Reçu d’un lecteur
I.
A. Profiter du confinement pour consacrer un peu de temps au confinement intra-ecclésial et post-conciliaire des questions qui déplaisent, ou des réalités qui dérangent, peut contribuer à une meilleur connaissance et à une meilleure compréhension de ces questions et de ces réalités.
B. Ainsi, il se trouve que nous sommes en mars 2020, c’est-à-dire au début de la première année de ce qui risque fort de constituer LA SEPTIEME DECENNIE CONSECUTIVE DE CRISE DANS L’EGLISE, OU DE CRISE DE L’EGLISE, ce qui ne veut évidemment pas du tout dire qu’il n’y a jamais eu de crises, dans l’Eglise, en amont du début des années 1960, ni que presque tout s’est bien passé, jusqu’à la mort de Pie XII, et que presque rien ne se passe bien, depuis l’élection de Jean XXIII, mais ce qui veut dire que nous continuons à être en présence d’une crise d’une nature tout à fait particulière, presque sans précédent, puisqu’il s’agit d’une crise de la foi catholique, et d’une crise qui continue à “vivre sa vie” en raison, et non en dépit, des positions de bien des clercs, c’est-à-dire en raison des enseignements, des explications et des expressions, mais aussi, et peut-être même surtout, en raison des évitements, des occultations et des omissions de ces clercs, notamment dans le domaine du dialogue interreligieux.
C. Et l’année 2020 est aussi celle qui succède à l’année 2019, alors que l’année 2019 a été marquée par une manifestation préoccupante d’abrahamisme pontifical, à Abou Dhabi, au début de l’an dernier, puis par une manifestation très inquiétante de panenthéisme pontifical, à propos de l’Amazonie, vers la fin de l’an dernier.
D. A ce propos, quelqu’un peut-il rappeler aux lecteurs de Riposte catholique si ce sont plutôt dix cardinaux, plutôt vingt cardinaux ou plutôt trente cardinaux qui ont eu le courage et la franchise de préciser ou de rappeler, d’une manière explicite, officielle, spécifique et substantielle, que “l’abrahamisme”, en l’occurrence “aboudhabien”, et le “panenthéisme”, en l’espèce “amazonien”, découlent de conceptions et de convictions porteuses d’hétérodoxie, et déploient des conceptions et des convictions propices à l’hétérodoxie ?
Mais plus de cinq cardinaux ont-t-il eu le courage et la franchise d’expliciter, “ex cathedra et ès qualités”, cette précision ou ce rappel, au point de bien identifier la part de responsabilité qui est celle des inspirateurs et celle des subordonnés de François, voire celle de François lui-même, à Abou Dhabi puis à propos de l’Amazonie ?
II.
E. Néanmoins, il serait non seulement inexact, mais aussi injuste, de considérer que François est le premier pape, au pontificat entièrement post-conciliaire, qui a une vision des religions et des traditions croyantes non chrétiennes, ainsi qu’un rapport aux religions et aux traditions non croyantes non chrétiennes, qui n’est certainement pas d’inspiration catholique orthodoxe et réaliste ante-conciliaire, à moins qu’il ne faille dire ante-postmoderne.
(La caractéristique de la mentalité postmoderne, qui se manifeste beaucoup dans la théologie fondamentale depuis la fin des années 1960, et, un peu, dans la pastorale pontificale depuis la fin des années 1970, est qu’elle préfère très souvent le consensus à la vérité, et qu’elle n’hésite pas à faire croire ou à laisser penser que bien des conceptions et des distinctions indispensables à la connaissance, à la compréhension, à la réception, à la transmission, à la promotion et à la protection de la foi catholique, constituent autant de risques de “stéréotypes” (qui agiraient au préjudice des catholiques), qu’il convient de soumettre au “renouveau” ad intra, et de risques de “discriminations” (qui séviraient au préjudice des non catholiques) qu’il convient de soumettre au “dialogue” ad extra.)
F. Dans ce domaine, il ne faut pas accuser les personnes, c’est-à-dire les papes Jean-Paul II, Benoît XVI et François, d’être des papes “apostats” ou “hérétiques”, ou d’être des papes partisans ou promoteurs du “relativisme” et du “subjectivisme” en matière religieuse, à cause ou du fait du dialogue interreligieux et de tout ce que l’on défait, dit, fait, tait, ou soumet au consensualisme, sous couvert de mise en oeuvre de ce dialogue interreligieux.
