Dans son homélie du 11 avril , le pape François s’émeut devant le rejet par les prêtres de Judas pénitent.
« Cela me fait mal, a continué le pape, quand je lis ce petit passage de l’Évangile de Matthieu, quand Judas pénitent va chez les prêtres et dit : ‘J’ai péché’ et il veut donner (…) et il donne de la monnaie. « Que nous importe ! disent-ils. Cela te regarde ! » « Un cœur fermé devant ce pauvre homme pénitent, a poursuivi le pape, qui ne savait pas quoi faire. ‘Cela te regarde !’ Et il est allé se pendre. Et qu’est-ce qu’ils font, quand Judas va se pendre ? Ils parlent et disent : ‘mais, quel pauvre homme’ ? Non ! Immédiatement les monnaies : ‘Ces monnaies ont le prix du sang, elles ne peuvent pas entrer dans le Temple.’ La règle avant tout. Ils sont ‘les docteurs de la lettre’ », a dit le pape
Cette petite phrase a fait couler un peu d’encre. Judas serait donc pénitent ? C’est en tout cas la première fois que l’Eglise affirme une telle chose. Faut-il y voir là une nouveauté de l’Esprit Saint ? Ou un raccourci un peu rapide, par lequel le Saint Père a voulu appuyer un autre point de son discours, la fermeture pharisienne des prêtres ?
Toujours est-il que l’on peut trouver maintes circonstances atténuantes à l’acte de Judas, à commencer par l’aveuglement de son cœur par la cupidité et la déception peut-être. Mais rien ne laisse poindre chez le traître, un sentiment de pénitence. La pénitence suppose une démarche de repentir et de satisfaction. C’est-à-dire que c’est face à Dieu que l’on reconnait avoir péché et qu’en retour du pardon demandé (ce que Judas n’exprime à aucun moment), on entame une démarche de réparation du péché qui demande satisfaction.
Le problème est qu’aujourd’hui la réparation, comme la satisfaction sont réduites à la portion congrue. Un vague pater suffit pour n’importe qu’elle faute. Nous oublions que le péché comporte une destruction de bien, quelque soit la forme et la nature du bien. Demander pardon signifie d’une part la reconnaissance de cette destruction et d’autre part la prise de conscience de la nécessité de la réparation. Une fois cette réparation satisfaite, le pécheur est “quitte”. Il n’est pas quitte de façon comptable, mais dans sa relation amoureuse blessée qui se trouve restaurée, dans et par la grâce. La satisfaction n’est pas seulement l’accomplissement d’une justice restaurée (j’ai volé, je rends) elle est aussi la joie de la relation restaurée. Rien de tout cela dans l’attitude de Judas qui au contraire part se suicider.
Judas ne cherchait pas à restaurer sa relation avec Dieu, mais à revenir sur ce qu’il avait fait, autant dire que la démarche de l’Iscariote est tournée vers lui et non vers le Père. Depuis St Jean Chrysostome, les Pères, puis les Docteurs de l’Eglise ont considéré que Judas était damné pour avoir douté de la Miséricorde de Jésus.
En fait, l’idée de rendre l’argent pourrait lui avoir été inspirée par Satan réalisant à la vue du comportement de Jésus qu’Il était bien le Fils de Dieu, Dieu même, et qu’était donc en marche l’oeuvre de la Rédemption annoncée par les Prophètes, en sorte que le remords de Judas apparaît surtout comme la tentative désespérée d’arrêter la machinerie judiciaire qui allait produire la défaite de Satan.