Notre confère Paix Liturgique dans sa lettre n° 632 du 20 février 2018 évoque le grand effondrement du catholicisme en France à partir de 1965 à l’occasion de la publication du livre de Guillaume Cuchet, professeur d’histoire contemporaine
Réflexions à propos de la parution du livre Comment notre monde a cessé d’être chrétien, Anatomie d’un grand effondrement (Seuil, février 2018), un livre de Guillaume Cuchet.
Ce livre-diagnostic, qui vient à peine de sortir, fera date. L’auteur, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-Est Créteil, entend préciser à quel moment et pour quelles raisons a commencé, en France, le recul spectaculaire du catholicisme.
Pour lui – et c’est sous cet aspect qu’il intéresse particulièrement Paix Liturgique – le catholicisme d’une population se mesure extérieurement, qu’on le veuille ou non, par sa pratique dominicale régulière, qui manifeste et entretient, avec bien entendu des variantes et des nuances, un attachement à l’Église et à son corpus doctrinal. À défaut de cette pratique, une culture chrétienne peut persister un certain temps (ainsi Emmanuel Todd, dans Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse, Seuil, 2015, a montré que les anciennes provinces françaises catholiques avaient plus fortement manifesté contre l’Islam radical), mais par la force des choses cette culture catholique elle-même va disparaissant.
C’est entre 1965 et 1966, que la pratique dominicale a décroché, c’est-à-dire à la fin du concile Vatican II, alors que la réforme liturgique avait commencé. Guillaume Cuchet combat l’idée reçue qui veut que Mai 68 et l’encyclique Humanæ Vitæ de Paul VI condamnant la contraception, publiée en juillet 68, aient été les déclencheurs de ce décrochement. Ils l’ont accentué, mais il a eu lieu avant, en 1965.
Cet effondrement a été d’autant plus spectaculaire que les enquêtes sociologiques précédentes, jusqu’en 1962, étaient plutôt optimistes. Lancées après la guerre, de manière très systématique, dans les diocèses et les paroisses, par le célèbre chanoine Boulard, sur un projet initial du sociologue Gabriel Le Bras, elles avaient abouti, à partir de 1947, à l’édition successives de cartes (les « cartes Boulard »), qui distinguaient les paroisses chrétiennes (Ouest, Pays Basque, sud, sud-est du Massif Central, cantons du Nord, Alsace), et les « pays de mission », où la pratique tombait à 40% et moins. Elles montraient que la période d’après-guerre a correspondu à une embellie pour le catholicisme français. Ce mieux se plaçait dans une série de flux et de reflux que Gérard Cholvy et Yves-Marie Hilaire ont mis en évidence dans leur Histoire religieuse de la France contemporaine (Privat, 1988) : hautes eaux vers 1760 ; reflux considérable avec la Révolution jusque vers 1830 ; remontée très notable jusqu’à l’installation de la Troisième République ; déclin à l’époque des lois anticléricales, qui cesse vers 1910 ; nouvelle remontée, enfin, qui culminera en 1960. Hauts et bas, cependant, sur une longue courbe constamment descendante depuis la Révolution, montrant une laïcisation progressive de la société. Une embellie donc, après la guerre, où on recueillait les fruits d’un réseau dense d’œuvres catholiques, d’un moindre anticléricalisme, d’une immigration italienne et polonaise pratiquante, d’un investissement considérable du clergé dans les patronages, écoles, œuvres de jeunesse. La transmission catholique était assurée : les jeunes devenant adultes pratiquaient dans la même proportion que leurs parents et même légèrement mieux. Et puis, patatras !
En mars 1975, entre bien d’autres études et sondages, une enquête révélait une chute de 47% de la pratique dans le diocèse de Paris depuis 1954. En 1974, à Lille, on constatait qu’un tiers des pratiquants avait disparu depuis les dernières années. Des analyses plus fines permettant de dater la chute de 1965-1966, plutôt en 1965.
De travaux en travaux, toutes les instances ecclésiastiques devaient convenir, tout en cherchant d’abord à minimiser, qu’un incroyable décrochement s’était produit. Qui plus est, il affectait tout particulièrement les jeunes de familles pratiquantes du baby-boom. Autrement dit, la génération de catholiques qui arrivait à 20 ans en1965, pour la première fois dans l’histoire, n’a pas bénéficié de la transmission de l’héritage catholique. Et bien entendu, ce fait colossal va désormais se démultiplier.
En définitive, d’une pratique dominicale, juste avant le Concile, en moyenne, de 25% des Français (avec 80% des enfants faisant leur communion solennelle, c’est-à-dire pratiquant et étant catéchisés jusqu’à l’âge de 12 ans), on est passé aujourd’hui, si on considère les vrais chiffres, ceux de la pratique tous les dimanches et non pas une fois par mois, à moins de 2% de pratiquants (très exactement : 1,8%, enquête Ipsos pour La Croix, 12 janvier 2017), les femmes pratiquant désormais aussi peu que les hommes. Et cet arasement est général : toutes les provinces, les villes comme les campagnes sont désormais à égalité, à ceci près que la société française s’est considérablement urbanisée et que les assemblée dominicales des villes sont de ce fait numériquement plus importantes que celles des chefs-lieux de cantons où est encore célébrée la messe le dimanche.
Le livre de Guillaume Cuchet devrait être offert :
1/ aux évêques,
2/ aux leaders des médias qui se réclament du catholicisme ( La Croix, Témoignage chrétien, KTO etc…),
3/ aux laïcs qui occupent aujourd’hui les sacristies et autres officines para-ecclésiales.
Mais, en vérité, est-ce que cela suffirait à leur ouvrir les yeux ?
étant de la génération baby-boom, je peux avoir ma petite idée. En effet combien de fois n’ai-je pas entendu de la parties anciens à cette époque-là “on nous change la religion”. C’est clair, si on s’en était tenu au Concile, on n’aurait peut-être pas perdu autant de pratiquants (ne serait-ce que sur la liturgie, puisque le rite extraordinaire d’aujourd’hui était considéré encore alors comme le rite ordinaire). D’autre part un vent de folie a soufflé à ce moment-là, on croyait avoir découvert l’eau tiède. Mais si on avait continué à prêcher les commandements de Dieu et de l’Eglise, on n’en serait pas là, non il fallait faire du “syndicalisme” pendant les prêches, on voit où ça a mené. Tous ces prêtres qui ont défroqué auraient mieux fait de faire de l’adoration et réciter le chapelet, ils seraient restés prêtres. Quant à la fameuse catéchèse: faire des dessins c’est bien joli, mais il y a l’école pour ça, au catéchisme on apprend l’enseignement du magistère de l’Eglise Catholique et Apostolique, sauf que là aussi catholique et apostolique ont disparu du vocabulaire de nos épiscopes (du moins certains) et de nombreux prêtres, l’église cachée sous le boisseau, il ne faut pas faire de vagues. Trop contents les FM et les laïcards de toute espèce