Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana (Kazakhstan), évoque le Motu Proprio Traditionis Custodes dans la dernière lettre de Paix Liturigique (n°825 bis, 26 septembre 2021). Ses propos sont comme à chaque fois très éclairants :
Que conseillez-vous aux prêtres célébrant la messe traditionnelle, aux fidèles attachés à cette messe, et aux communautés religieuses célébrant cette liturgie ?
La messe traditionnelle est un trésor qui appartient à toute l’Église, car elle a été célébrée et profondément appréciée et aimée par les papes, les fidèles et les saints depuis au moins mille ans. En fait, la forme traditionnelle de la messe était presque identique pendant des siècles avant la publication du Missel du pape Pie V en 1570. Un trésor liturgique valable et très estimé depuis près de mille ans n’est pas la propriété privée d’un pape, dont il peut disposer librement. Par conséquent, les fidèles, les séminaristes et les prêtres doivent demander le droit d’utiliser ce trésor commun de l’Église, et s’ils se voient refuser ce droit, ils peuvent néanmoins l’utiliser, peut-être même de manière clandestine. Ce ne serait pas un acte de désobéissance, mais plutôt d’obéissance à la Sainte Mère l’Église, qui nous a donné ce trésor liturgique. Le refus ferme d’une forme liturgique presque millénaire par le Pape François représente, en fait, un phénomène de courte durée par rapport à l’esprit et à la praxis constants de l’Église.
Le pape François, dans son motu proprio sur la messe, manifeste tant la continuité entre le concile Vatican II et la messe de Paul VI que l’opposition sous-jacente entre les deux rites. N’est-ce pas mettre en lumière l’impasse théologique de l’herméneutique de la continuité ?
Le pape François établit un contraste clair entre le rite traditionnel et le Novus Ordo, affirmant que le Novus Ordo est l´unique expression de la loi de la foi de l´Église romaine. En fait, il n’y a plus de place pour la prétendue herméneutique de la continuité, qui a toujours été maintenue de Paul VI à Benoît XVI, c’est-à-dire qu’il y a une vraie continuité entre le rite traditionnel et le Novus Ordo. Si une telle continuité existait, la coexistence des deux rites ne dérangerait jamais particulièrement personne. Cependant, la diffusion croissante des célébrations de la Messe traditionnelle révèle à tous qu’il existe – après un examen honnête et plus approfondi – une véritable rupture entre les deux rites aussi bien rituellement que doctrinalement. Le rite traditionnel est, pour ainsi dire, un reproche constant aux autorités du Saint-Siège qui leur veut dire : « Vous avez fait une révolution dans la liturgie. Retournez à une vraie continuité entre les deux formes liturgiques ». La réforme liturgique que les Pères du Concile avaient à l’esprit est celle que Paul VI a approuvée en 1965 et que les Pères du Concile ont célébrée lors de la dernière session. Mgr Lefebvre lui-même a célébré la messe selon la forme de 1965, ainsi que le séminaire d’Ecône dans les premières années. L’évidente non-continuité entre la Messe traditionnelle et celle de 1965 d’une part et la Messe de Paul VI d’autre part vise à inciter chacun à une réflexion plus approfondie, et à examiner honnêtement aussi des éléments possibles de la non-continuité doctrinale de certaines des déclarations du Concile Vatican II, un Concile de caractère pastorale, avec le Magistère doctrinal précédent et constant de l’Église.
Au regard de la situation angoissante dans laquelle se trouvent réduits les Instituts Ecclesia Dei Adflicta, ne peut-on finalement se demander si la conduite de Mgr Lefebvre face à Rome n’était pas la bonne ?
Il faut jeter un regard large sur la crise extraordinaire qui frappe l’Église depuis près de 60 ans et qui a atteint des proportions vraiment terrifiantes sous le pontificat du pape François. Cette crise croissante a ses racines aussi dans certaines déclarations ambiguës du Concile et surtout dans la nouvelle messe de Paul VI, qui représente pour tout observateur objectif une sorte de révolution liturgique. À la lumière de l’évidence de cette crise de l’Église, que l’on peut le mieux comparer à la crise arienne du IVe siècle, l’œuvre et le témoignage de Mgr Lefebvre apparaissent prophétiques et héroïques, car il était guidé uniquement par son fidèle attachement à ce que l’Église a toujours enseigné et à la manière dont elle a célébré la Sainte Messe au cours des millénaires. Mgr Lefebvre n’a pas introduit des particularismes ou des nouveautés, mais seulement ce qu’il avait lui-même reçu de l’Église dans son enfance, dans sa jeunesse, dans sa formation au séminaire et dans son ordination épiscopale. Je pense qu’après cette crise, l’Église l’en remerciera.
