Christian Marquant raconte la création du MJCF dans la dernière lettre de Paix Liturgique (n°614, 28 septembre 2017)
Louis Renaud – Paix Liturgique – Mais que s’était-il produit ce 29 septembre 1967 pour que vous vous retrouviez « humainement seuls » ?
Christian Marquant – Sans trop entrer dans les détails, nous avions été jusqu’alors rattachés de près ou de loin aux Scouts de France, où nous avions, pour la plupart d’entre nous, fait nos premières armes de jeunes catholiques. Or, les Scouts et les Guides de France, dans les années de l’après-Concile, étaient en plein aggiornamento, c’est-à-dire en pleine révolution. C’est dans ce contexte que plusieurs d’entre nous avaient quitté leur troupe scoute, devenue un groupe de Pionniers en chemises rouges et aux idéaux à l’avenant, bien étrangers à ceux auxquels nous avions adhérés et pour lesquels nous nous étions engagés, pour rejoindre ce qui était encore, du moins officiellement, le groupe des Routiers du XIVème arrondissement de Paris (la Route est un prolongement du scoutisme pour les grands adolescents).
Ce groupe de Routiers avait pour nom « Nouvelle Frontière » et était lui aussi en pleine ébullition. De 1965 à 1967, nous nous y sommes formés « sur le tas », jusqu’à ce que, durant l’été 1967, « Nouvelle frontière » ne décide de se séculariser en abandonnant à la fois les Scouts de France et leur estampille catholique. Nous avions alors le choix entre la disparition ou la poursuite solitaire et autonome de nos activités. Nous avons opté pour la deuxième branche de l’alternative, et nous avons concrétisé notre décision, le 29 septembre, en lançant le premier camp de Flumet, ce dont Paul, Claude, Jean-François, Michelle et quelques autres se souviennent certainement encore.
LR – Parlez-nous du commencement de votre aventure.
CM – Nous avions expérimenté empiriquement au cours des deux années de Route 1965/1967 un type de rayonnement chrétien nouveau pour nous, celui d’aller au-devant des jeunes, d’abord ceux de notre « terroir », le XIVème arrondissement de Paris, puis peu à peu des jeunes de l’ensemble de la région parisienne. Nous avions alors pu constater que ces contacts produisaient de beaux fruits auprès de jeunes un peu perdus dans un monde déjà sans repères. Pour nous, cela se faisait clairement dans un cadre catholique : nous avions des aumôniers, nous bénéficiions d’un peu de vie spirituelle et doctrinale.
Mais cette action était aussi stimulante pour nos jeunes âmes brutes que difficile à mener en raison des terribles turbulences du temps – turbulences qui dans l’Église, il faut le souligner, ont suivi le Concile et précédé mai 68 – et qui faisaient que ceux qui devaient être nos guides n’étaient désormais plus sûr de rien ni surtout d’eux-mêmes. Je me souviens, par exemple, de mon ancien aumônier scout, jusqu’alors exemplairement catholique, qui, devenu comme fou, abandonna en moins de deux ans tout ce qu’il nous avait enseigné depuis notre adolescence. Le malheureux termina sa vie comme clochard ! Mais du mal peut naître un plus grand bien : ces abandons sacerdotaux nous déterminèrent à approfondir nos convictions et à résister à l’idéologie nouvelle devenue dominante.