G. Dans le même domaine, il ne faut pas accuser les personnes, mais il faut constater que leur Magistère (sauf exceptions isolées, presque sans lendemains : Dominus Iesus) et surtout leur pastorale ressemblent fréquemment à une stratégie qui prend appui sur du quasi “perspectivisme” et sur du quasi “sincéritisme”.
H. – D’une part, ce quasi “perspectivisme” est une position assez proche de celle d’après laquelle la réalité, dans le domaine de la religion, se compose de la somme des perspectives croyantes que nous avons sur elle : d’après cette position, ce sont les différents points de vue croyants que nous avons sur la réalité, dans le domaine de la religion, qui constituent cette réalité, dans ce domaine, chaque religion ou tradition croyante étant quasiment indispensable à la connaissance et à la compréhension de la réalité, donc à celles de la plénitude de la révélation divine, dans le même domaine.
– D’autre part, ce quasi “sincéritisme” est une position assez proche de celle selon laquelle ce qui importe le plus, dans le domaine de la religion, est situé avant tout au coeur de la sincérité subjective des croyants, et non au sein de la véracité objective des croyances, cette position amenant à faire comprendre ou à laisser entendre que chaque religion non chrétienne mérite pleinement le respect, en provenance de l’Eglise et des fidèles catholiques, notamment parce que, dans chacune de ces religions non chrétiennes, il existe sûrement de nombreuses personnes croyantes sincères.
(Chacun peut comprendre qu’il existe une “part de vérité”, respectivement sociologique et psychologique, dans ces deux positions, mais aussi que la surappréciation ou la surestimation des mêmes positions peut conduire à une véritable catastrophe, dans l’Eglise catholique, c’est-à-dire
– à une dynamique de subordination, presque complète et définitive, de l’évangélisation à la consensualisation, ou de la mission en direction des croyants non chrétiens au partenariat en direction des religions non chrétiennes,
et
– à une dynamique de subordination de l’explicitation de la foi catholique, en direction des diverses générations de catholiques, à des dissimulations, à des édulcorations, à des euphémisations et à des minimisations très graves, sur le plan doctrinal et sur le plan spirituel.)
III.
I. Certes, ce quasi “perspectivisme” n’est pas nécessairement approbateur ou inspirateur du relativisme au sens propre du terme, mais il faut vraiment être aveugle pour ne pas percevoir que tout clerc catholique, chronologiquement et programmatiquement post-assisien ou post-wojtylien, qui adhère, même incomplètement et indirectement, au même quasi “perspectivisme”, ne se met pas vraiment en mesure, c’est le moins que l’on puisse dire, de distinguer, ad extra et ad intra, d’une manière aussi orthodoxe que réaliste, entre ce qui est erroné et ce qui révélé, dans le domaine de la religion.
J. De même, ce quasi “sincéritisme” n’est pas nécessairement justificateur ou légitimateur du subjectivisme au sens strict du terme, mais il faut vraiment être candide pour ne pas comprendre que tout clerc catholique, doctrinalement et pastoralement post-assisien ou post-wojtylien, qui adhère, même partiellement, au même quasi “sincéritisme”, ne se met vraiment pas en mesure, là aussi, c’est le moins que l’on puisse dire, d’inciter les catholiques à exhorter les personnes croyantes non chrétiennes, dont celles qui sont sincères, à s’ouvrir sur leur conversion par et vers Jésus-Christ.
K. Il est toujours possible de contester, de critiquer, ou d’améliorer les définitions qui figurent ci-dessus, mais qui peut contester le fait que, depuis le début du pontificat de Jean-Paul II, et plus encore, évidemment, depuis Casablanca (1985) et surtout Assise (1986), un énorme problème se pose dans l’Eglise, et s’impose aux fidèles, compte tenu des conceptions doctrinales et du déploiement pastoral caractéristiques du dialogue interreligieux ?
L. Or, alors que l’année 2020 suit l’année 2019, laquelle s’est déroulée quarante ans après la première année complète du pontificat de Jean-Paul II (c’était à la fois “hier” et il y a au moins “un siècle”, compte tenu de ce qu’est devenu notre rapport au temps…), force est de constater que le néo-catholicisme post-conciliaire ressemble de plus en plus à un néo-catholicisme plus partenarial ad extra que théologal in Christo, ou, en tout cas, à un néo-catholicisme philo-postmoderne et philo-pluraliste, dans sa conception des religions non chrétiennes et dans ses relations avec ces religions.
