A. En l’occurrence, le problème que vous soulevez n’est pas avant tout un problème de “casting” épiscopal franco-français, mais est avant tout un problème de “scénario” intra-ecclésial post-conciliaire, ce qui ne veut bien sûr pas dire que l’épiscopat français a toujours été chrétiennement éclairant et exigeant, dans la fidélité aux fondamentaux de la foi catholique et de la morale chrétienne, jusqu’à la fin des années 1950 ou jusqu’au début des années 1960, ni qu’absolument évêque français n’est à la hauteur des enjeux, de sa mission et de la situation, depuis le début de la même décennie.
B. Il est possible qu’il soit nécessaire “d’essayer d’autres évêques”, d’autres évêques diocésains, mais il est certain qu’il est nécessaire de bien identifier et de bien analyser le mode actuel de détection et de formation des futurs prêtres diocésains, ainsi que le mode actuel de promotion et de sélection, parmi eux, des futurs évêques diocésains, dans le but de remédier à la situation actuelle, qui est porteuse d’un risque sérieux d’inscription, dans la longue durée, de l’amollissement et de l’attiédissement, hier “conciliaires”, aujourd’hui “évangéliques”, du catholicisme, que nous subissons depuis le début des années 1960, avant tout dans le domaine de la réception et de la transmission des fondamentaux de la foi catholique.
C. Or, dans cet ordre d’idées, force est de constater que l’irénisme utopiste produit des catholiques irénistes et utopistes presque aussi constamment que le pommier produit des pommes, ou, si l’on préfère, force est de constater que le consensualisme fraternitaire, ou l’idéologie du dialogue ad extra et du renouveau ad intra, produit des consensualistes fraternitaires, ou des partisans et des promoteurs de cette idéologie du dialogue et du renouveau, presque aussi sûrement que le pommier produit des pommes. (L’irénisme utopiste fonctionne au remplacement ou à la transformation du christianisme catholique, au contact et au moyen d’un genre de pacifisme universel et d’une sorte d’utopie porteuse de conciliation générale entre l’Eglise catholique et le monde contemporain ou son environnement extérieur.)
D. Au demeurant, compte tenu de ce que sont fréquemment, sinon constamment, le Magistère et la pastorale qui ont été “conciliairement corrects”, hier, et qui sont “évangéliquement”, inclusivement et synodalement “corrects”, aujourd’hui, on ne voit pas très bien pourquoi cet irénisme utopiste devrait et comment le même irénisme utopiste pourrait produire, fréquemment, autre chose que des catholiques irénistes et utopistes, ou conciliateurs voire consensualistes ad extra, et rénovateurs voire transformateurs ad intra, notamment dans le domaine de la liturgie et des sacrements de l’Eglise.
E. Certains de vos lecteurs se demandent peut-être en quoi il y a une certaine forme d’hégémonie doctrinale et pastorale de l’irénisme utopiste, ou en quoi il y a un certain type d’hégémonie intellectuelle et relationnelle de l’idéologie du dialogue ad extra et du renouveau ad intra, dans l’Eglise, depuis le début des années 1960.
F. Il est possible de leur faire remarquer que depuis à peu près, sinon un peu plus de soixante ans, les responsables religieux catholiques tiennent absolument, ou tiennent à tout prix,
– à ce que la conception dominante du dialogue interconfessionnel, du dialogue interreligieux et du dialogue interconvictionnel, conception qui est amplement et nettement propice à un dialogue interconfessionnel oecuméniste, à un dialogue interreligieux unanimiste et à un dialogue interconvictionnel inclusiviste, continue à avoir une autorité incontestable et indiscutable et à inspirer une orientation irréversible et irrévocable,
et
– à ce que la remise en cause, depuis l’intérieur des diocèses, remise en cause qui pourrait être philosophiquement et théologiquement fondée, des origines, des composantes ou des conséquences du déploiement de cette conception dominante, soit non seulement presque impossible, mais aussi quasiment impensable.
