Parmi les réactions de nos Evêques aux événements sociaux récents et en particulier à ce phénomène singulier dit « les gilets jaunes », il faut relever le propos de Mgr Brunin, au titre évocateur :
Donner ses chances au dialogue citoyen.
L’évêque du Havre maîtrise la rhétorique et il ouvre son affaire par une tournure concessive (en substance, « certes, il y a la pauvreté, le sentimentd’exclusion sociale, mais il ne connaît pas l’art de la transition : c’est le poids des prélèvements fiscaux et les difficultés de boucler les fins de mois dans beaucoup de familles, qui génèrent ce mouvement de désespoir et de colère. (même pas de « mais ») Nous ne pouvons accepter les violences, verbales ou physiques, celles qui portent atteinte à l’intégrité physique des personnes (manifestants et membres des forces de l’ordre) et des biens…
Bon, il est inacceptable de détruire et de piller.
Moyennant quoi on nous invite à ne pas jeter de l’huile sur le feu. Pourquoi on voudrait jeter de l’huile sur le feu ? Elle y est déjà.
En réalité le propos du Monseigneur n’est pas du tout d’essayer de porter un regard un peu vrai sur un sujet difficile, mais de faire la publicité des documents officiels de l’Eglise catholique, à commencer par celui des évêques de France, à l’automne 2016, – Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique – : ils s’étaient alors prophétiquement réunis pour pondre ce modèle de prose inventive et pour faire le constat d’une société où on ne se supporte plus, où on perd le sens du dialogue et du débat. Ça s’appelle l’argument d’autorité. Moi personnellement, c’est un argument qui ne me fait ni chaud ni froid.
Il y a une détresse sans nom qui a jeté les hommes dans la rue, et beaucoup d’hommes (et de femmes), il y a une paupérisation dénoncée par des partis tenus pour indignes, – c’est de la récupération paraît-il. Oui, et alors ? si c’est vrai, qu’est-ce que ça fait que ce soit Marine Le Pen qui le dit?
« Nous nous révélons trop souvent incapables de resituer nos attentes individuelles dans une perspective globale qui, seule, permettra une juste vision du bien commun ».
Et on demande benoîtement à des hommes, des femmes qui n’en peuvent plus de taxes, d’impôts, de sentiment d’injustice, de resituer leurs attentes dans une perspective globale.
Et cette perspective, on la connaît: l’immigration et le mondialisme.
Que prône t-il donc ce digne prélat du Havre? La justice pour les hommes en gilets jaunes ? Mais pas du tout… Il souhaite prophétiquement le retour descorps intermédiaires dans les événements que nous traversons, dont l’absence se fait sentir cruellement en ces temps de troubles.
A ces gilets jaunes qui sont descendus dans la rue parce qu’ils ne sont pas représentés, pas entendus, méprisés au point qu’on leur montre l’autre côté de la rue où paraît-il, on trouve du travail, le prélat du Havre explique qu’ils ne sont pas habilités à se faire entendre. En substance, ces pauvres nuls, qu’ils rentrent chez eux, on va s’occuper de politique à leur place.
« Sans les corps intermédiaires, les solidarités ne peuvent que s’étioler ou se reconstruire de façon catégorielle ou, pire encore, instaurer l’anarchie, la violence et la loi du passage en force ».
Le 7 décembre au soir, les routiers annonçaient une grève générale. Le lendemain, la grève était annulée. Pourquoi. Parce qu’ils avaient obtenu ce qu’ils voulaient. L’Etat a eu si peur qu’il a reculé, mais en silence, et la presse s’est tue. C’est que ces routiers eux, sont fort bien représentés. Ils sont un corps intermédiaire.
Notre Evêque de la Réconciliation générale et du Débat généralisé nous enjoint de ne pas « bouder » la proposition du gouvernement d’initier des débats décentralisés dans les divers territoires, avec les « Elus, les organisations syndicales, les associations, ainsi que les citoyens qui voudront y prendre part. Et d’encourager les fidèles à y aller. Ce seront des lieux importants pour définir les modalités d’un système fiscal plus juste, un développement économique plus inclusif, mettant au centre le souci de l’homme avant le profit financier. En écrivant ce texte d’anthologie, Monseigneur Brunin ignorait sans doute alors qu’une partie des maires de France avaient rencontré le Président Macron, et que ce « dialogue » n’avait pas été un grand moment consensuel pour lui. Quelqu’un le plaint ?
On va donc se regrouper tous ensemble et définir un système fiscal plus juste. Il les a vu les économistes, se battre comme des sauvages sur les plateaux télévisés à propos de la fiscalité ? Et quand ils ne se battent pas, certains nous présentent la question tranquillement, paisiblement, en disant clairement qu’il y a des solutions, mais que l’Etat ne veut pas les prendre. Ou d’autres continuent de dire que gilets jaunes ou pas, il y a les 3% mythiques, insurrection ou pas. On sait qui les gouverne, ceux-là.
Finissons en avec cette prose verbeuse et inconsistante, il n’est plus question de gilets jaunes, de pauvreté, d’exclusion sociale, il s’agit de veiller à ce que les débats abordent les modalités de lutte contre le réchauffement climatique et le respect de l’environnement naturel. (…) les dialogues engagés doivent consentir à définir le sens de ce que nous voulons construire ensemble, à partir de références théoriques et éthiques. Celles-ci peuvent être fournies par les corps intermédiaires (analyses et projets des partis politiques, des organisations syndicales, des associations…), mais aussi par les citoyens.
