Le blogue de L’Homme nouveau publie de larges extraits d’un article du dernier numéro de la revue Sedes Sapientiæ (n° 137), organe des religieux de Saint-Vincent-Ferrier (Chémeré-le-Roi), qui développe une analyse rigoureuse intitulée « L’imputabilité du péché mortel dans l’exhortation apostolique Amoris lætitia », sur le thème : affirmer que l’adultère est permis en certaines circonstances est directement contraire à la doctrine catholique.
« Amoris lætitia affirme l’existence de situations dans lesquelles le sujet peut poser délibérément un acte contraire à la loi divine en matière grave sans pécher mortellement, parce que « les normes générales ne peuvent pas embrasser dans l’absolu toutes les situations particulières » (304). Il y aurait donc des situations où la non-observation volontaire d’une norme proscrivant un acte intrinsèquement mauvais en matière grave ne s’appliquerait pas ou, du moins, n’obligerait pas sous peine de péché mortel (sub gravi). On pourrait donc parfois manquer gravement à la loi de Dieu, en toute conscience, sans pécher mortellement. […]
Rappelons que, dans les cas envisagés, la non-imputabilité du péché objectivement mortel n’est pas consécutive à une diminution du volontaire, puisque c’est de façon délibérée que le fidèle, aidé de son pasteur, décide de persister dans son comportement désordonné, cherchant par ailleurs à répondre à l’appel de Dieu dans la complexité de sa situation concrète. Or une telle assertion peut-elle être considérée comme un développement homogène de la doctrine catholique? […]
Les préceptes négatifs de la loi naturelle sont universellement valables : ils obligent tous et chacun, toujours et en toute circonstance. En effet, ils interdisent une action déterminée semper et pro semper, sans exception, parce que le choix d’un tel comportement n’est en aucun cas compatible avec la bonté de la volonté de la personne qui agit, avec sa vocation à la vie avec Dieu et à la communion avec le prochain. Il est défendu à tous et toujours de transgresser des préceptes qui interdisent, à tous et à tout prix, d’offenser en quiconque et, avant tout, en soi-même la dignité personnelle commune à tous (VS, n° 52). Affirmer le contraire, c’est s’opposer à la doctrine catholique la plus fermement établie. […]
Prenons un exemple qui éclairera ce point. Roberto et Enzo sont deux mafieux liés par une vieille amitié. Un jour, Roberto reçoit de son Parrain l’ordre d’éliminer Enzo. Roberto sait que, s’il n’obtempère pas, sa famille sera mise en danger. Pour protéger les siens, il se rend donc chez son ami et l’abat, la mort dans l’âme. Il y a là un volontaire parfait, c’est-à-dire suffisant pour poser un acte pleinement délibéré, bien qu’il soit évidemment mêlé d’involontaire : Roberto aimerait pouvoir faire autrement mais, tout bien considéré, il se résout à tuer Enzo. En revanche, s’il reçoit l’ordre de tuer Luigi, qu’il hait, il l’abattra sans aucun regret. Ce second péché sera bien sûr plus grave que le premier. Mais qui osera prétendre que le meurtre d’Enzo n’est qu’un péché véniel parce qu’il n’est pas commis de bon cœur ? Mutatis mutandis, les personnes en situation objectivement contraire au précepte négatif de la loi naturelle proscrivant l’adultère, mais qui, le sachant, estiment ne pouvoir agir autrement, sont dans un cas analogue à celui du mafieux qui abat son meilleur ami pour protéger les siens ».