G. En conclusion, il faut le dire avec force : le plus souvent – certes, pas toujours, mais le plus souvent –, ce n’est pas en contradiction et en dépit, mais en conformité et en raison des expressions et des omissions consensualistes et rénovatrices, ou des explications et des occultations diplomatistes et transformatrices, en provenance des plus hautes autorités de l’Eglise (non seulement en ce qui concerne les confessions chrétiennes non catholiques, les religions non chrétiennes, les valeurs et les visions “officielles” de l’homme et du monde contemporains, mais aussi pour ce qui a trait à la foi catholique, à la morale chrétienne, à la liturgie et aux sacrements de l’Eglise), que nous avons les futurs prêtres diocésains et les futurs évêques diocésains que nous avons. Sous cet angle, le “recentrage” officiel, propre à la période comprise entre 1979 et 2012, n’a nullement empêché la suite… (A qui donc fera-t-on croire qu’il serait cohérent, pertinent et, tout simplement, possible d’être à la fois clairement partisan des textes de Vatican II les plus porteurs de l’esprit du Concile et fermement opposé à l’usage qui en est fait par bien des théologiens et par bien des évêques qui, encore aujourd’hui, voire plus que jamais, en ce moment, adhèrent à un dialogue interconfessionnel oecuméniste, à un dialogue interreligieux unanimiste et à un dialogue interconvictionnel inclusiviste qui sont matériellement permis, voire formellement prescrits, par les mêmes textes ou par le même esprit ?)
H. Face à cela, il ne faut pas être fataliste, mais il faut savoir que le prix à payer pour renouer avec un catholicisme non consensualiste fraternitaire, ou non iréniste ni utopiste, ou encore bien plus “théologal” ad intra et bien moins “partenarial” ad extra, sera très lourd : il faudra que les évêques des années 2020 reconnaissent, ne serait-ce qu’implicitement ou indirectement, que leurs prédécesseurs des années 1960-1970 ont été trompés, dès la préparation des esprits, avant le Concile, se sont trompés, au moyen d’une partie du Concile, et ont trompé, après le Concile, au moins sous Paul VI. Quand une Eglise qui a pour mission d’être, pour ainsi dire, avant tout annonçante, confessante et conversive, semble vraiment devenir, sous la conduite d’une idéologie placée sous le signe du dialogue ad extra et du renouveau ad intra, une Eglise qui se dit et se veut de plus en plus, en quelque sorte, “dialoguante”, “écoutante” et “inclusive”, n’y a-t-il pas, au minimum, exposition des laïcs, des prêtres et des évêques, mais aussi des futurs prêtres et des futurs évêques, à un risque de contrefaçon au moins partielle, sinon à un risque de “tromperie sur la marchandise” ?
D’accord, ce ne sont pas les hommes qu’il faut changer c’est la matrice. C’est du bon sens.
Le problème qu’identifie l’auteur, c’est “l’irénisme utopiste”, et ses manifestations : la bienveillance au monde extérieur, l’oeucuménisme et le dialogue interreligieux. Ce n’est pas complètement faux, mais c’est incomplet. Et non, le remède premier ne sera pas de reconnaître les torts (réels ou supposés) de Vatican II. A ce stade de fixation, on peut s’interroger fraternellement sur une névrose – où comment l’arbre cache la forêt.
Autre interprétation possible : déjà au XVIIe siècle en France on a identifié la scission entre un catholicisme charnel, priant, adorant, pieux, et un catholicisme intellectuel, conceptuel, aride, janséniste et gallican. Ce dernier système n’a cessé de croître – curés jureurs, puis curés libéraux, puis curés modernistes, (puis Vatican II), puis curés fonctionnaires, puis curés irénistes et utopistes – en attendant demain.
Critiquer le Concile, c’est facile et ça permet de s’exonérer de ses responsabilités… en loupant l’objectif encore une fois, tout en déclenchant une polémique bien fielleuse, comme on les aime parcequ’elles permettent à chacun de s’ériger en inquisiteur et censeur. Et cela dirige les énergies vers le passé, et non vers le présent – et la Présence. Et après Vatican II, il faudra reparler des imperfections de Vatican I (il y en a, demandez aux vieux catholiques), et puis après on attaquera le Concordat (demandez à la Petite Eglise : elle existe encore !)… Non pas qu’il ne faille pas défendre la vérité, mais on ne le fait pas de la même façon si le but est de faire grandir l’un et l’autre dans l’amour et dans la sainteté.
La ligne de fracture N’est PAS Vatican II, elle est bien plus ancienne que ça (même la scission du XVIIe peut être remontée plus loin), elle est sur l’amour du Christ. Le remède et donc l’objectif principal n’est pas la réfutation de Vatican II (elle sera donnée par surcroît) mais l’adoration eucharistique, la communion fervente, la prière, la pénitence, le jeûne, et l’adoration permanente de Dieu en nous pour devenir saints et que nos prêtres soient saints.
En union de prières,