivent gérer des situations impossibles. Ils doivent souvent défendre l’indéfendable alors que les prêtres ont plus de liberté. […]