IV.
M. Certes, le catho-diplomatisme montinien, puis post-montinien, et surtout le catho-consensualisme wojtylien, puis post-wojtylien, pèsent de tout leur poids dans cette affaire, et ce n’est un mystère pour personne : depuis les années 1960, dans le domaine de la religion, et en direction des religions non chrétiennes, non seulement les hommes d’Eglise ne veulent presque plus jamais s’exposer au risque de déplaire, mais en outre les mêmes hommes d’Eglise veulent fréquemment s’exposer à celui de plaire, de plaire à leurs “partenaires”, sinon à leur “homologues” croyants non chrétiens.
N. Mais puisque la lutte contre le maintien en vigueur du confinement intra-ecclésial et post-conciliaire des questions qui dérangent est, ici, à l’ordre du jour, on est aussi et vraiment en droit d’aller au-delà de la dimension diplomatiste, consensualiste, partenariale ou relationnelle de ce problème, et de s’interroger sur les fondements et le contenu effectifs de la théologie de la révélation, de la théologie trinitaire, de la philosophie de la religion, de la théologie des religions non chrétiennes, de la pneumatologie et de la sotériologie des théologiens et des évêques catholiques post-conciliaires.
O. Ainsi, quelle est donc la conception de la plénitude de la révélation divine, de Dieu Trinité, de la religion, des religions non chrétiennes, de l’Esprit saint et du salut en Jésus-Christ, qui est, globalement, commune à l’ensemble des clercs catholiques, au sens large, qui pensent et vivent dans l’acceptation, voire dans l’approbation de l’idéologie du renouveau ad intra et du dialogue ad extra qui se manifeste depuis le début des années 1960 ?
P. Les philosophes chrétiens, les théologiens catholiques, les évêques, les cardinaux et même les papes, dont il est question ici, encore plus depuis le début de l’après-Assise, sous Jean-Paul II, que depuis le début de l’après-Concile, sous Paul VI, sont-ils “plutôt pour” ou “plutôt contre” le mode d’analyse et le mode d’appréciation, en direction de la conception “dialogophile” des religions non chrétiennes et des relations “dialogophiles” avec ces religions, que l’on trouve, notamment, chez le jésuite Jacques Dupuis et chez le dominicain Claude Geffré, alors que cette conception et ces relations sont particulièrement propices à l’avènement d’une Eglise catholique presque post-missionnaire et d’une foi catholique quasiment post-trinitaire ?
V.
Q. Si bon nombre d’entre eux sont “plutôt pour”, pourquoi ne vont-ils pas jusqu’au bout des conséquences de leur approbation de cette “dialogophilie”, et si quelques-uns d’entre eux sont “plutôt contre”, pourquoi ne vont-ils pas jusqu’au terme des conséquences de leur réprobation de la même “dialogophilie”, même si, bien sûr, nul n’est d’autant plus un “bon chrétien” qu’il est “dialogophobe” d’une manière arrogante ou méprisante ?
R. Au terme de ces quelques lignes, comment ne pas rappeler ici que le dialogue ne devrait pouvoir être qu’un moyen, parmi d’autres, au service de la mission, et qu’une grande partie de la crise ou du drame actuel découle du fait que le dialogue est fréquemment devenu une véritable “fin en soi” ?
S. Il semble bien que même à Rome on ait fini par le comprendre, d’où le document suivant, Dialogue dans la vérité et la charité, publié en 2014 :
https://www.pcinterreligious.
https://www.pcinterreligious.
T. A l’intérieur de ce document, on trouve les points suivants :
“Obstacles et dangers du dialogue
44. Dans “Dialogue et annonce” (1991), certains des écueils et des dangers à éviter ou à surmonter dans le dialogue interreligieux ont été mis en évidence. Il est ici utile d’en rappeler quelques-uns et d’en identifier de nouveaux :
45. Le manque d’enthousiasme dans le témoignage et l’annonce du Christ et la substitution de l’annonce par le dialogue constituent un danger pour la mission évangélisatrice de l’Église.