Dommage qu’il n’y est pas tout le texte de l’intervention de Mgr Schneider. “L’oeuvre et le témoignage de Mgr Lefebvre apparaissent prophétiques et héroïques, car il était guidé par son fidèle attachement à ce que l’Eglise a toujours enseigné” ;Eh oui les prophètes sont persécutés, voire assassinés moralement quand ce n’est pas physiquement mais Mgr Lefebvre a tenu bon dans la tempête et tous ceux qui aujourd’hui ont droit à une Messe St Pie V devraient le remercier car s’il ne s’était pas levé aujourd’hui tout le monde aurait droit à cette pseudo-messe de Paul VI quiest une véritable rupture avec la tradition de l’Eglise millénaire. Dommage aussi que Mgr Schneider ne saute pas le pas mais peut-être est-il plus efficace à sa place, en tout cas il est comme la voix qui crie dans le désert
Ce texte est intéressant parce qu’il met le doigt sur un élément essentiel qui manque dans la “lettre aux fidèles attachés à la messe traditionnelle” que j’ai signée néanmoins car tout ce qui y est mentionné “est juste” (je veux dire qu’il n’y a rien de contestable dans ce que mentionne la supplique), à savoir le fait que la “messe traditionnelle” :
– est attachée à une tradition multiséculaire qui n’est pas seulement constituée d’esthétique, de mystère (non négligeables sur un plan culturel : dommage que Giorgio Bassani, ‘Agatha Christie ou l’un des auteurs de livrets d’opéra de Benjamin Britten ne soient plus ce ce monde pour appuyer les signataires d’aujourd’hui),
mais aussi et surtout
– est attachée à un enseignement marqué du sceau de l’infaillibilité, un enseignement que le concile Vatican II a cherché PAR SES TEXTES marqués d’ambigüités à faire tomber en désuétude au profit d’un magistère “pastoral”.
Mgr Schneider explique cela très bien. Mais M. Maugendre aussi, dans son commentaire intitulé : “Un catholique peut-il douter du concile Vatican II ?” publié il y a peu.
Tout ceci pour dire que je ne suis pas le seul signataire de cette “lettre” à me faire cette réflexion.
Car après tout, même si certains “tradis”, soit ne s’y intéressent pas, (ils auraient tort, il me semble), soit en sont agacés (là, franchement, ils ont tort : il faut TOUT entendre et TOUT juger), on ne peut pas “faire l’impasse” de la messe traditionnelle à défendre, bien sûr, sans se référer aux conciles qui en sont la garantie de validité, de sainteté et d’infaillibilité, caractéristiques que l’on ne trouve pas JUSTEMENT dans la messe dite “de Paul VI”. En clair, il est plus que temps de “réviser le Concile Vatican II”.
C’est pourquoi, les manifestations qui ont cours en ce moment (à condition d’éviter certains slogans ou mots d’ordre exagérés, du genre “nous sommes persécutés” ; allez ! parlons comme les journalistes de BFM , les “mots ont un sens”) risquent de manquer leur cible si elles ne demandent pas au pape et aux évêques, gardiens du magistère de se pencher à nouveau, comme le suggère Mgr Schneider, sur la validité du “magistère pastoral” du concile Vatican II, et bien entendu, de le réviser car non conforme au magistère précédent mais “de toujours”, multiséculaire, empreint de sainteté et de vérité .
Je suis surpris néanmoins de lire que Mgr Schneider juge valide, en quelque sorte la réforme liturgique de 1965, sous prétexte que Mgr Lefebvre l’a suivi, mais n’oublions pas que Mgr Lefebvre s’est ravisé sur ce point et c’est tout à son honneur, revenant à un “ordo” plus conforme à cette tradition liturgique multiséculaire. Là, cependant, je suis moins affirmatif et les lecteurs corrigeront au besoin.
Votre Grandeur,
Vous savez bien mieux que moi, misérable avorton que je suis, que la Bulle “Quo primum tempore” est irréformable é perpétuité et
assortie d’un anathème solennel envers qui l’enfreindrait!
En grande union de prières,
Que Dieu vous garde, vous bénisse et vous protège.
