Lors du dernier congrès du Centre International d’Études liturgiques « La liturgie latine traditionnelle dans sa diversité » qui s’est tenu à Rome le 20 février 2020. Le Père Gabriel Diaz a évoqué dans sa conférence la diversité des rites conférence reprise dans la lettre de Paix Liturgique (Lettre n°743 du 27 mai 2020) dont nous publions un extrait.
La multiplicité des rites dans l’Église primitive est un élément facile de constater si l’on regarde en perspective le matériel qui a survécu au cours des siècles. Il existe aussi des témoignages très anciens qui attestent que les contemporains de l’époque étaient bien au fait de cette différence. Par exemple, aux alentours de l’an 600, saint Augustin de Cantorbéry ayant été envoyé par saint Grégoire pour évangéliser les « Angli », après avoir traversé les Gaules, écrit au pape pour lui soumettre quelques questions. Dans l’une d’elles, après avoir exprimé son étonnement sur la diversité des rites qu’il a pu observer au cours de son voyage, il lui demande : « Si la foi est une, comment est-ce possible que les coutumes des Églises puissent être si diverses, de telle sorte qu’une coutume est suivie à Rome pour dire la messe et une autre dans les Églises des Gaules ? »
Deux siècles plus tard, Pépin le Bref et surtout Charlemagne tenteront de réduire les distances dans les pratiques liturgiques des deux régions : ils solliciteront du pape l’envoi de livres liturgiques avec les textes en usage à Rome ainsi que la venue de membres de la « Schola Cantorum » afin d’enseigner le chant selon le style romain correspondant –n’oublions pas qu’à cette époque il n’existait pas de moyen d’écriture précis pour la musique, celle-ci devant être enseignée oralement et mémorisée–. Ce sera le début d’un procès de « romanisation » qui s’achèvera par la totale disparition des liturgies locales des Gaules. Cependant, il ne se produisit pas pour autant une complète « unification » par le simple remplacement d’une liturgie par une autre, en effet, il a eu lieu tout de suite un processus de « reflux » par lequel la liturgie « reçue » (reçue « ad modum recipientis ») souffrit certaines modifications : des appendices lui furent ajoutés pour compléter les textes et, avec le temps, y furent agrégés quelques usages qui les locaux ne voulaient pas perdre. Ceci aboutit à une liturgie « hybride », romano-franque ou romano-germanique. Mais il nous coûte de croire qu’il s’agissait d’un processus homogène et unifié. Certes, les livres apportés de Rome pouvaient avoir été copiés dans l’empire et recopiés par la suite en vue de rendre possible la diffusion progressive de textes relativement unifiés dans tout le territoire ; mais comme à cette époque, les livres liturgiques ne comportaient pas de rubriques, les rites et les cérémonies devaient s’apprendre par l’observation et la pratique. Il résulte donc difficile d’imaginer qu’un groupe restreint de prêtres romains aient pu enseigner à la perfection la façon de célébrer, de telle sorte qu’elle fût transmise avec exactitude. Il semble, en revanche, plutôt réaliste de penser qu’en dépit des efforts probables des uns et des autres, les seuls qui célébraient réellement « à la romaine » dans l’Empire furent ces prêtres venus de la Ville éternelle. Il est naturel d’imaginer que les prêtres du lieu qui, tout en apprenant l’usage romain, participaient à sa diffusion dans l’Empire, et alors qu’ils se mettaient à célébrer ce rite nouveau pour eux, devaient dans le même temps commencer son « hybridation », sans doute de manière involontaire. Quelques siècles plus tard, ce rite ainsi transformé revint à Rome, amené principalement par les moines provenant du Nord et se fusionna avec le rite romain qui s’y était maintenu.