46. Il faut ajouter à cela l’erreur que constitue le relativisme, lorsqu’un partenaire du dialogue tend à réduire les vérités religieuses à de simples points de vue personnels, estimant qu’une religion vaut autant qu’une autre. C’est le fruit de la « mentalité indifférentiste ». Le Pape Paul VI enseigne que « l’apostolat ne peut transiger et se transformer en compromis ambigu au sujet des principes de pensée et d’action qui doivent distinguer notre profession chrétienne ».
47. Le relativisme peut aussi conduire au syncrétisme qui relève d’un mélange d’éléments, notamment au niveau des doctrines et des pratiques de différentes religions.
48. L’irénisme, cette tentative désordonnée de faire la paix à tout prix en éliminant les différences, est une « des formes de scepticisme envers la force et le contenu de la Parole de Dieu que nous voulons prêcher ».
49. Dans un monde de plus en plus sécularisé, un nombre croissant de personnes sont insuffisamment enracinées dans leur propre croyance. Ceux qui ne connaissent pas très bien les doctrines de leur religion et tentent de s’engager dans le dialogue interreligieux peuvent parfois semer la confusion et donner des informations inexactes aux partenaires d’autres croyances religieuses.
50. Le manque de connaissance et l’incompréhension des croyances et des pratiques des autres religions peuvent également créer des difficultés dans le dialogue. Alors qu’un interlocuteur n’est pas censé être un expert des doctrines religieuses de l’autre croyant, il se doit cependant de faire l’effort de comprendre au moins les aspects fondamentaux des croyances du partenaire dans le dialogue.
51. Le sentiment d’autosuffisance est également un obstacle au dialogue. Le chrétien sait que toute vérité religieuse est en Christ. Néanmoins, une personne qui n’apprécie pas les éléments positifs des autres religions – en tant que témoignages de la quête humaine de Dieu – est clairement un interlocuteur inapproprié pour le dialogue interreligieux.
52. Imposer des restrictions sur les questions de croyance devant être discutées et manquer d’ouverture peuvent faire du dialogue interreligieux un exercice futile. Une telle approche peut donner l’impression de « se réunir pour se réunir », sans réelle intention de jeter des ponts de compréhension mutuelle et de collaboration.
53. L’instrumentalisation du dialogue à des fins personnelles, politiques ou économiques est un abus.
54. Bien que l’Église catholique soit officiellement engagée dans le dialogue interreligieux depuis des décennies, il existe encore des personnes qui se méfient de ce qui la motive à aller vers les autres. En l’absence de confiance mutuelle, le dialogue interreligieux reste difficile à mettre en œuvre.“
Mais pourquoi tant d’hommes d’Eglise semblent vraiment ne pas vouloir tenir le moindre compte de l’un ou l’autre de ces dix points d’attention ? Et pourquoi ce qui figure dans, ou découle de Ecclesiam suam, de Paul VI, et de la première partie de Nostra aetate, de Vatican II, est-il souvent considéré, non de jure, mais de facto, comme un quasi “dogme”, ou comme si cette lettre encyclique et cette déclaration pastorale étaient deux “constitutions dogmatiques” ?
On ne sait jamais : peut-être qu’avec la crise sanitaire, les “dialoguistes no-limit” auront-ils le désir de se convertir, surtout si le Saint-Sacrement montré en procession par un simple prêtre saint comme le Saint-Curé, allant dans des rues vides “se présente” à eux, ou bien, si, entrant dans une église ouverte, un prêtre de paroisse lisant “prions en Eglise” se tient à l’entrée, proposant de se confesser au confessional, ou sans crier gare, éprouvent le besoin de rechercher un sanctuaire où l’on dit encore la messe, surtout si c’est le jour de Pâques (dans 15 jours ; malgré l’oukase de M. Macron, sauf s’il consent à brûler un cierge très vite, le virus restera virulent, Dieu n’aimant pas qu’on se moque de lui impunément).
Et voilà, c’est comme cela que l’on mettra fin à “70 ans de crise”. Mais cela se fera par étapes, la première étant que ces nouveaux convertis, surtout s’ils sont membres de la CEF ou chefs d’un Dicastère demandent au pape heureusement régnant d’invalider “Nostra Aetate” et “Dignitatis Humanae”…. et de condamner au passage Jacques Maritain par encyclique.
Mais nous aussi, brûlons un cierge devant Notre-Dame de toutes grâces, plus particulièrement en ces jours, en pensant notamment à ces futurs nouveaux convertis..