Le temps de la Septuagésime est la période de trois semaines qui précède l’ouverture du carême. Aux premiers siècles du christianisme, le temps de la préparation pascale consistait uniquement dans les quarante jours du carême. Mais, comme, en Orient, on ne jeûnait pas le samedi et le dimanche, le début du carême fut anticipé d’un certain nombre de jours. L’Église romaine, qui observait l’usage de jeûner le samedi, n’avait pas les mêmes motifs d’avancer le temps des privations. Néanmoins, par déférence pour l’Église grecque, elle fit aussi précéder la sainte Quarantaine de trois semaines environ, qui, sans comporter l’obligation du jeûne, devaient être consacrées à se recueillir et à se préparer par une pénitence moins rigoureuse.
Les trois dimanches qui les ouvrent sont appelés dimanches de la Septuagésime, de la Sexagésime et de la Quinquagésime, parce que le premier dimanche de carême portant le nom de Quadragésime (carême est un dérivé et un abrégé de ce mot), on est remonté en rétrogradant. Ces dénominations signifient donc qu’à partir de ces dimanches, il y a environ 70, 60 et 50 jours jusqu’à la fête de Pâques. Il n’y faut pas chercher un compte exact de jours.
Le plus ancien témoin de la liturgie septuagésimale est un lectionnaire du VIe siècle (bibliothèque de l’université de Wurtzbourg), qui nous révèle « la liturgie romaine telle qu’elle devait être… à l’époque où S. Grégoire porta vers elle son génie organisateur ». On y trouva déjà les épîtres et les évangiles que nous lisons en ces dimanches.
« Vestibule » du carême, le temps de la Septuagésime s’en rapproche par l’invitation à penser à notre destinée, par la couleur des ornements et par la suppression des chants joyeux.
- La couleur violette sert à l’Office et à la Messe du Temps pour tous les vêtements et ornements liturgiques.
- Aux Messes solennelles de la férié, le Diacre et le Sous-Diacre portent encore la dalmatique et la tunique, et l’on peut toucher l’orgue.
- Les trois dimanches sont majeurs de seconde classe, c’est-à-dire qu’ils ne cèdent leur place qu’à une fête double de première classe. Toutes les féries sont mineures.
- L’Alleluia est supprimé jusqu’au jour de Pâques.
La veille de la Septuagésime, à la fin des Vêpres, les Chantres ajoutent deux Alleluia au Benedicamus Domino et le choeur deux Alleluia au Deo gratias. C’est la déposition de l’Alleluia, que nos pères appelaient « Clausum Alleluia » ou les adieux de l’Alleluia.
Quand, au XIe siècle, ce cri d’allégresse fut interdit à partir de ce jour, la piété chrétienne prit en affection l’acclamation joyeuse, comme elle eut fait d’une personne chère, dont elle eût éprouvé de la peine à se détacher.
Au moyen âge, ce congé fut même dramatisé en bien des endroits. On alla jusqu’à coucher un mannequin, appelé Alleluia, sur une civière et à le porter en cortège à sa sépulture provisoire. Des hymnes, antiennes, capitules et répons, en un mot toute une littérature émouvante exprimait la douleur des fidèles et les souhaits de « bon voyage » et « heureux retour ».
À l’Office, l’Alleluia qui accompagne le Deus, in adjutorium du début, est remplacé par Laus tibi, Domine, Rex aeternae gloriae. À la fin de Matines, le Te Deum est remplacé par un répons à l’Offîce du Temps.
À la Messe du Temps, même le dimanche, le Gloria in excelsis est toujours omis. En semaine, le graduel est dit seul ; le dimanche et les jours de fête, il est suivi d’un trait qui remplace l’Alleluia.
Le Benedicamus Domino remplace Ite, missa est à toutes les Messes de férie.
Extrait de Remarques du Chanoine Robert Lesage, Cérémoniaire de Paris, 1952
Photo enterrement de l’Alléluia (samedi avant la Septuagésime), paroisse de la Londe les Maures (83)