Le décès, le 7 septembre dernier, puis les funérailles, le 13 septembre, de l’évêque « officiel » de Wenzhou avaient mis en lumière la situation complexe de l’Eglise catholique locale et le jeu des autorités chinoises pour tenir à l’écart celui que Rome tient pour être désormais l’évêque en titre de cet important diocèse de la province du Zhejiang. Le décès, ce 25 septembre, de l’évêque « officiel » de Taizhou, diocèse voisin de Wenzhou, replace à nouveau au centre de l’actualité Mgr Shao Zhumin, évêque « clandestin » de Wenzhou que les autorités chinoises ont « envoyé au vert » dans le Qinghai, à 2 500 km de Taizhou.
Cela faisait plusieurs jours que Mgr Anthony Xu Jiwei, 81 ans, l’évêque « officiel » de Taizhou, était hospitalisé. Il était entré à l’hôpital le 7 septembre, jour où expirait Mgr Zhu Weifang, l’évêque « officiel » de Wenzhou. Sa mort n’est donc pas une surprise. Et, selon les informations disponibles, la messe de funérailles devrait avoir lieu dans la soirée du 29 septembre, avant que son urne funéraire soit déposée au cimetière le lendemain matin.
Un évêque retenu à l’écart dans la lointaine province du Qinghai
Comme dans le cas de Mgr Zhu, la question se pose de savoir qui présidera ces cérémonies religieuses. Et comme dans le cas de Mgr Zhu, les autorités chinoises ont pris les devants afin d’empêcher Mgr Shao Zhumin, 53 ans, de les diriger et de se présenter ainsi comme le responsable du diocèse. Après l’avoir un temps ramené du Qinghai, les autorités ont à nouveau renvoyé Mgr Shao dans la lointaine province du Qinghai, où elles ont aussi envoyé le chancelier « clandestin » de Wenzhou, le P. Jiang Sunian.
Evêque « clandestin » de Wenzhou depuis 2007, Mgr Shao Zhumin avait, en 2010, reçu du pape la charge d’administrer le diocèse de Taizhou. Dans un cas comme dans l’autre, pour Wenzhou comme pour Taizhou, Pékin n’a jamais reconnu à Mgr Shao sa qualité d’évêque de l’Eglise catholique. Son « exil » forcé dans le Qinghai témoignerait donc du refus persistant de Pékin de reconnaître Mgr Shao comme évêque, alors même que, le 21 septembre dernier, le Saint-Siège a, par voie de communiqué de presse, souligné publiquement la qualité épiscopale du jeune prélat.
Un diocèse symboliquement important
Si le diocèse de Taizhou est beaucoup plus modeste par le nombre de ses fidèles et de ses prêtres que le diocèse de Wenzhou, il n’en est pas moins un diocèse symboliquement important. Il figure en effet au nombre des six premiers diocèses à avoir été dotés d’un évêque chinois ; c’était en octobre 1926 et le pape Pie XI lançait ainsi le mouvement qui allait conduire l’Eglise de Chine à être entièrement confiée à un clergé autochtone. Avant Mgr Xu Jiwei, Taizhou n’avait connu qu’un seul évêque, Mgr Hou Jo-shan, évêque de 1926 à sa mort en 1962. Ne serait-ce qu’au titre de cet héritage historique, le gouvernement chinois, dont la politique religieuse repose notamment sur le refus de toute « ingérence » venue de l’étranger, s’intéressera donc très certainement à qui prendra la tête du diocèse de Taizhou.
A ce jour, il n’existe pas de candidat connu à la succession de Mgr Xu Jiwei, et cette nouvelle succession épiscopale à régler intervient alors que les contacts entre le Saint-Siège et Pékin ont repris. Depuis 2014, à six reprises, des délégations de l’une et l’autre partie se sont rencontrées afin de discuter, entre autres dossiers, du mode de sélection et de nomination des évêques de l’Eglise en Chine.
Mgr Xu Jiwei appartenait à cette génération de séminaristes et de jeunes prêtres pris dans la tourmente des années de guerre puis de la Chine communiste de Mao Zedong. Né en avril 1935 à Shanghai, il fut envoyé étudier au petit séminaire à Ningbo, ville portuaire située au nord de Taizhou, puis au grand séminaire de Sheshan, dans la banlieue de Shanghai. En 1958, après la mise au pas de l’Eglise catholique et la création de l’Association patriotique des catholiques chinois (1957), il est emprisonné durant cinq années, avant d’être envoyé en camp de « rééducation par le travail ». Vers la fin de sa détention, il est assigné comme enseignant dans un lycée, fonction qu’il occupera durant six ans. Ce n’est qu’en 1985 qu’il recouvre la liberté et il choisit de retourner au grand séminaire de Sheshan pour y suivre un cours de formation accélérée réservé aux anciens séminaristes comme lui. Il est ordonné prêtre la même année, et, en 1987, s’en retourne servir dans le diocèse de Ningbo. Douze ans plus tard, il est envoyé dans le diocèse de Taizhou, un diocèse où tout est à reconstruire. Et c’est donc le 10 juillet 2010 qu’il est ordonné évêque « officiel » de Taizhou, une ordination menée avec un mandat pontifical et avec l’accord des autorités chinoises.
La partie « officielle » du diocèse de Taizhou compte quelque trois mille fidèles et neuf prêtres, tandis que la partie « officielle » ne dispose que de trois prêtres pour quelques milliers de fidèles. Avant même son ordination en 2010, Mgr Xu avait multiplié les voyages dans les diocèses du nord du pays afin de convaincre, avec succès, des évêques d’envoyer des prêtres pour ce diocèse affaibli par les épreuves.
Source : Eglises d’Asie