Paix Liturgique dans sa lettre du 15 janvier revient sur la semaine de prière pour l’unité des chrétiens (18 au 25 janvier 2020). Instaurée dans les années 1900, elle avait pour objectif de prière pour l’unité de tous les baptisés.
Balayer non devant, mais derrière sa porte
Car pourquoi, quand on prétend œuvrer pour l’unité, ne pas chercher d’abord à la retisser à l’intérieur de la maison ? N’y a-t-il pas hypocrisie à déborder de mansuétude et de bons sentiments ad extra, et de ne monter que rejet et exclusion ad intra.
Dans son livre Les dissensions ecclésiales, un défi pour l’Eglise catholique (Cerf, 2019), l’abbé Pierre-Marie Berthe, dans une perspective très centrée sur la Fraternité Saint-Pie-X, regrette cependant à juste titre le « deux poids, deux mesures » des autorités ecclésiales depuis le Concile, qui ne sont que gentillesse, ouverture et dialogue vis-à-vis des chrétiens séparés, mais dont le fond de l’attitude vis-à-vis des chrétiens traditionnels n’est que méfiance et rejet a priori.
Et malgré tout, 50 ans d’œcuménisme actif n’ont finalement abouti à aucun résultat concret avec les frères séparés. La seule exception n’en est pas une, puisqu’elle se modèle sur l’ancienne pastorale de l’uniatisme, qui réintégrait en corps, dans l’unité romaine, des Eglises orientales séparées. Il s’agit du retour au catholicisme d’un certain nombre d’anglicans – fort traditionnels au demeurant – organisé par la constitution apostolique Anglicanorum cœtibus de Benoît XVI, du 4 novembre 2009, qui permet, pour ces anglicans devenant catholiques, la création d’ordinariats personnels, des sortes de diocèses un peu semblables aux ordinariats militaires (les sujets ne sont pas les habitants d’un territoire, mais sont une catégorie déterminée de personnes, ici d’anciens anglicans bénéficiant des privilèges liturgiques).
Quelles sont alors les raisons de l’échec de l’œcuménisme ? Ses ambiguïtés fondamentales assurément, avec notamment cette étrange construction théologique de la « communion imparfaite » (Unitatis redintegratio, n. 3 : « Ceux qui croient au Christ et qui ont reçu validement le baptême, se trouvent dans une certaine communion, bien qu’imparfaite avec l’Église catholique »). Selon Unitatis redintegratio, on pourrait être dans la communion catholique partiellement, à 30% (les protestants), 40% (les anglicans), 80% (les orthodoxes), si on nous permet d’exprimer ainsi trivialement les choses Or, la théologie et le magistère antérieur tenaient au contraire que la foi – et donc la communion au Christ et à l’Eglise – ne se divise pas : on a ou on n’a pas la foi, et de la sorte on est ou on n’est pas en communion avec le Christ. Sauf, bien entendu pour ces chrétiens apparemment séparé, mais dont la bonne foi, dont Dieu seul juge, fait qu’ils sont en fait invisiblement catholiques.
Mais outre cette ambiguïté native de l’œcuménisme, l’autre raison de son échec est l’état intérieur de la communion catholique. Les défenseurs de l’œcuménisme ne cessent de dire que les divisions entre chrétiens sont des scandales, et qu’elles empêchent l’évangélisation d’être entendue. Il y a certes de nombreuses autres raisons à cette surdité de nos contemporains au message du Christ, mais celle-là est en effet très réelle. Sauf que cette difficulté redouble dès lors que les divisions se manifestent aussi, et plus vivement que jamais depuis le dernier concile, à l’intérieur de l’Eglise catholique. Divisions « de gauche », pour employer des catégories politiques très inadéquates dans le domaine religieux mais fort commodes pour se faire comprendre, à propos desquelles les autorités trouvent toujours des trésors de mansuétude et avec lesquelles elles arrivent toujours à composer ; divisions « de droite », qui sont traitées quant à elles – au moins dans un premier temps, et jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’elles sont irréductibles – avec la dernière sévérité.
Il est vrai que certaines attitudes ou propos de ces chrétiens rejetés ou réduits au silence par leurs pasteurs ont pu être regrettables. Ils n’en constituent pas moins une communauté chrétienne pour laquelle l’amour, la patience, l’écoute, la compréhension seraient un exercice de charité normalement dû de la part de pères attentifs à toutes les brebis de leur troupeau.
Et donc, les autorités pourraient bien, à l’occasion de la Semaine de l’Unité, reconnaître le mal qu’elle a fait à ses enfants qui lui demandait le pain de la liturgie traditionnelle et qu’elle a rejeté avec dédain, quand ce n’est pas avec méchanceté. C’est d’ailleurs ce à quoi peut conduire un raisonnement théologique très simple.
Je ne comprends pas votre incompréhension : c’est un phénomène universel que d’être beaucoup plus exigeant avec ceux qui nous sont proches. Si vous voulez être mieux considérés, pourquoi ne cessez-vous pas cette attitude puérile et ne faites vous pas le premier pas en reconnaissant vos erreurs ?