Au cours du Régina Coeli de ce dimanche, le pape François est revenu avec la fermeté qu’on lui connaît sur la pédophilie.
« C’est une tragédie, s’est-il exclamé, nous ne devons pas tolérer les abus sur des mineurs. Nous devons défendre les mineurs et punir avec sévérité ceux qui abusent d’eux ».
Punir avec sévérité. Ces paroles raisonnent avec une particulière intensité dans la bouche du pape qui ne cesse d’appeler au pardon, à la miséricorde, à la charité.
Il y a là un équilibre difficile à tenir et médiatiquement inaudible entre la dénonciation du péché et la miséricorde due au pécheur. Ce que le pape nomme, à juste titre, une “monstruosité” appelle une punition sévère. Intéressante tension entre la punition des hommes et le pardon de Dieu.
Dieu punit-il ? La Bible semble bien le dire. Néanmoins, cette punition est toujours une correction et une purification. la punition sévère à laquelle le pape invite est-elle de cette nature ? Comment les hommes peuvent-ils corriger et purifier le pécheur ?
Si les actes pédophiles sont assurément des monstruosités, s’ils relèvent de problèmes psychiatriques, comment positionner la punition ? Est-elle une prévention pour protéger la société ? Un avertissement pour dissuader les pédophiles ? Une leçon donnée à ceux qui ont commis de tels actes ? Serait-ce une vengeance des victimes ou de la société ? Ou bien est-ce le passage obligé de la guérison des personnes souillées ?
Peut-être un peu de tout cela et il paraît bien difficile, dans la juste émotion suscitée par cette réelle tragédie, de proposer, au-delà de la punition, la miséricorde.
Pourtant, peut-être mieux que n’importe quel autre péché, cet acte inique nous pose-t-il en face de la réalité de la miséricorde. Dieu nous appelle à être miséricordieux et cette année jubilaire semble déborder de miséricorde, comme si le monde devenait un doux univers, comme si la miséricorde n’était qu’un miel doucereux. La miséricorde appliquée à la pédophilie, si abjecte que cela puisse nous paraître, nous rappelle que la miséricorde, comme l’amour, n’est pas de la sensiblerie. Bien plus, la miséricorde dont nous voudrions tous bénéficier, tant de la part de Dieu que des hommes, est ardue. La miséricorde, absolue de la part de Dieu, même pour le pédophile, le meurtrier, la miséricorde que nous sommes appelés à pratiquer, malgré son beau nom qui nous réjouit, n’est pas “évidente”.
La pédophilie, au delà de son atrocité, nous renvoie à la dimension de notre propre miséricorde. Nous pouvons nous gargariser de miséricorde, nous pouvons appeler à la charité envers les plus démunis, nous pouvons nous battre au nom de la vérité, mais notre cœur restera dimensionné à notre capacité à faire miséricorde. Or des cas comme ceux dénoncés avec force par le Saint-Père nous invitent à passer outre nos propres normes et capacités de miséricorde.
Plus facile à dire qu’à faire, surtout pour les victimes et pour les proches, assurément. Mais réel témoin qui sonde dans le secret de notre conscience l’état de notre cœur. A vue humaine, la punition peut être sévère, encore faut-il savoir ce que l’on met sous ces termes. Mais, à vue divine la punition vise, certes à garantir l’équilibre de la vie de la société et la justice, mais aussi la conversion du pécheur. Or en ces matières, la liberté est bien souvent enchaînée par les pulsions. Aussi, du point de vue divin, la punition est-elle inséparable de la miséricorde.
L’occasion de rappeler aussi, par le truchement de ces douloureuses affaires, le lien entre punition et réparation. Si on estime juste que le pédophile soit puni et “répare”, il n’est pas moins juste qu’en toute faute, en tout péché, le pécheur soit puni (c’est à dire corrigé et purifié) et répare, c’est à dire satisfasse à la justice. Cela pourrait nous conduire à reconsidérer les pater un peu rapides qui suivent nombres de nos confessions.