Fatima: le Saint Rosaire à outrance!
Pénitence, pénitence, pénitence!
Très humblement vôtre,
Le pauvre pécheur que je sais bien être.
à Gaudete,
On ne peut qu’approuver ce que vous dites de Mgr Lefebvre qui a sauvé l’Eglise d’un déshonneur très grand, à l’égard de Jésus-Christ, pour commencer, Lui qui avait recommandé à Ses apôtres, donc aux successeurs de ceux-ci ne pas se laisser gagner par “l’esprit du monde”.
Il mériterait d’être proclamé vénérable, pour commencer (à condition de s’en tenir à la “procédure” de canonisation telle qu’elle existait avant Vatican II).
On regrette simplement que les successeurs de Mgr Lefebvre se contentent de gérer l’existant (même si on doit leur être reconnaissants de veiller à ce que les sacrements soient bien célébrés, pas seulement l’Eucharistie et de certains aspects de leur apostolat)
et de rester un peu trop “dans leur coin” , observant avec une certaine condescendance les efforts courageux, parfois téméraires (si, si), parfois maladroits, parfois insuffisants en termes de doctrine de leurs confrères évêques (et des prêtres, aussi, qui viennent à leur soutien). Et Mgr Schneider fait partie de ces évêques que ceux de la Fraternité feraient bien de rencontrer sans avoir l’impression de “dîner avec le diable avec une longue cuillère”.
Nous avons besoin des efforts de tous pour sortir de ce carcan insupportable de “Vatican II” et surmonter ainsi la terrible crise que nous subissons aujourd’hui. Pour sortir du communisme à la soviétique, et Dieu sait s’il fut terrifiant, il a fallu 70 ans ; ne mettons pas, au sein de l’Eglise, “sacerdotes” et fidèles 70 ans pour sortir de cette crise conciliaire et post-conciliaire (donc pas seulement post-conciliaire) qui fut elle aussi, mutatis mutandis, terrifiante. Ce serait à désespérer de notre foi, fortifiée par la confirmation.
@ Courivaud:”Gérer l’existant”, c’est à dire, cela veut dire se contenter de ce qu’ils ont comme fidèles je suppose. Je ne sais pas d’où vous êtes ni si vous suivez la FSSP X , mais je pense que vous faites une grossière erreur si c’est cela que vous avez voulu dire.
Ou alors que la FSSPX ne se rapproche pas d’évêques comme Mgr Athanasius, je ne suis pas dans le secret des dieux et vous non plus je suppose, donc on ne sait pas s’il y a des rapprochements et d’autre part la FSSPX a pris tellement de coup sur les narines qu’ils se méfient (chat échaudé craint l’eau froide) il faudrait peut-être aussi que ces évêques Schneider, Vigano et d’autres s’il y en a disent a-haut et fort que ce concile n’a amené in fine que désordre et fuite des fidèles et donc l’abandonner une fois pour toutes. Quant à ma première remarque, les prêtres de la FSSPX ne restent pas les pieds dans le même sabot, j’en veux pour preuve leur implantation en Aveyron qui a débuté en ce qui concerne Rodez, il y’a 6 ans avec une Messe 1 fois par mois et depuis septembre 2021 tous les dimanches avec une petite communauté qui ne cesse de croître, avec 4 cathéchumènes 2 adultes, et 2 enfants de 12 et 16 ans une conversion du protestantisme sur une petite communauté d’une cinquantaine de personnes particulièrement soudées toujours à la recherche d’une chapelle, parce que l’évêque du lieu préfère voir les églises se démolir ou être vendues plutôt que de les prêter à une communauté qu’il juge non catholique. Venant d’un hérétique (avant d’évêque il ne croyait pas à la Présence Réelle) ça vaut son pesant de cacahuètes.
L’hommage que Mgr Schneider rend à Mgr Lefebvre est tout à fait mérité.
Mgr Lefebvre fut bien le sauveur de la foi catholique en cette déplorable fin du 20ème siècle marqué par l’hérésie et l’apostasie des hommes d’Eglise jusqu’à son sommet.
A M Courivaud je tiens à dire qu’il y a eu des contacts entre Mgr Schneider et la Fraternité St Pie X.
Mgr Schneider est venu visiter des séminaires de la Fraternité St Pie X (celui de Flavigny et de Zaitzkofen sauf erreur de ma part).
