Interrogé le dimanche 2 octobre par les journalistes dans l’avion qui le ramenait vers Rome après un voyage de trois jours en Géorgie et en Azerbaïdjan, le pape François a livré plusieurs informations inédites quant à ses prochains voyages hors d’Italie. Il a ainsi annoncé comme« presque sûr » un déplacement en Inde et au Bangladesh. Sur place, dans ces deux pays où les communautés catholiques sont très minoritaires, cette annonce est venue comme une heureuse surprise, susceptible de venir « renforcer » les Eglises locales. Le pape a également évoqué la Chine.
Secrétaire général de la Conférence épiscopale indienne, Mgr Theodore Mascarenhas a accueilli la nouvelle en ces termes : « De manière évidente, c’est une grande joie pour nous. Cela faisait longtemps que nous attendions une visite du pape. » Dans un pays où les chrétiens (pour la plupart des catholiques) représentent une minorité de 27 millions de personnes sur une population totale de 1,2 milliard d’êtres humains et dans une nation où les hindous sont très largement majoritaires, une visite pontificale donnera « une vigueur nouvelle » à l’Eglise et « nous aidera dans notre mission », a développé le prélat. Par ailleurs, la figure du pape François « comme chef de la famille catholique, sa stature internationale, son acceptation comme leader mettant en avant la compassion et la miséricorde » ne peuvent qu’aider les chrétiens indiens, a encore ajouté Mgr Mascarenhas, dans une allusion à peine voilée aux difficultés auxquelles se heurtent les chrétiens du fait de l’activisme des extrémistes hindous, pour qui l’Inde, une nation hindoue, fait face à un danger de « christianisation ».
Des visites pontificales rares en Inde
Sur le plan protocolaire, Mgr Mascarenhas a précisé qu’en mars dernier, le président de la Conférence épiscopale, le cardinal Baselios Cleemis, avait formulé au pape une invitation à venir en Inde. L’invitation des autorités gouvernementales indiennes aurait, quant à elle, été présentée par la ministre des Affaires étrangères, Sushama Swaraj, à l’occasion de l’entretien qu’elle a eu avec le pape début septembre à Rome. La ministre des Affaires étrangères présidait alors la délégation officielle du gouvernement indien à l’occasion de la canonisation, place Saint-Pierre, de Mère Teresa.
Les visites pontificales en Inde sont des événements rares. La première remonte à 1964, lorsque le pape Paul VI se rendit à Mumbai (Bombay) pour un Congrès eucharistique international. Il fallut ensuite attendre Jean-Paul II pour de nouveau voir un pape en Inde ; le pape polonais effectua deux visites dans ce pays, en 1986 puis en 1999. En 1999, Jean-Paul II s’était rendu à New Delhi pour y promulguer Ecclesia in Asia, l’exhortation apostolique qui synthétisait les travaux des évêques réunis à Rome, l’année précédente, à l’occasion du Synode pour l’Asie. Le BJP ou Parti du peuple indien, le parti des nationalistes hindous, était déjà au pouvoir au plan fédéral, et les milieux de l’extrême-droite hindoue, dont est issue le BJP, avaient bruyamment fait savoir leur opposition à la venue du chef de l’Eglise catholique, venu selon eux sur une terre hindoue avec pour ambition de convertir les hindous au christianisme.
Aujourd’hui, certes le BJP, avec Narendra Modi comme Premier ministre, est, depuis 2014, à nouveau au pouvoir à New Delhi, mais, estime Mgr Mascarenhas, les risques de voir les nationalistes hindous manifester contre le pape François comme ils avaient manifesté contre le pape Jean-Paul II sont « minimes ». « La tolérance de la très grande majorité des Indiens est bien plus grande et bien plus forte que l’intolérance manifestée par des éléments somme toute marginaux », affirme le secrétaire général à l’agence Ucanews.
Des visites pontificales exceptionnelles au Bangladesh
Si les visites pontificales sont rares en Inde, elles sont presque exceptionnelles au Bangladesh. La seule et unique visite d’un pape dans ce pays remonte au 19 novembre 1986, lorsque Jean-Paul II s’arrêta 24 heures à Dacca, la capitale. L’annonce de la venue du pape François a donc été particulièrement bien accueillie par l’Eglise locale. « C’est une grande joie et un très grand honneur pour nous que d’accueillir le pape », a déclaré Mgr Sebastian Tudu, évêque de Dinajpur et président de la Commission épiscopale pour l’évangélisation et la promotion des sociétés pontificales missionnaires. « Cette visite va booster notre moral et donner une énergie nouvelle à la petite Eglise qui est au Bangladesh », a-t-il ajouté. Sur une population de 160 millions d’habitants, très largement musulmane, les chrétiens sont moins de 0,5 %, soit 600 000 croyants dont 350 000 catholiques, répartis en huit diocèses.
L’annonce faite par le pape François ce 2 octobre est toutefois venue comme une surprise. Le nonce en poste à Dacca, Mgr George Kocherry, fait savoir qu’il attend une confirmation de la part du Vatican. « Tant les évêques du Bangladesh que le gouvernement du Bangladesh ont invité [le pape] ; une visite est donc dans l’ordre du possible. J’en attends la confirmation officielle de la Secrétairerie d’Etat », écrit le nonce dans un mail à l’agence Ucanews. Quant au programme que pourrait revêtir une telle visite, il est encore inconnu. Le Bangladesh est traversé depuis quelques années par des tensions sociales fortes ; des attaques à répétition menées par des islamistes ont fait de nombreuses victimes, notamment parmi les blogueurs faisant profession d’athéisme, parmi les intellectuels perçus comme libéraux ou bien encore parmi les minorités religieuses, les chiites, les bouddhistes et les chrétiens. Le climat sécuritaire d’une visite du pape François promet d’être particulièrement sévère.
Chine : « Les choses qui vont vite ne sont pas bonnes »
Dans l’avion qui le ramenait vers Rome, le pape a également répondu à un journaliste qui l’interrogeait sur l’éventualité d’un voyage en Chine. Le pape a été clair : s’il souhaite un tel voyage, il ne « pense pas qu’il aura lieu maintenant ». Quant aux relations entre Rome et Pékin, si le pape a confirmé que des « commissions de travail » négociaient, il a aussi précisé que l’issue de ces négociations n’était sans doute pas proche. C’est du moins l’interprétation que l’on peut donner de ses propos, lorsqu’il a dit que les pourparlers allaient « lentement ». « Les choses qui vont lentement sont bonnes. Les choses qui vont vite ne sont pas bonnes », a-t-il développé, mettant peut-être là un terme aux attentes relatives à la conclusion rapide, avant, par exemple, la fin de l’année de la Miséricorde, le 20 novembre prochain, d’un accord entre la Chine et le Saint-Siège.
Source : Eglises d’Asie