Ecoutons Dom Pius Parsch, dans le Guide de l’année liturgique, qui évoque cette belle semaine de Pâques que nous devons vivre dans la joie du Christ Ressuscité.
Quand on se pénètre avec amour de l’esprit de la liturgie, on se rend mieux compte, chaque année, que les messes de la semaine de Pâques sont parmi les plus belles et les plus dramatiques du missel. Elles sont dominées par deux thèmes : les événements de la Résurrection et l’église de station. Je serais tenté d’appeler ces messes pascales un mystère liturgique pascal, dans lequel nous avons notre rôle à jouer. Plus nous entrerons dans ce drame sacré et mieux nous comprendrons la liturgie. Tantôt l’Église s’en tient à la succession historique des événements, tantôt elle suit sa propre voie, mais, toujours, les images et les scènes sont choisies en vertu d’un motif intérieur.
Le drame commence aux premières heures du jour de Pâques (messe du Samedi Saint). Nous représentons Marie-Madeleine et les saintes femmes et nous nous rendons, au lever du jour (quæ lucescit), au tombeau. Nous entendons le tremblement de terre, nous voyons l’ange rouler la pierre du tombeau, nous voyons les gardes s’enfuir. L’ange nous apporte le message pascal et nous renvoie chez nous annoncer le joyeux message aux disciple du Christ (aux autres fidèles). Le mystère se continue au matin de Pâques, « quand le soleil est déjà levé » (orto jam sole). Nous représentons encore les saintes femmes ; de nouveau, l’ange nous apporte le message pascal et nous donne cette assurance : « Vous le verrez, comme il vous l’a dit ». Nous nous en retournons avec cette promesse.
Nous assistons ensuite à six apparitions du Ressuscité. Le lundi, nous tenons la place des disciples d’Emmaüs qui reconnurent le Seigneur à la fraction du pain ; le mardi, nous sommes les Apôtres et les disciples qui, le soir du premier jour de Pâques, « touchent » le Seigneur et mangent avec lui jusqu’ici les scènes étaient disposées dans l’ordre chronologique). Le mercredi, nous sommes les sept Apôtres auxquels le Seigneur apparut sur les bords du lac de Génésareth et qu’il invita à un repas (poisson et pain). L’Évangile dit expressément : « Pour la troisième fois, Jésus se montra à ses disciples ». Remarquons que ces trois apparitions (lundi, mardi et mercredi) étaient toujours accompagnées d’un repas (symboles eucharistiques). Le jeudi, nous sommes Marie-Madeleine qui, dans l’amour et le désir, cherche le Seigneur et le trouve. Nous aussi, à la messe, nous pouvons dire : « J’ai vu le Seigneur ». Le vendredi, avec les nombreux disciples, nous voyons le Seigneur sur la montagne (c’est-à-dire l’autel). C’est l’apparition d’adieu pour les néophytes vêtus de blanc. La dernière parole de Jésus est une consolation : « Je suis avec vous tous les jours… » Le samedi achève le mystère pascal pour les néophytes ; il n’y a plus d’apparition, c’est le mystère de la robe baptismale. La liturgie nous montre la course des deux Apôtres, Pierre, et Jean, au tombeau. Cet événement appartient sans doute au début de la semaine pascale, mais on le place à la fin à cause du symbole de la robe baptismale (les linges au tombeau) et à cause de l’église de station (Saint-Jean). Le dimanche, nous assistons à une sixième apparition : « Après huit jours, les Apôtres étaient encore dans salle et Thomas était avec eux… » Chacun de nous est, en ce moment, Thomas à qui il est permis de lever la main et de toucher le Seigneur. Ainsi s’achève le mystère de la semaine pascale.
Nous venons de voir le thème des apparitions ; l’église de station a exercé, elle aussi, son influence sur les textes. Nous devons, de quelque façon, nous mettre à la place du titulaire de cette église. Nous vivons, dans les saints, la Résurrection du Seigneur. Dans la nuit de Pâques, nous sommes dans 1’Église du « Très Saint Rédempteur » ; là, « nous ressuscitons avec le Christ », et les catéchumènes ont, dans saint Jean-Baptiste, leur patron. Au matin de Pâques, nous sommes à Sainte-Marie Majeure. Le texte n’a aucune relation avec la Sainte Vierge (tout au plus le fait que l’Évangile parle de son homonyme Marie-Madeleine). Néanmoins, la liturgie veut que nous célébrions Pâques en nous associant aux sentiments et à la joie de Marie. C’est à cette église qu’il faut rattacher l’origine du Regina cæli. (D’après une légende relativement récente, les anges auraient chanté le Regina cæli au moment de la consécration de Sainte-Marie-Majeure). Le lundi, nous célébrons Pâques avec saint Pierre. Le texte parle quelquefois de lui ou fait allusion à lui. Dans la leçon, « Pierre se tient au milieu du peuple » et nous parle ; l’Évangile nous raconte que le Seigneur « est apparu à Simon ». A la Communion, l’Église chante que le Seigneur « est apparu à Pierre » (nous participons à son privilège). Le mardi, nous nous rendons auprès de saint Paul. Quelle impression n’a pas faite sur lui la Résurrection ! Le texte contient quelques allusions à lui. « Paul se leva et parla » (leçon). C’est donc de sa bouche que nous entendons la leçon. L’Évangile ne peut, naturellement, raconter aucune apparition à Paul ; c’est pourquoi on a choisi l’apparition aux Apôtres, dont Paul fera bientôt partie. D’ailleurs, les dernières paroles le concernent plus que personne : « annoncer la rémission des péchés à tous les païens ». Le mercredi, les néophytes se rendent auprès de leur parrain, saint Laurent. Sa fête de Pâques, à lui, fut la mort sur le gril ; d’où l’évangile du poisson rôti sur le feu. Le jeudi, nous allons visiter les douze Apôtres, les pères de notre foi. Le vendredi doit être un tendre souvenir du Vendredi Saint ; c’est pourquoi l’église de station est celle de la Reine des martyrs. Le samedi, nous revenons au lieu de notre baptême pour déposer notre blanche robe baptismale. Les églises de station de la semaine de Pâques sont les sanctuaires les plus vénérés de Rome et de la chrétienté. — Je n’hésite pas à dire que la liturgie des messes pascales est la plus parfaite, la plus suggestive, la plus riche et la plus profonde de toute l’année.