Entretien avec le père Georges est curé de Hosn, le village qui se trouve au pied du Krak des chevaliers, en Syrie.
Vous êtes revenu dans votre village, mais vous semblez être le seul, non?
Des familles musulmanes sont rentrées, mais aucun chrétien n’est pour l’instant revenu, en effet. L’explication est simple : nous n’avons pas l’assurance d’une sécurisation pendant la nuit, et les maisons pourraient être pillées. Il est impossible dès lors de se réinstaller dans ces conditions. Mais il y a également la dimension économique : nous (l’Église) avions installé de nombreux commerces dans le village afin que nos fidèles puissent vivre des articles vendus, notamment aux touristes qui venaient visiter le Krak des chevaliers. Il n’y a plus de touristes, et les magasins ont été pillés et détruits… Certaines familles vivaient également de la culture des fruits. Or, les champs sont aujourd’hui inaccessibles pour des raisons de sécurité. Toutes ces raisons empêchent les familles chrétiennes de revenir dans le village.
Comment s’est passée la prise de Hosn?
Des islamistes, venus notamment du Liban voisin, ont attaqué, avec la complicité active de plusieurs familles musulmanes du village. Ils sont entrés et ont menacé directement les familles chrétiennes. Elles se sont donc toutes rassemblées dans l’église avant de fuir. Depuis, aucune d’entre elles n’est revenue.
Avez-vous fui avec elles?
Je n’ai pas pu. J’ai été séquestré dans l’église pendant plusieurs heures. Les soldats de l’armée syrienne détenaient un prisonnier musulman de l’opposition, et les islamistes m’ont donc utilisé comme monnaie d’échange. Au bout de quelques heures, j’ai quitté le village, comme tous mes fidèles. Depuis, je suis rentré, parce que le retour que j’espère le plus rapide possible doit se préparer. Il n’est pas évident d’imaginer à nouveau la coexistence dans notre village.
Pensez-vous que cela se fera tout de même ?
La question ne se pose pas tellement ainsi, nous n’avons pas le choix. Mais la confiance est brisée avec nombre d’entre ces familles qui nous ont trahis et livrés. Il est difficile de faire confiance à des voisins quand d’autres voisins qui étaient aussi gentils avec nous ont trahis. Nous ne pouvons éviter de nous poser la question de savoir qui sera le prochain. Mais c’est aussi notre vocation de chrétien, de vivre notre mission là où nous sommes, avec le risque de la Croix. Cela ne veut absolument pas dire que nous cherchons le martyre, et c’est la raison pour laquelle il faut être prudent avec d’enclencher le retour.
Qu’espérez-vous?
La paix, comme l’immense majorité des Syriens, et le retour de mes fidèles. Il nous faut être patients, travailler à la reconstruction physique et morale du village et prier le Seigneur pour qu’Il donne la force de surmonter ces épreuves à tous les Syriens de bonne volonté. Je compte sur vous.
Source Christanophobie Hebdo.
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