Nous ne conservons aujourd’hui sous le terme « solidarité » qu’un très petit aspect de ce qu’est en réalité la solidarité. Le langage commun n’en a retenu que l’un des effets positifs à travers cet élan de générosité et de mobilisation par l’entraide. Car, à y regarder de plus près, qu’est-ce que cette mobilisation sinon une forme de redistribution des cartes dans laquelle ceux qui ont se dépossèdent au profit de ceux qui n’ont pas ou qui ont perdu. L’aspect formel, c’est-à-dire visible, de la solidarité est avant tout un transfert, un mouvement d’une chose (don, soutien, etc) entre personnes ou groupes de personnes. Et c’est là ce qu’est la solidarité, dépouillée de tous ses aspects particuliers, un mouvement qui unit. Au fond nous pourrions dire que la solidarité est un flux. Qu’il soit positif ou négatif, ce flux relie deux personnes ou groupes de personnes entre elles. En les reliant, il les rend « solidaires », comme comme les pierres d’une même maison.
En fait les Hommes sont solidaires entre eux par nature. C’est-à-dire que les actes posés par une personne ont des répercussions pour d’autres personnes. Ce flux d’actes et leurs faisceaux de conséquences relient de façon insécable les Hommes entre eux. Ils sont solidaires parce que leur vie dépend d’actes posés par des tiers et, réciproquement, leurs actes ont un impact positif ou négatif sur la vie des autres. Cette synergie du genre humain peut être vertueuse ou vicieuse. Ce que nous faisons de bon contribue au bien des autres, autant que le mal que nous faisons nourrit la spirale vicieuse qui entraîne le monde vers le bas.
Nous sommes tous à la croisée d’un vaste faisceau de relations causales. Nos actes sont le résultat de ces causes diverses combinées et sur lesquelles nous sommes appelés à poser un discernement avant d’agir. Notre choix agit comme un centre d’aiguillage de ce flux permanent d’actes. Il peut les envoyer sur n’importe quels rails de l’immense réseau ferroviaire des liens de causalité et, par ce choix, changer du tout au tout la vie de nos prochains.
Il n’existe pas d’acte isolé, comme il n’existe pas d’individu isolé, mais précisément des personnes, c’est-à-dire des êtres de relation.