Alexandre est chef de mission en Syrie de l’association française SOS Chrétiens d’Orient. Il revient de plusieurs jours passés dans la région kurde du nord de la Syrie.
Vous venez de passer quelques jours dans une des régions kurdes de la Syrie. Quelle est la situation pour les chrétiens là-bas?
Cette région est libérée de la présence de l’État islamique depuis l’été dernier pour une grande part et, depuis la semaine dernière, pour le dernier bastion que tenait l’organisation, la ville de Chadadi. La menace est toujours réelle dans certaines zones, mais la question qui se pose aujourd’hui est surtout la question kurde. Certains rapportent que les Kurdes cherchent tout simplement à faire fuir les minorités, et notamment les chrétiens, par tous les moyens.
On entend parler, dans cette région, de milices chrétiennes… Y en a-t-il et avec qui travaillent-elles?
Il existe en effet la milice chrétienne Sotoro, qui travaille avec le gouvernement syrien ou avec les forces kurdes, selon les intérêts locaux et la localisation de l’État islamique.
Comment les chrétiens jugent-ils la situation?
Ils se posent énormément de questions sur les combats en cours, les comportements parfois étranges de l’État islamique, ainsi que sur l’avenir de leur région. Pour donner un exemple, lorsque Hassaké a été reprise à l’État islamique en août dernier, il n’y a pas eu de combat, et l’organisation terroriste s’est retirée subitement. Ailleurs, l’État islamique commerce avec des villages chrétiens sans problème majeur, en précisant toutefois que le village sera rasé si un seul drapeau kurde apparaît… Difficile pour ces chrétiens de comprendre la stratégie des uns et des autres. Les Kurdes peuvent être des alliés de circonstance face à l’État islamique, mais beaucoup ont en mémoire le génocide de 1915 perpétré par les Kurdes contre les Assyriens, en Syrie.
Vous disiez que les Kurdes n’acceptaient pas la présence des non-Kurdes… Mais concrètement?
La question est surtout politique. Les milices soutiennent majoritairement le parti turc du PKK; les Kurdes de la population qui soutiennent le PDK irakien sont également chassés de leurs terres. Les chrétiens ne sont pas visés en tant que chrétiens, mais parce qu’ils ne sont pas Kurdes et pas alignés politiquement. À Qamishli, les Kurdes ont rendu obligatoires les cours en langue kurde. À l’inverse, le gouvernement a interdit de céder à ces pressions, sous peine de couper les salaires. La présence kurde prend toute la place disponible. Pour l’instant, les Arabes résistent, mais ils se demandent jusqu’où iront ces revendications.
Quelle attitude adoptent donc les minorités?
Elles sont lasses de ce comportement écrasant pour leurs communautés, inquiètes de voir disparaître la Syrie de leur région, au profit de revendications kurdes. Les chrétiens, comme les autres minorités, sont Syriens, et veulent absolument le rester. Pour beaucoup d’entre eux, les récentes explosions qui ont eu lieu à Hassaké étaient le fait de Kurdes et non de l’État islamique. Mais, aujourd’hui, ils affirment préférer mourir que quitter la région.
Lu sur Christianophobie Hebdo
Abonnez-vous et recevez gratuitement 4 n°
Pour aller plus loin, la réponse de Grégorios III