Dans un entretien au Monde du 25 janvier 2016, le directeur de la revue Médium et président d’honneur de l’Institut européen en sciences des religions, Régis Debray revient sur la laïcité à la Française, sans pour autant employer cette expression.
Il a récemment publié, avec le préfet Didier Leschi, ancien chef du bureau central des cultes au ministère de l’intérieur, un “guide pratique ” de la laïcité, dans lequel il évoque aussi bien ” le geste discutable ” qui consiste à introduire les crèches de Noël dans les mairies que le manque d’imams dans les aumôneries (La Laïcité au quotidien, Folio, 160 p., 7,10 euros).
Dans cet entretien, Régis Debray revient à la foi sur ce qu’il estime être l’historique de la laïcité, une “conquête”, un acquis du peuple français ainsi que sur certains points litigieux, sans pour autant vraiment les éclairer.
La lecture de cet entretien révèle surtout un certain embarras. L’argumentaire de celui qui est présenté et considéré en France comme LE spécialiste de la laïcité, ne repose que sur un seul fondement : il faut vivre avec son temps. De là il tire que la laïcité est une pratique conquise de haute lutte sur l’Eglise catholique et donc un acquis, au même titre que le dimanche est un devenu un acquis social. Il met du reste les deux en parallèle pour défendre le repos dominical.
Il ressort de cet entretien de nombreuses contradictions et un arbitraire que la loi doit garantir. Il n’est pas question d’ajouter des jours fériés musulmans, non en vertu d’un principe de laïcité qui fonderait la décision, mais tout simplement parce que l’histoire a donné le primat aux fêtes chrétiennes. Point. En d’autres termes, les musulmans sont arrivés après la distribution des prix, tant pis pour eux.
De ces lignes, il apparaît clairement que la laïcité à la française est un arbitraire sans fondement, pas même idéologique. Il est une construction de l’histoire à garantir par la loi, seul principe unificateur de la nation.
Bref, la France qui se veut l’archétype de la république laïque ne repose que sur du vent. Un vent qu’il faut protéger par une loi renforcée et qui s’impose à tous, comme arbitraire.
En d’autres termes, la République laïque est le fait du prince. Ce fait est d’autant plus sensible que personne, pas même Monsieur Debray, ne peut donner une définition claire de la laïcité. Tout ce que nous en apprend l’auteur tient en ces lignes : “La laïcité relève d’abord du droit. C’est une exigence de la raison inscrite dans la loi.”
Néanmoins l’enjeu est de taille : “L’ex-fille aînée de l’Eglise n’a pas fait la Révolution pour se retrouver la fille cadette de l’Islam, dont une fraction intégriste témoigne aujourd’hui des mêmes ambitions d’emprise que le catholicisme en 1900.”
On notera les limites de l’interprétation historique du spécialiste.
Pierre Selas