Alors que les chantres d’un homme nouveau, pensaient enfin pouvoir sonner le glas de ce vieux monde faits de croyances d’un autre âge ; alors que déjà les fossoyeurs de Dieu dansaient autour du cercueil des religions ; alors que les confréries, pointées ou non, les triangles, sataniques ou pas, dressaient toujours plus haut leur tour de Babel, voici que du plus profond de l’Homme s’ébroue le sentiment le plus humain qui soit, l’indicible désir de Dieu.
Refoulé toujours plus dans une sphère privée de plus en plus étroite, ce qui a trait au religieux tousse çà et là et secoue de spasmes incontrôlés la vieille carcasse humaine que la camisole idéologique et doctrinale ne sait plus comment contenir ni maîtriser. Le sentiment religieux est une donnée naturelle de l’homme que l’athéisme, pas plus que la laïcité ne peuvent comprendre et moins encore admettre. Ce sentiment, cette religiosité n’est pas une donnée facultative de l’équation humaine, ni une variable d’ajustement d’un vivre ensemble rendu impossible par le relativisme même qu’impose la camisole athée. La rhétorique laïciste atteint ses limites dans le drame et le chaos. Le drame, car c’est la survie et le bonheur mêmes de l’homme qui sont en jeu. Le chaos, car proscrite, l’intimité religieuse qui sommeille en chaque être humain s’est faite revendication violente, identitaire parfois, incontrôlée souvent.
Voilà bien une chose que ne peuvent admettre les tenants de l’humanisme athée et leurs corolaires, moins humanistes et plus athées, l’homme ne peut être heureux sans Dieu. Et c’est de cette privation dont le monde étouffe, se noie et se suicide collectivement. Partout pourtant, c’est pour les hérauts de la laïcité que le glas s’est mis à sonner. Marquant le pas lent et serein de la marche inexorable vers la fosse, la cloche funeste vibre de tous côtés, car de leurs tombeaux sortent les moribonds affamés de Dieu, privés de leur quête la plus précieuse. Les hommes, de plus en plus, hurlent leur besoin de Dieu. Distinctement ou non, directement ou non, consciemment ou pas, volontairement ou malgré eux, les créatures déshumanisées par des décennies, voire des siècles de privation de la présence divine, s’arrachent aux perfusions anesthésiantes des apprentis sorciers de tous crins.
Oui, bon gré mal gré, l’humanité secoue cette chape idéologique qui l’a dressée des années durant contre Dieu. Partout nous voyons se multiplier les revendications religieuses qu’elles soient catholiques, bouddhistes, musulmanes, protestantes ou encore shintoïstes. Le désir de Dieu refait surface et jusque dans la violence intégriste ou la simple quête intérieure. La laïcité n’a plus pour se défendre que des lois rigides, des gardes-chiourmes idéologiques du système carcéral post moderniste. C’est un fait, la laïcité a perdu. L’homme religieux s’en émancipe chaque jour davantage.
Les attentats du 13 novembre ne sont qu’une des éructations de ce soubresaut religieux. Les Manifs pour tous sont une douce démonstration de cette émancipation. La préoccupation des DRH quant au « fait religieux en entreprise » est un signe fort en miroir des couperets maçonniques anti-crèches. Oui le monde, jusque-là anesthésié, se réveille petit à petit et cherche de plus en plus à respirer l’air divin.
