Dans l’état de faiblesse où se trouve aujourd’hui l’Église de France, qui perd ses fidèles, qui ne trouve plus de prêtres, qui est attaquée de toutes parts, grande est la tentation pour les autorités civiles de lui retirer par bribes aujourd’hui, et peut-être massivement demain, les biens dont elle a la disposition.
Nous avions d’ailleurs lancé une alerte à ce sujet dans un article du 4 février 2019. Un précédent fâcheux dans les rapports Église-État se dessinait à Cahors : le presbytère de la cathédrale, intégré à l’ensemble cathédral, était en passe d’être enlevé à l’affectataire de l’église-mère du diocèse, son recteur, pour être utilisé par l’État à d’autres fins.
Un épisode semblable se déroule aujourd’hui à Toulouse, où la municipalité de Jean-Luc Moudenc, LR, veut enlever à la paroisse Saint-Aubin, qui fait partie de l’ensemble paroissial de Saint-Étienne, une partie de l’édifice sacré, à savoir sa crypte. Celle-ci, d’une surface de 1 800 m2, construite à partir de 1847, avec ses voûtes en briques roses, ses nefs multiples, son couloir de circulation, représente l’une des plus intéressantes réalisations architecturales de style néo-roman qui soit en France.
Sous prétexte que cette partie de l’église est fermée au public depuis 15 ans, la mairie de Toulouse veut en faire, dès 2022, grâce au projet dit Light House, un espace dédié « à la création, au numérique et à la vie de quartier ». L’objectif est d’y implanter plusieurs startups ayant pour visée « l’image et la production de contenus comme du cinéma, d’animation, des jeux vidéo ou encore du virtuel », mais aussi quelques entreprises spécialisées dans la cryptomonnaie et dans le e-tourisme. La conception de cette réhabilitation macronienne d’un lieu sacré, déjà fort avancée, a été confiée à la société Icade, filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations.
Sauf que cette partie de l’église Saint-Aubin, certes propriété de la commune depuis la loi spoliatrice de Séparation du 9 décembre 1905, a pour affectataire – c’est-à-dire pour bénéficiaire d’un droit de jouissance qui ne peut cesser qu’en vertu d’une procédure de désaffectation (article 13 de la loi de 1905 et décret du 17 mars 1970) – le curé de la paroisse. Concrètement, il faudrait que la désaffectation de l’édifice soit prononcée par arrêté préfectoral à la demande du conseil municipal, mais à la condition que l’évêque ait donné préalablement son consentement par écrit.
En a-t-il même le droit ? Une crypte fait clairement partie par sa nature d’un entier édifice cultuel et, sous réserve de plus ample information, on ne connaît pas de cas où un édifice du culte ait été sectionné pour qu’une partie en soit désaffectée. La jurisprudence administrative va d’ailleurs dans le sens d’une reconnaissance large de la définition de l’ensemble de l’immeuble cultuel affecté (par exemple, une salle annexe utilisée comme salle de catéchisme, une bande de terrain entourant l’église, ont été considérées par le Conseil d’État comme faisant partie de l’immeuble affecté au culte catholique).
Pour préserver le principe du droit de l’Église sur les édifices du culte et ne pas introduire de précédent, l’archevêque de Bordeaux, Mgr Jean-Pierre Ricard, s’était jadis opposé à la désaffection de l’église Saint-Éloi, pourtant hors-service depuis longtemps, et dont la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X revendiquait l’utilisation (la réintégration canonique officielle du prêtre qui y célébrait, l’abbé Laguérie, avait ensuite permis de régler la question). Pareillement, l’attitude de l’archevêque de Toulouse, Mgr Robert Le Gall sera d’une importance considérable pour l’avenir des biens d’Église en France : s’il avalisait le projet de la mairie de Toulouse, il introduirait une faille, vraisemblablement contraire à la loi et attaquable, mais en toute hypothèse désastreuse en ce qui concerne la protection des édifices du culte, à un moment où elle risque d’être de plus en plus menacée.
Un très dangereux précédent .
Il ne faudra pas se plaindre après.
Y a-t-il encore des catholiques dans ce pays ??
Quelle Honte!!
Comme chacun le sait, la révolution française a détruit, confisqué et volé des quantités de biens appartenant à l’Eglise. Nous sommes à présent en 2019 et que cet acharnement à tout faire pour continuer à supprimer toute trace du christianisme dans ce smerveilleux pays qu’est la France dépasse l’entendement. Rien que du point de vue historique et culturel, cette frénésie qui consiste à abattre ce qui rend attractif l’hexagone aux yeux de ceux qui, tels les américains s’extasient face à la richesse du patrimoine ancien que comporte ce pays qui reste le plus visité du monde, ne semble rien d’autre qu’un crime. Dès lors, au niveau religieux, comment serait-il acceptable de voir des évêques qui, par leurs silences coupables, participent à laisser s’en aller ce qu’ils devraient protéger? Reniant (à quelques exceptions près) leur devoir d’évangéliser et à plat devant le monde, ce n’est pas sur eux que les chrétiens peuvent compter pour monter au créneau pour défendre les trésors légués par nos anciens. et encore moins la foi qui animait ceux-ci.
Site internet: jpsnyers.blogspot.com
Oui un dangereux précédent. Il me semble que les édifices cultuels sont entièrement affectés au culte. On a déjà laissé faire n’importe quoi avec les concerts . Mais désaffecter une partie d’une église, à des fins commerciales en plus me parait très dangereux. Je vois que pas grand monde se soucie de cette question mais quand toutes les églises seront ainsi saucissonnées, c’est à dire retirées au culte par morceaux, il y aura beaucoup de cris…mais ce sera trop tard
Un article de La Dépêche du Midi – journal “fraternel” comme on sait -, dans son numéro du 30 juillet (“Abandonnée, la crypte Saint-Aubin va renaître”), fait état de l’épreuve de force engagé par le promoteur pour obliger l’archevêché de Toulouse à accepter la désacralisation. Le promoteur souhaite engager une concertation avec les associations pour prendre en tenaille le diocèse.
Il est bin vrai que, si Mgr Le Gall lâchait, cette désacralisation partielle d’un lieu de culte serait un précédent désastreux.