Les références théoriques et éthiques des corps intermédiaires. J’aimerais qu’on m’explique. On va revenir aux théories du trotskisme léniniste ? Aux propositions de Thomas Picketty ?
Alors, nous autres chrétiens, avons-nous un rôle à jouer ? Mais oui, même qu’il revient à l’Eglise (entendre l’Episcopat) d’inviter et de mobiliser les chrétiens et toutes les personnes de bonne volonté, à prendre part activement à la construction d’une vision partagée du bien commun et à la prise de conscience d’une communauté de destin sans lesquelles il ne peut y avoir de société juste, pacifiée et fraternelle.
Et devinez avec quoi on va y aller à cette grande fête du débat national : avec l’enseignement du pape François dans l’encyclique machin. Car le pape fournit les moyens de dépasser l’opposition contre-productive entre l’action pour la transition écologique, nécessaire pour sauver la planète, et l’action pour garantir le pouvoir d’achat, aussi nécessaire pour assurer plus de solidarité et davantage d’équité dans les moyens de vivre.
Là-dessus, pour le coup, notre fin dialecticien devient enfin clair. La transition énergétique doit maintenir les engagements de la COP 21. Et même il y a urgence !
Pour les pauvres gens, on a tout le temps d’organiser des débats sans issue, mais pour la COP 21/24, là, faut se bouger. Avec l’Encyclique écolo…
Le pauvre homme.
Il n’est nul besoin d’avoir lu le Gorgias pour savoir qu’il y a des conditions au dialogue et que ces conditions n’y sont plu depuis longtemps. Et que la première de ces conditions, c’est la vérité.
Monsieur l’Evêque du Havre, voici ce que vous dit la laïque que je suis : cette dialectique fumeuse signe votre lâcheté, votre incurie, votre incompétence en matière politique et votre mépris foncier de ceux qui ont le sentiment de ne pas participer au festin. Oh, pas celui des noces de l’Agneau, grâce aussi à votre incurie dans ce domaine ils n’en ont cure, je parle du festin de l’espérance temporelle des hommes : un frigidaire plein, avec de bonnes choses ; un avenir pour leurs enfants, et des écoles expurgée de la politique indigne de Mme Schiappa; une petite épargne pour partir en vacances, faire un projet, rêver… et surtout le sentiment qu’on ne se fiche pas de vous avec cette vision à la noix de la Planète et les migrants qu’il faut accueillir, parce que l’ONU en a décidé ainsi.
Faut-il rappeler l’état de notre société, dont l’effondrement est d’abord culturel avant d’être économique. En matière d’éducation, la théorie du genre et l’arabisation, un illettrisme grandissant, une filière L déclassée pour ne pas délitée ; en matière fiscale, une taxation sans précédent ; en matière d’éthique sexuelle, l’avortement remboursé au lieu de venir en aide aux femmes pour que leur enfant naisse et soit accueilli. Mais ça coûterait beaucoup plus cher… Que croyez-vous qu’ils pensent de nous, dans les pays où la morale est restée quelque peu traditionnelle ? Que croyez-vous qu’ils ont pensé d’un président posant de manière équivoque avec deux jeunes noirs dont l’un fait un signe d’une évidente obscénité ? Après le président Hollande qui nous a ridiculisé, un président qui nous fait honte.
La plupart de ces gilets jaunes mènent une vie simple. Ils ont une famille, rarement recomposée, parce que pour cela, il faut de l’argent, et eux de l’argent, ils n’en ont pas. Ils restent en dehors de ces grands débats qui constituent les pierres d’angle de ces Lobbies pathétiques qui ont imposé le pire dans nos écoles.
La violence de ces gilets jaunes (qui reste largement – mais pas seulement – celle des jeunes casseurs des banlieues, qu’on reconnaît à leur sweat à capuchon et à leur accent sur les vidéos) apparaît intolérable à ce digne prélat, qui n’a qu’une vision d’une insigne pauvreté à proposer, une vision destructrice de tout ce qui est incarné dans nos existences humaines : le voisin de pallier, le cousin de province, le collègue de travail, le copain avec qui on fait du foot, celui qui a aidé à poser des étagères. Tout cela construisait des solidarités partagées et les construit toujours, car tout cela est la vie vécue de la plupart des gilets jaunes. Dans leurs terroirs respectifs, là où les agriculteurs survivent ou se pendent dans leur grange.
Les violences ne sont pas seulement économiques. La plus grave de ces violences, c’est le mensonge. Mensonge institutionnalisé, dans nos écoles, dans nos débats, dans notre nouvelle anthropologie, et jusque dans nos Eglises.
Car ces hommes et des femmes sont souvent baptisés, et seront enterrés dans les Eglises : mais entre deux ?
C’est la question que pose Mgr Ginoux, qui lui, a enfilé le fameux signe de ralliement pour aller faire ce que devrait faire Mgr Brunin : aller parler aux et avec les gilets jaunes. Ça lui remettrait peut-être les neurones en place, manifestement, les siens manquent de quelques solides connexions.