Nous sommes comme dans le temps de l’avent par cette tension native vers le ciel. Ces jours qui précèdent la venue du Christ sont une lente montée vers la lumière. Un chemin pour l’Homme qui, dans la nuit, aspire à la clarté du jour. Mais quelle est cette lumière ? Le Christ, diront les mages venus de l’Orient. Oui mais pas seulement, ou plutôt, oui mais totalement. Tous les jours qui balisent cette ascension vers la lumière sont l’occasion pour le peuple en marche de contempler, non pas le Christ enfant dans la crèche, mais la gloire même de Dieu, dont ce Fils de l’Homme sera la percée sur la terre. Quotidiennement, la liturgie nous donne à contempler quelque chose de cette gloire, car c’est cela la fameuse lumière dans les ténèbres. Le chemin, à travers la nuit, conduit à la gloire de Dieu. C’est cet appel qui sort l’homme de lui-même, le redresse et l’aspire vers les hauteurs des cieux. C’est la contemplation de cette gloire divine qui seule comble l’homme dans sa totalité. C’est cette gloire que la naissance du Christ est venue manifester, que les anges chantent dans la nuit de Noël et que les mages espèrent révérer.
Mais entre l’aspiration native de l’homme à la contemplation béatifique de cette gloire et le repos de son âme dans cette vision bienheureuse, s’étend une longue route qui s’assombrit à mesure qu’on s’éloigne de la source même de la lumière. Or l’idéologie laïque et athée, le combat démoniaque ont obscurci le ciel, voilé la gloire de mensonge et de péché, pour enfin épaissir les ténèbres au point que le désir religieux qui explose de toute part ne sait plus où trouver le repos de sa quête. Et c’est ici que saint Jean-Baptiste nous est donné comme modèle, lui qui, prêchant dans le désert, révèle où se trouve la lumière, l’agneau.
Dans ce monde en déshérence, où les hommes avancent à tâtons sans connaître ni le chemin, ni la destination, sans même voir l’un ou l’autre, il est urgent de multiplier les voix qui crient dans le désert. A l’heure où le désir de Dieu revient à fleur de peau, il est indispensable de montrer l’agneau dans sa gloire. Mettre la lampe sous le boisseau n’est rien moins que non-assistance à personne en danger. Il n’est pas de plus pressante urgence que de redonner Dieu au monde. La vocation du laïc, plus encore, de nos jours, que celle du prêtre, est d’éclairer le monde qui l’entoure, au travail, dans la société, en famille. Le pape François invite à aller aux périphéries. Mais soyons sérieux, ce n’est pas le monde qui se trouve à la périphérie, c’est nous qui sommes satellisés autour d’un monde que nous avons déserté, fui parfois, dont nous avons été peu à peu chassés. Pourtant ce monde nous y travaillons, nous côtoyons des centaines de personnes qui n’iraient jamais voir un prêtre. Bien souvent, nous sommes pour eux l’unique possibilité d’entrevoir cette lumière que leur cœur désir, à laquelle leur âme aspire.
« Vous êtes la lumière du monde » ! Ne soyons pas orgueilleux ou à l’inverse misérabilistes. Nous sommes la lumière du monde si nous reflétons, transmettons la gloire de Dieu, entendons, si nous la révélons aux hommes qui la cherchent dans la nuit. Ne nous y trompons pas, la doctrine sociale de l’Eglise c’est d’abord cette lumière qui brille dans la nuit. Du reste, son but n’est autre que de conduire l’homme à Dieu, parce que cette doctrine n’est pas un ensemble de recettes magiques ou miracles, c’est un éclat de cette lumière qui balise le chemin du Ciel.
Alors plus que jamais, au moment où nos contemporains laissent remonter du plus profond d’eux-mêmes, parfois avec violence, leur désir de Dieu, nous devons en finir avec cet enfouissement qui n’est autre qu’un crime contre l’humanité. Au contraire, vivons entre ciel et terre, toujours dans l’esprit de l’avent, contemplant sans cesse cette gloire pour y puiser la lumière que nous devons rayonner. Alors nous-mêmes deviendrons lumière, irradiée par la lumière. Alors nous aurons le pouvoir de changer le monde bien plus que par n’importe quel programme social ou politique. C’est même puisant à cette source divine que nous pourrons inspirer une politique nouvelle, elle-même entre ciel et terre, c’est-à-dire les pieds dans la glaise, l’âme tendue vers le ciel.