Un peu plus de quinze jours après la mort de Mgr Zhu Weifang, décédé ce 7 septembre à l’âge de 89 ans, la succession de l’évêque de Wenzhou continue d’être l’objet de toute l’attention des autorités gouvernementales. La police a renvoyé en « voyages d’études » l’évêque que Rome tient pour être l’évêque légitime de cet important diocèse du Zhejiang, tandis que ses agents manœuvrent pour empêcher toute unité entre le clergé des parties « clandestine » et « officielle » du diocèse.
Après l’organisation des funérailles de Mgr Zhu, célébrées le 13 septembre, on pouvait penser que le calme reviendrait à Wenzhou, diocèse de quelque 120 000 fidèles, situé dans la très dynamique province du Zhejiang. Il semble que cela ne soit pas le cas. On se souvient que Mgr Shao Zhumin, 53 ans, avait été emmené par les autorités dès avant la mort de Mgr Zhu dans la lointaine province du Qinghai, l’objet de cet éloignement forcé étant d’empêcher que Mgr Shao, issu de la partie « clandestine » du diocèse, se fasse reconnaître par les fidèles comme l’évêque en titre de Wenzhou. Ces derniers jours, le bruit a couru que Mgr Shao était de retour à Wenzhou, signe possible d’une éventuelle acceptation par les autorités gouvernementales de son épiscopat. Or, les dernières informations disponibles en provenance de Wenzhou indiquent que Mgr Shao a de nouveau été emmené à Xining, au Qinghai, à 2 500 km de Wenzhou, et nul ne sait combien de temps il sera retenu là-bas.
« Selon les normes du droit canonique »
L’« éloignement » de Mgr Shao peut être dû à différents facteurs. Premièrement, hier, 21 septembre, la Salle de presse du Saint-Siège a diffusé un communiqué pour faire part du décès de Mgr Zhu Weifang. Les communiqués du Saint-Siège relatifs à l’Eglise de Chine, à ses évêques en particulier, ne sont pas exceptionnels mais ils restent rares. Intitulé « Deuil dans l’épiscopat », le communiqué ne retient pas tant l’attention pour les informations qu’il donne quant à la vie de cet évêque nommé par le pape en 2007 que par la phrase qui le conclut. « Selon les normes du droit canonique, Mgr Peter Shao Zhumin, évêque coadjuteur du diocèse [de Wenzhou], succède au prélat défunt », peut-on lire à la fin de ce court communiqué. En une phrase, le Saint-Siège rappelle ici qu’à ses yeux, l’évêque légitime de Wenzhou est bien Mgr Shao, là où les autorités chinoises n’ont jamais reconnu à ce dernier sa qualité d’évêque. En « éloignant » Mgr Shao jusqu’au Qinghai, la Chine signifierait à Rome qu’elle persiste à ne pas accepter Mgr Shao comme évêque.
Deuxièmement, ces jours derniers ont vu des gestes inédits de la part du clergé de Wenzhou. Mardi 20 septembre, dans l’après-midi, une délégation de seize prêtres « clandestins » de Wenzhou est allée prier dans le colombarium où repose l’urne funéraire de Mgr Zhu Weifang. Le groupe était emmené par le chancelier « clandestin » de Wenzhou, le P. Paul Jiang Sunian, et a été accueilli au colombarium de Ma Qiao Shan par le P. Zhong Jinxing, prêtre « officiel », qui agissait au nom du P. Ma Xianshi, le prêtre que Mgr Zhu avait désigné en mars dernier pour s’occuper des affaires du diocèse alors que lui-même voyait ses forces décliner. Les prêtres « clandestins » n’ont pas célébré la messe sur le lieu de recueillement mais ils y ont prié de « manière simple et digne », ainsi que le rapporte le compte rendu, accompagné de photos, publié sur le blog de la partie « officielle » du diocèse. Ce geste visible et solennel d’unité entre les deux composantes « officielle » et « clandestine » du diocèse n’a pas dû plaire et le compte rendu a rapidement disparu du blog en question. Là encore, l’« éloignement » de Mgr Shao viserait à empêcher ce dernier de prendre la tête d’initiatives manifestant ouvertement la volonté d’unité des catholiques locaux. Signe de la nervosité des autorités, des sources locales indiquent àEglises d’Asie que le P. Jiang Sunian a « disparu » ce 22 septembre, très certainement placé au secret par la police.
L’objectif fondamental des négociations
Troisièmement, si Mgr Shao est au premier chef concerné par l’actualité du diocèse de Wenzhou, il n’est pas étranger aux diocèses alentours. Or, le diocèse de Taizhou, situé juste au nord de Wenzhou, entre dans une phase délicate. Son évêque « officiel », Mgr Anthony Xu Jiwei, 81 ans, est très malade et, comme à Wenzhou, la question de sa succession se pose. Le diocèse de Taizhou présente la particularité de compter au nombre des six premiers diocèses à avoir été dotés d’un évêque chinois ; c’était en octobre 1926 et le pape Pie XI lançait ainsi le mouvement qui allait conduire l’Eglise de Chine à être entièrement confiée à un clergé autochtone. Même si aujourd’hui Taizhou est un diocèse assez modeste par le nombre de ses fidèles et de son clergé, le gouvernement chinois ne se désintéressera très certainement pas de son avenir, et on peut penser qu’en éloignant Mgr Shao, il cherche à empêcher ce dernier d’en assumer, ne serait-ce qu’à titre provisoire, l’administration apostolique.
Le sort réservé à Mgr Shao, les manœuvres auxquelles les catholiques de Wenzhou assistent actuellement, les questions qui se posent quant à l’avenir du diocèse de Taizhou interviennent alors que les négociations entre Pékin et Rome laissent augurer de la possible conclusion d’un accord entre la Chine et le Saint-Siège. Au fil de ses différentes déclarations, le cardinal Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, a mis en avant le fait que l’objectif fondamental des négociations en cours était la réconciliation et l’unité de l’Eglise qui est en Chine. A en juger par les actes posés ces derniers jours à Wenzhou, il ne semble pas que les autorités chinoises partagent la même conception de l’unité de l’Eglise que celle qui est exprimée à Rome.
Source : Eglises d’Asie