A. Ce qui figure ci-dessous est inspiré par le fait qu’il y a de quoi être intrigué, voire révolté, par le silence de bien des clercs qui sont témoins des manifestations de créativité doctrinale ou pastorale de certains d’entre eux, au plus haut niveau de responsabilité, dans l’Eglise catholique, à telle enseigne que l’on se demande si, depuis que l’Eglise est passée au dialogue ad extra, elle n’est pas devenue une nouvelle “Eglise du silence” ad intra.
B. Ainsi, bien des clercs catholiques, heureusement plus fidèles au christianisme catholique qu’ouverts sur sa dénaturation, ou sur sa détérioration, par le consensualisme fraternitaire, semblent souvent aussi lucides en privé que silencieux en public, face à l’inclusivisme périphériste, que celui-ci se manifeste dans le domaine de la religion et en direction des convictions et des croyances non chrétiennes, dans ce domaine, ou en matière de morale et en direction des conceptions et des conduites non chrétiennes, en cette matière.
Que ceux qui ne voient pas trop où est le problème s’interrogent sur le caractère consensualisateur, et non évangélisateur, d’une part de la conception et du déploiement (post-)wojtyliens du dialogue interreligieux, d’autre part de la conception et du déploiement bergogliens du dialogue interconvictionnel, alors que, même sous la plume de Paul VI (relisez le n° 53 d’Evangelii nuntiandi, 1975), il n’a presque jamais été question d’aller aussi loin, en direction de l’équivalent du dialogue interreligieux (post-)wojtylien, et alors que, sous Jean-Paul II puis Benoît XVI, il n’a quasiment jamais été question d’aller aussi loin, en direction de l’équivalent du dialogue interconvictionnel bergoglien.
C. Mais ces philosophes, ces théologiens, ces évêques et ces cardinaux, d’autant plus embarrassés par cet inclusivisme périphériste, que le plus haut niveau, dans la hiérarchie et l’institution ecclésiales, a commencé puis continué à utiliser et à valoriser ce “logiciel”, ont-ils bien conscience du fait qu’il leur suffirait de préciser ou de rappeler ce qui suit, qui tient en quelques phrases, pour commencer à “tuer le match”, face au même “logiciel” ?
D. En effet, comment se fait-il que les mêmes clercs catholiques n’aient pas plus souvent la présence d’esprit de préciser ou de rappeler ceci :
Toute prise de parole ou de position doctrinale et toute mise en action ou en mouvement liturgique, pastorale ou spirituelle, qui ont pour objet de donner à croire ou pour effet de laisser entendre qu’il n’y a pas de différence de nature entre la religion chrétienne et une religion non chrétienne en particulier, ou les religions non chrétiennes en général, sont, par nature et par principe, illégitimes car très imprudentes.
Ces prises de parole ou de position et ces mises en action ou en mouvement contreviennent gravement à la nécessité de maintenir ou de remettre en pleine lumière les conceptions et les distinctions catholiques qui permettent, précisément, de faire connaître et comprendre quels sont les fondements et quel est le contenu de cette différence de nature entre la religion chrétienne et les religions non chrétiennes.
De même…
Toute prise de position doctrinale et toute mise en mouvement liturgique, pastorale ou spirituelle, qui ont pour objet de faire croire ou pour effet de laisser entendre qu’il n’y a pas de différence de nature entre la morale chrétienne et une morale non chrétienne en particulier, ou les morales non chrétiennes en général, sont elles-aussi, par nature et par principe, illégitimes car très imprudentes.
Ces prises de parole ou de position et ces mises en action ou en mouvement contreviennent, tout aussi gravement, à la nécessité de maintenir ou de remettre en pleine lumière les conceptions et les distinctions catholiques qui permettent, précisément, de faire connaître et comprendre les fondements et le contenu de cette différence de nature entre la morale chrétienne et les morales non chrétiennes.
(En l’occurrence, ce qui est “illégitime car très imprudent” ne l’est pas au sens de : “totalement nul”, ni au sens de : “mal élaboré, mal intentionné ou mal organisé”, mais au sens de : tellement contre-productif, non pour des raisons circonstancielles, mais pour des raisons fondamentales, car tellement attentatoire à une appréciation explicitement et spécifiquement chrétienne, d’une part de la religion et de la morale chrétiennes, d’autre part des religions et des morales non chrétiennes, que cela ne peut ni ne doit être mis en oeuvre et en valeur.)
E. A partir de là, on est vraiment en droit de se poser la question de savoir
– si les clercs catholiques connaissent et comprennent encore les conceptions et les distinctions catholiques qui permettent de connaître et de comprendre les différences de nature, d’une part entre la religion chrétienne et les religions non chrétiennes, d’autre part entre la morale chrétienne et les morales non chrétiennes,
et
– si ces clercs catholiques admettent et approuvent encore ces conceptions, ces distinctions et ces différences de nature, ou admettent et approuvent encore le fait que d’autres clercs catholiques, ou le fait que des laïcs essaient de faire connaître et comprendre les mêmes conceptions, distinctions et différences de nature.
