Il y a cinq ans le journal breton Breizh info consacrait un article aux très beaux vitraux de Montbert (44), 20 kilomètres au sud de Nantes, qui retracent le souvenir du combat, de la Foi et du sacrifice des combattants de 1914-18 originaires du village et morts pour la France.
A Montbert, au sud de la Loire-Atlantique et donc de la Bretagne, la mémoire des poilus a été magnifiée d’une façon plus splendide encore, puisqu’ils sont le sujet principal des vitraux de la nef de l’église.
L’église actuelle de Montbert date de 1873 et est due à l’architecte Hillereau. Elle remplace une ancienne église dont l’origine remonte à l’an Mil. Cependant au Moyen-Âge une bonne partie de Montbert dépendait de l’abbaye toute proche sainte-Madeleine de Geneston, fondée en 1148 sur l’emplacement d’une léproserie préexistante, tandis que d’autres parties de la commune dépendaient des religieuses de la Regrippière et de l’abbaye de la Villeneuve, située au sud du bourg des Sorinières.
Dans la nef, dix verrières en effet rappellent la mémoire des soldats du village morts sur les champs de bataille de la première guerre mondiale, de l’Yser à l’Orient en passant par la Somme, l’Aisne ou la Marne. Trente-quatre des soixante morts de la commune sont gravés pour l’éternité sur de touchantes et vivantes verrières que nous devons au maître-verrier parisien Gabriel Léglise, qui les réalisa en 1921 et les fit poser début 1922.
Elles furent financées grâce à une souscription à laquelle les familles des victimes représentées participèrent très largement et à des dons de fidèles qui se poursuivirent tout au long de l’année 1922.
Dans l’église, elles étaient complétées par un monument aux morts posé dès 1917 et un « musée paroissial de la guerre », en forme de prie-dieu à vitrine sculpté par un breton de Scaër, dans le Finistère. Il fut inauguré le 4 novembre 1917 jour du jubilé du curé J. Prin. Ce meuble en bois massif possédait en façade de petits cartons sur lesquels les noms des morts étaient progressivement ajoutés à l’annonce de leur décès, comme le montre la photographie conservées aux archives diocésaines ; il abrite depuis plusieurs décennies des reliques et des souvenirs liés à sainte Thérèse de Lisieux.
Le 22 juillet 1921 l’abbé Thibaud, qui avait fait la guerre, relate ainsi, dans le journal qu’il tenait, la pose des premiers vitraux : « Visite d’un artiste de Paris. Une première commande est posée. Ce seront des vitraux de guerre. Ils seront originaux, très beaux. Ils transmettront à la postérité la physionomie de nos soldats, mort pour la France. Les familles ont déjà chez elles exposée à la place d’honneur la photographie du cher défunt. Mais avec le temps, les photos s’atténuent.
Sur le verre, l’artiste fixera, pour des siècles, suivant la technique du vitrail, les traits de nos héros. Nous les placerons dans notre église, à l’honneur, sous le regard de la grande famille paroissiale. Ils sembleront encore occuper leurs places à l’église. Ils vivront avec nous. Cela vaudra mieux que la simple page d’écriture tracée dans le marbre. Les anciens châteaux avaient leur galerie. Ils sont notre noblesse. Ils sont les saints de la patrie. A Chartres, au Mans surtout on admire les vitraux des corporations et les figures des donateurs. Toutes raisons qui légitiment notre initiative ».
Groupés sous le nom du champ de bataille où ils sont morts, les soldats sont représentés en noir et blanc, avec leur date de décès. Dessous, des scènes, légendées avec concision, rappellent leur sacrifice – pour la patrie, auprès du Seigneur – et leur vie au front. Des soldats en capote bleu horizon brancardent un blessé (« victimes pour leurs frères »), chargent, baïonette en avant (« héros pour la France »), font la moisson dans les blés dorés (« paysans malgré tout »), célébrent la messe dans une forêt (« catholiques… toujours »), agonisent dans la tranchée (« Seigneur, consolez ceux qui meurent ») devant une chapelle improvisée… Sur une autre verrière, un aumônier bénit les morts (« Seigneur, donnez leur la paix éternelle »), et des soldats s’élèvent en armée céleste au-dessus d’un cimetière (« debout les morts pour la gloire ») tandis qu’un autre prie, avec sa famille éplorée, au-dessus de la tombe d’un soldat érigée hâtivement dans un village bombardé (« à genoux les vivants pour la prière »).
Deux autres vitraux rappellent le sens du sacrifice : se rapprocher du Seigneur, être en communion avec lui. L’un d’eux est justement titré « je suis ta récompense ». Postérieurs à ces verrières, deux autres vitraux, de part et d’autre de la croix du transept, rappellent que la France n’est pas pour rien la fille aînée de l’Eglise.
Née au christianisme grâce à saint Rémy, Clovis et sainte Clotilde, elle est consacrée, rappelle une seconde verrière, à Notre-Dame par Louis XIII. Tant qu’elle se voue au Seigneur, tant qu’elle suit la mission qui lui a été assignée, elle ne tombera pas dans l’abîme. Ces vitraux, d’une piété touchante sont, avec leurs traits vivants et animés, une vraie leçon de patriotisme et de Foi.
Les vitraux de Montbert nous permettent aussi de nous souvenir du sacrifice de nos aïeux bretons qui tant de fois, lorsque la France était frappée en son cœur – d’Arthur de Richemont contre les anglais aux résistants, en passant par la Légion bretonne de 1870 et les poilus de 1914 – n’ont cessé de la soutenir dans l’effort et l’épreuve.
Surtout, alors qu’une autre guerre, qui n’est pas déclarée, qui n’a pas de front défini, mais qui tue elle aussi, frappe la France de plein fouet, à Paris ou à Nice [et à Cannes encore ce 9 novembre] alors que les valeurs religieuses, morales et patriotiques sont en déclin, les vitraux de Montbert – et d’autres églises bretonnes, d’Aigrefeuille sur Maine au Gâvre en passant par Boussay pour ne rester qu’en Loire-Atlantique – rappellent qu’elles seules sont le socle d’une nation et d’une société stable, capable de surmonter les pires épreuves“.