Donc oui les contacts existent entre la Fraternité St Pie X et Mgr Schneider. Du reste le livre de Mgr Schneider “Christus vincit” a été vendu et diffusé dans les lieux de culte de la Fraternité St Pie X.
Autre réponse à M Courivaud.
Il est exact que dans un premier temps Mgr Lefebvre avait suivi les réformes de la messe de 1965 (c’était encore la messe traditionnelle avec des réformes mais l’offertoire et le Canon étaient conservés). Ce qui prouve bien que Mgr Lefebvre souhaitait au maximum se soumettre aux directives de Rome.
Mais lorsque la nouvelle messe est venue Mgr Lefebvre décida de revenir intégralement à la messe traditionnelle voyant bien que les réformes de 1965 n’étaient qu’un début qui avaient pour but de détruire la messe de fond en comble pour en arriver à cette messe nouvelle imprégnée de protestantisme.
à Gaudete
Je ne veux pas trop “monopoliser” la parole (même chose à l’égard de TD). Quand je parle de “gérer l’existant”, je veux dire que la Fraternité mène sa mission qui reste “en suspens” faute d’accord avec le Saint-Siège et semble s’en satisfaire si en croit les articles et les communiqués qui sont publiés sur leurs sites d’internet depuis plusieurs années (pourquoi ce “suspens”, je ne vais pas développer ; d’autres le feront mieux que moi), donc il s’agit pour la Fraternité de gérer l’existant “dans le statu quo”. Compte tenu de la gravité de la crise, je ne suis pas sûr que l’on doive s’en contenter.
Il me semble que NNSS Schneider et Vigano’ se sont souvent adressé aux responsables de la Fraternité pour qu’un combat commun dans l’Eglise soit mené (j’ai pris bonne note de ce qu’en dit TD à ce sujet) mais sans succès pour l’instant, il me semble. Pourquoi ? D’autres sauront répondre mieux que moi, mais avouez que cela devient de moins en moins supportable
Je ne doute pas de l’apostolat des prêtres de la Fraternité. Je ne crois pas l’avoir écrit en ces termes, mais peut-être, m’exprimant sur cet apostolat après avoir parlé de “gérer l’existant,” je me suis exprimé maladroitement. Dans ce cas, je dois corriger (et m’excuser) et dire à Gaudete que oui, les prêtres de la Fraternité font un excellent apostolat dont je suis témoin, moi aussi. Tout n’est pas parfait bien sûr (qui l’est ?), et le point que je mettrais en valeur à cet égard, c’est tout ce qui touche à l’actualisation (pas “aggiornamento”- mise à jour à l’italienne, grands Dieux !) du magistère infaillible et les thèmes ne manquent pas aujourd’hui : pensez à la crise sanitaire avec ses enjeux en termes de droits fondamentaux et croyez bien que cela intéresse la théologie, l’éthique, sinon la philosophie et les fidèles ont besoin d’être éclairés là-dessus (moi le premier), croyez-moi !
De toute façon, nous, les fidèles surtout en ces temps d’incertitude face à la crise “gouvernementale” que connaît l’Eglise “au sommet”, aimerions un peu plus de transparence dans les initiatives prises par tous ceux qui s’opposent à cette dogmatisation forcenée d’un concile qui, non seulement n’avait pas de caractère dogmatique (sans parler de ses ambiguïtés, sources d’erreurs très graves), et qui par sa pastorale “systématique” a profondément mis a mal le principe de l’autorité dans le gouvernement de l’Eglise : la papauté, mais aussi les évêques et ceux qui les assistent. Et reconnaissez comme moi que la Fraternité n’est pas la seule à s’opposer à un tel effondrement – sans oublier bien sûr ce que l’on doit à son fondateur et à ceux qui oeuvrent aujourd’hui au sein de cette congrégation – . Donc, des efforts communs sont attendus de la part de tous ceux, “divers” qui sont à contre-courant, à condition de ne pas sombrer dans le ridicule de “l’union des droites” que l’on connaît dans la politique française en ce moment, et il doit s’agir d’efforts à accomplir pour le bien des fidèles, pour le bien de l’Eglise toute entière, pour rester fidèles à ce qu’a enseigné Jésus-Christ à Ses apôtres et à ceux qui leur ont succédé, y compris le premier d’entre eux.
à TD
Merci pour ces éléments éclairants de réponse à mes questions. J’espère qu’ils intéresseront les lecteurs de ce site.
En tout cas, merci à vous deux pour l’ensemble de vos remarques et commentaires directs (sans complaisance) et précis.