Croyons-nous à la Résurrection du Christ ?
Chers amis,
En ce lundi de Pâques, il est important de nous poser à nouveau cette question. Elle atteint en effet de plein fouet notre relation vitale à Jésus-Christ. « Si le Christ n’est pas ressuscité, alors notre prédication est vaine, et vaine est notre foi », dit l’Apôtre (1 Co 15, 14) !
Il nous faut donc y répondre sans détour, et vérifier si elle éveille en notre cœur profond, comme il se doit, une lumière et une émotion.
.Lumière de la certitude
Nous croyons à la Résurrection sans renoncer aux exigences de la raison. Parce que c’est un fait historique, selon les normes rigoureuses du témoignage. Si nous ouvrons les évangiles – dont l’historicité ne saurait être mise en doute, lorsque l’idéologie ne s’en mêle pas –, nous voyons que c’est un fait programmé : Jésus, au grand scandale de ses disciples qui attendent un Messie, roi temporel et religieux couvert de gloire, annonce avec insistance sa mort et sa Résurrection.
C’est aussi un fait attesté : le tombeau vide, malgré les gardes ; les sceaux du Sanhédrin ; l’impureté légale contractée selon la loi juive par ceux qui touchent les cadavres ; et la loi impériale qui condamne à mort les violateurs de sépulture. Les linges affaissés, sans avoir été arrachés, exactement à l’emplacement du corps. Durant quarante jours, une impressionnante série d’apparitions à de nombreux témoins – jusqu’à cinq cents ! L’incrédulité tenace de Thomas, qui ne cède qu’à l’évidence sensible du contact physique. Voilà tout le contraire de l’hallucination collective !
C’est enfin un fait fondateur. Le changement radical des Apôtres : démoralisés par la Passion, ils passant de l’abattement à un enthousiasme qui reste maître de lui, de l’incompréhension sur la nature du Royaume messianique à l’éloquence persuasive de la Pentecôte. Cela ne peut s’expliquer que par le fait de la Résurrection, le dernier et le plus explosif des miracles, celui qui confirme toute la vérité de la prédication de Jésus.
Comment ces douze juifs observants auraient-ils pu prêcher – jusqu’au témoignage du martyre – un message qui met un terme aux observances légales de la loi reçue de Dieu par Moïse, s’ils n’avaient eu la preuve indubitable que Jésus était le Messie prédit par les prophètes, le Fils de l’homme maître su sabbat ? La Résurrection a fondé le christianisme.
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Émotion du mystère
La Résurrection fait vibrer en nous le mystère de l’amour. L’émotion de l’amour le plus total que l’on puisse rêver, avec ce côté fascinant de tragédie et de poésie qui va toujours avec l’amour.
Ne sommes-nous pas sensibles, dès notre enfance, à ce que l’existence peut avoir de tragique, à cause de la banalité, de la souffrance, de la mort et de l’absurde ? Ne percevons-nous pas confusément, très tôt, que l’aventure de l’existence ne vaut la peine d’être vécue que si l’harmonie, la plénitude de l’amour et la beauté sont autre chose que des rêves ?
Eh bien, la Résurrection du Christ nous rejoint, lorsque nous prenons un contact profond avec le mystère baptismal, et que nous retrouvons comme l’eau du baptême au fond de notre âme. Elle nous atteint pour nous donner l’objet du désir entrevu, comme une présence qui change tout, comme la réalité de la poésie elle-même.
Elle nous fait toucher du doigt que la Passion de Jésus de Nazareth est le seul type de beauté accessible à l’homme souffrant. Là, l’amour n’est pas un mythe, il est le fond de tout. La Résurrection, qui fait du corps d’un homme torturé le lieu de la gloire de Dieu, qui fait passer le serviteur qui porte nos lèpres et nos blessures dans la liberté du Royaume de l’amour éternel, c’est le mystère où tout est réconcilié.
C’est un mystère de fraîcheur et d’aurore qui ramène la lumière du matin du monde, dans le premier jardin, sur le temps des hommes dans l’aube du jardin du sépulcre. Mystère de profondeur et de gravité, poème de l’amour immolé où habite la plénitude de la divinité. Jésus nous laisse embrasser, comme Madeleine, les plaies que nous avons faites à ses pieds, et toucher, comme Thomas, celles que nous avons infligées à ses mains et à son côté. Mystère de silence et d’amour, où nous n’avons plus à interroger, car nous avons la certitude paisible d’être auprès de je suis. Nous n’avons plus à nous dérober devant la face du Dieu qui nous cherchait en paradis, et à trembler lorsqu’il nous disait : « Pourquoi te caches-tu ? Tu as mangé le fruit… La terre est maudite à cause de toi. » Mais nous avons à écouter, lorsqu’il se laisse reconnaître en éveillant en nous le vrai désir de Dieu : « Qui cherches-tu ? Je suis le fruit du véritable Arbre de Vie. »
Oui, la Résurrection est la signature de Dieu au bas de l’évangile éternel. Dans l’humilité de la croix, nous sommes devenus des êtres vraiment solidaires du drame du monde confronté au signe qui conditionne son salut ou sa perte. Et maintenant, nous entendons la voix du Père qui déclare que ce pendu, condamné pour sédition et blasphème, est le Fils de toutes ses complaisances, la Porte de l’Être : « Lorsque vous aurez exalté le Fils de l’homme, vous saurez que je suis » (Jn 8, 28).
La Résurrection du Christ « premier-né d’entre les morts » (Col 1, 18) est bien lumière et émotion, certitude et mystère. Elle ouvre la voie de la joie, même à nos corps de misère (Ph 3, 21) et, par eux, à tout l’univers (Rm 8, 21). Quel défi pour ces temps du désespoir, de l’incertitude, et de la culture de mort ! Au soir de notre vie, nous serons jugés sur notre rapport au Corps du Ressuscité. Au soir du monde, l’humanité entière verra visiblement revenir celui qui était mort et qui est vivant, et l’histoire sera jugée. La Résurrection, c’est aussi cette réalité qui vient de l’avenir à la rencontre des hommes.
RP Louis-Marie de Blignières, prieur