F. Mais compte tenu du fait que Jean-Paul II et Benoît XVI eux-mêmes n’ont pas donné un maximum de prolongements doctrinaux et pastoraux à la lettre encyclique Veritatis splendor, parue en 1993, et surtout ont donné un minimum de prolongements doctrinaux et pastoraux à la déclaration Dominus Iesus, parue en l’an 2000, on est en droit de se demander pour quelle raison le problème évoqué ici ne date pas du tout du 13 mars 2013…
Il est certain que si Jean-Paul II puis Benoît XVI avaient voulu faire en sorte que ces deux textes, absolument fondamentaux, fassent vraiment davantage autorité, ou soient porteurs de davantage de rayonnement, au sein de l’Eglise catholique, cela les aurait obligé
– à se démarquer beaucoup plus du mode de raisonnement propre au gaudium-et-spisme qui est fréquemment à l’ordre du jour depuis le Concile, et de celui, propre à Nostra aetate, qui est très souvent à l’ordre du jour depuis Vatican II,
– à entrer davantage en divergence d’appréciation avec les docteurs et les pasteurs catholiques qui, eux, continuent à adhérer pleinement au mode de raisonnement propre à chacun de ces deux textes, et à la pastorale qui en découle,
– à donner naissance à l’impression qu’ils étaient en train de renier une partie de leurs propres conceptions et de leurs propres convictions.
G. C’est que, voyez-vous, nous sommes ici en présence de deux confusions :
– nous sommes d’abord en présence d’une confusion ad intra, entre la communion dans la vérité et la communion dans le consensus : l’explicitation par un clerc catholique des quatre phrases qui figurent ci-dessus en caractères gras (cf. D) s’effectuerait certainement au bénéfice de la connaissance et de la compréhension de la vérité, mais cette explicitation s’effectuerait également au préjudice du consensus ; or, le néo-catholicisme post-conciliaire est caractérisé, fréquemment et notamment, par la soumission de la transmission de la vérité à la production du consensus ;
– nous sommes ensuite en présence d’une confusion ad extra, entre le respect total effectivement et authentiquement dû aux croyants non chrétiens, en tant que personnes, et le prétendu respect total, ou le soi-disant respect total, qui est irénistement et utopiquement considéré comme “dû” aux religions non chrétiennes ; or, le néo-catholicisme post-conciliaire est caractérisé, tout aussi fréquemment, par la soumission de la mise en oeuvre de la charité envers les croyants non chrétiens à la mise en action de la gentillesse envers les croyances non chrétiennes.
H. Et que ceux qui mettent en cause ou en doute le bien-fondé de la notion de “néo-catholicisme post-conciliaire” s’interrogent sur la date et le lieu de naissance, au plus haut niveau de définition du Magistère et de la pastorale de l’Eglise, de ces deux confusions : ils comprendront ainsi que c’est le numéro 17 de la constitution dogmatique Lumen gentium qui est aussi souvent oublié, éludé ou, dans les faits, quasiment censuré, depuis 1965.
“17. Le caractère missionnaire de l’Église
En effet tout comme il a été envoyé par le Père, le Fils lui-même a envoyé ses Apôtres (cf. Jn 20, 21) en disant : « Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des temps » (Mt 28, 18-20). Ce solennel commandement du Christ d’annoncer la vérité du salut, l’Église l’a reçu des Apôtres pour en poursuivre l’accomplissement jusqu’aux extrémités de la terre (cf. Ac 1, 8). C’est pourquoi elle fait siennes les paroles de l’Apôtre : « Malheur à moi si je ne prêchais pas l’Évangile » (1 Co 9, 16) : elle continue donc inlassablement à envoyer les hérauts de l’Évangile jusqu’à ce que les jeunes Églises soient pleinement établies et en état de poursuivre elles aussi l’œuvre de l’évangélisation. L’Esprit Saint la pousse à coopérer à la réalisation totale du dessein de Dieu qui a fait du Christ le principe du salut pour le monde tout entier.
En prêchant l’Évangile, l’Église dispose ceux qui l’entendent à croire et à confesser la foi, elle les prépare au baptême, les arrache à l’esclavage de l’erreur et les incorpore au Christ pour croître en lui par la charité jusqu’à ce que soit atteinte la plénitude. Son activité a le résultat non seulement de ne pas laisser se perdre tout ce qu’il y a de germe de bien dans le cœur et la pensée des hommes ou de leurs rites propres et leur culture ; mais (aussi) de le guérir, l’élever, l’achever pour la gloire de Dieu, la confusion du démon et le bonheur de l’homme. À tout disciple du Christ incombe pour sa part la charge de l’expansion de la foi.
Mais si le baptême peut être donné aux croyants par n’importe qui, c’est aux prêtres cependant qu’il revient de procurer l’édification du Corps par le sacrifice eucharistique en accomplissant les paroles de Dieu quand il dit par la voix du prophète : « De l’Orient jusqu’au couchant, mon Nom est grand parmi les nations, et en tous lieux est offert à mon Nom un sacrifice et une offrande pure » (Ml 1, 11. Ainsi, l’Église unit prière et travail pour que le monde entier dans tout son être soit transformé en Peuple de Dieu, en Corps du Seigneur et temple du Saint-Esprit, et que soient rendus dans le Christ, chef de tous, au Créateur et Père de l’univers, tout honneur et toute gloire.“