Chaque année, la messe des parlementaires à Sainte-Clotilde est l’occasion pour le cardinal Vingt-Trois de délivrer le regard de l’Église sur l’actualité politique. L’aumônier du Service pastoral d’études politiques (SPEP), le père Stalla-Bourdillon, explique dans Famille chrétienne :
“Nous sommes devant une situation politique nouvelle et donc fragile : avec un renouvellement de l’Assemblée Nationale à plus de 75 %, les institutions sont soumises à une épreuve. On s’imagine souvent que cette épreuve est une tempête celle du « dégagisme » ; je pense au contraire que c’est une absence totale de vent, entendez « d’idée » ! Nous sommes plutôt dans l’œil du cyclone. Autrement dit, nous subissons une atonie politique totale ; mon impression, c’est qu’en dépit du nom du mouvement majoritaire « En marche » qui déploie le programme de président de la République, la vie politique est, elle, dans une sorte de pétrification, personne ne bouge, parce que personne ne comprend vraiment ce qui se passe : entre Donald Trump d’un côté et l’autorité de Xi Jinping au 19 ème congrès du PC chinois de l’autre, entre le Brexit des Anglais et les turbulences espagnoles en Catalogne, qui peut dire ce qui se passe réellement ? L’Église conserve une responsabilité propre : celle d’énoncer la vocation à la sainteté, à l’accomplissement de la vie humaine, consciente que nous ne sommes que de passage sur terre pour accomplir notre propre humanité et non pas des choses dans le monde !
Quel est le rapport de l’archevêque de Paris au monde politique ?
C’est celui d’un observateur très lucide ; l’effervescence médiatico-politique ne trompe personne : au fond, la situation des personnes, des familles, de l’économie, de la solidarité ne semblent pas prises assez au sérieux. Sans doute faudrait-il que le monde politique puise son inspiration ailleurs que dans la pluie des sondages que servent les médias à longueur d’année. Il y a dans les institutions religieuses, des gisements de sagesse à explorer.
L’Église peut-elle être entendue par les parlementaires ? Les nouveaux élus sont-ils sensibles aux enjeux soulignés par l’Église comme par exemple la PMA ?
L’Église vit d’abord dans la conscience des baptisés qui répondent de leur baptême. Les parlementaires doivent être aidés à identifier l’Église, non comme un crypto-parti politique, voulant entrer dans le rapport de force, mais comme une source de lumière qui cherche la vérité et travaille les consciences. Le défi pour l’Église n’est pas tant d’investir le débat politique en tant que tel, que de parvenir à énoncer pour elle-même dans la conscience des baptisés, l’enjeu des questions politiques. Les questions liées à la biologie reproductive entrent bien sûr dans ce champ de réflexions. Notre monde politique n’a plus conscience que seule une réflexion personnelle, un effort spirituel de discernement du bien, donc un certain combat spirituel personnel est la condition pour éviter de faire de la société, de la rue, une arène où se déchirent les personnes.
Quelle était l’intuition initiale du cardinal Lustiger en fondant le Service pastoral d’études politiques (SPEP) ?
En créant le SPEP en 1992, le cardinal Lustiger voulait qu’un prêtre puisse accompagner les responsables politiques qui le désirent. C’est la conscience d’un devenir commun qui doit occuper un élu : il y a en chacun, la question de savoir ce que nous sommes et ce que nous serons. Ce désir est la force la plus profonde de l’évolution des sociétés. Et puis, il y a le fait de plus en plus perceptible (bien qu’évident) que la foi n’est pas qu’une question privée, elle a des conséquences sociales et politiques car elle travaille les consciences.”