Comme Riposte-Catholique l’a annoncé, c’est bien le Français Jean-Baptiste de Franssu qui a été nommé directeur de l’Institut pour les Œuvres de Religion, la « Banque du Vatican ». Il remplace à cette fonction le directeur démissionnaire Ernst von Freyberg. Jean-Baptiste de Franssu a accordé un entretien à Radio-Vatican.
Radio Vatican – C’est désormais officiel, vous êtes à la tête de l’IOR. Comment avez-vous reçu cette nomination ? Quel est votre état d’esprit ?
C’est une grande tâche qui m’est confiée, surtout car je suis dans la continuité du travail qui a été fait par Ernst Von Freyberg, le président partant. C’est une tâche qui appelle beaucoup d’humilité parce que l’IOR joue un rôle important pour beaucoup de congrégations et beaucoup de diocèses dans le monde. Il joue également un rôle important dans la perspective de toute l’organisation administrative et financière du Saint-Siège. C’est donc une tâche importante, que je suis heureux d’avoir acceptée. Je le vois plus comme une mission qu’autre chose et j’espère que je serais en mesure de répondre aux attentes qui m’ont été mises sur les épaules, lorsqu’on m’a confié cette responsabilité.
RV – Votre prédécesseur avait été nommé dans un contexte difficile. Il avait évoqué une mission douloureuse. Maintenant, nous passons à la phase II, en quoi va-t-elle consister ?
J’ai un gros avantage sur mon prédécesseur car j’arrive après le travail qu’il a fait. C’est un avantage important et je lui rends hommage pour ce travail. Autre avantage : j’ai été associé aux travaux de la Commission COSEA depuis le mois d’août 2013 et, depuis le 2 mai 2014, au Conseil pour l’Économie. Donc j’ai relativement une meilleure connaissance des rouages de l’organisation administrative et financière du Saint-Siège mais également – et c’est important –, de la direction que le Saint-Père souhaite donner à l’ensemble de cette organisation. Donc j’arrive à l’IOR avec peut-être une compréhension un peu plus complète de celle de mon prédécesseur quand il est arrivé, de là où nous en sommes et surtout ce qui est très important, de là où le Saint-Père veut que nous allions.
RV – Vous avez rencontré le Pape François à plusieurs reprises, étant membre du Conseil de l’Économie. À terme, quel est son objectif pour l’IOR ?
D’abord, je ne peux pas parler au nom du Pape. Je ne peux que vous donner mon interprétation de ce que j’ai compris, des messages que le Pape nous a fait passer. D’abord et avant tout, la mission principale que le Pape a en tête lorsqu’il parle de l’institut de l’IOR, c’est comment l’Église, le Saint-Siège, peut continuer à aider les pauvres et faire plus pour la propagation de la foi. D’où la question : quels moyens pouvons-nous lui donner dans la gestion quotidienne de l’IOR qui permettrait d’accélérer ou d’augmenter l’aide à destination des pauvres et la propagation de la foi à travers le monde ? Ça, c’est le premier élément. Le deuxième élément, et c’est une caractéristique du Saint-Père, c’est plus de transparence. L’exercice avait déjà bien sûr été engagé par le Pape Benoît XVI, c’est lui qui avait nommé Ernst Von Freyberg. Plus de transparence et surtout, être tout à fait dans les normes de ce qui se pratique internationalement. L’IOR ne doit en aucun cas être différent de toutes les grandes institutions bancaires. Avec un focus très important sur les clients : nous devons nous assurer que nous répondons aux attentes des clients, que nous répondons aux attentes des congrégations et des diocèses, que ce soit au niveau de la qualité des services et de la qualité des produits. C’est un élément qui caractérisera probablement, encore plus que par le passé, la phase II de la réorganisation de l’IOR par rapport à la phase I.
RV – Vous dites que l’IOR doit s’aligner sur le système économique et financier mondial. En même temps, l’IOR doit-elle être une banque comme les autres ?
Nous ne devons pas nous aligner sur le système économique et financier mondial. Nous devons respecter l’ensemble des règles internationales, à juste titre, tel que n’importe quel autre établissement financier ou banque. Je rappelle que nous ne sommes pas une banque à l’IOR. On dit souvent « la banque » mais statutairement, nous ne sommes pas une banque. Que l’ensemble des autres établissements financiers à travers le monde doivent respecter ces normes est normal. Ça fait partie de la globalisation de l’économie et si le Saint-Siège veut pouvoir avoir des relations avec d’autres États, nous devons impérativement respecter ces codes et ces nouvelles règles. Le Saint-Siège s’y est donc employé depuis un certain temps et le travail d’Ernst Von Freyberg, en ce qui concerne l’IOR, a été surtout d’aller dans cette direction. Nous continuerons bien évidemment cet aspect dans les mois, dans les années qui viennent.
RV – L’IOR doit dégager des profits. Comment faire de l’argent tout en étant exemplaire, en termes d’éthique, de transparence, de moralité ?
L’IOR doit dégager des profits mais d’abord et avant tout, l’IOR doit rendre service. Rendre service aux institutions du Saint-Siège qui ont besoin de communiquer, de faire des transactions avec le monde extérieur. Il nous faut un établissement équivalent à une banque qui nous permette de faire ces transactions. On pense par exemple déjà aux Musées du Vatican. Les Musées du Vatican attirent des millions de gens tous les ans. Ils ont des frais, ils communiquent avec le monde extérieur. Il y a une librairie, il y a des tas de choses. Il faut que l’argent circule. On a donc besoin d’une banque. Et pour le Saint-Siège, il est important que cet établissement – encore une fois qui n’est pas une banque mais un établissement financier qui joue ce rôle –, soit un établissement sous contrôle du Saint-Siège pour que le Saint-Siège sache exactement ce qui s’y passe. Donc cette première chose est de rendre service au Saint-Siège, à l’ensemble de ses institutions. Deuxièmement, il est normal aussi que l’ensemble des dicastères, des congrégations et des diocèses avec qui nous partageons notre foi catholique, puissent se rapprocher d’un établissement dans le cadre du Saint-Siège, plutôt que d’autres banques commerciales quelconques qui ne partageront peut-être pas certaines valeurs qui sont les nôtres. On parle toujours des choses qui n’ont pas été mais on ne parle jamais des choses qui ont bien été. Il y en a des tas à l’IOR, depuis très longtemps. Mais malheureusement, à cause de certaines choses qui ne se sont pas passées comme elles auraient dû dans le passé, on a le sentiment, quelquefois, que cet établissement n’est peut-être pas en mesure de rendre l’ensemble des services. Ce n’est pas vrai. Encore une fois, tout sera fait dans les mois et les années à venir pour renforcer ce message, servir les clients, rendre service aux clients avec cette éthique catholique. Tous les produits que nous allons développer pour rendre service, pour répondre aux attentes des clients, seront centrés autour de notre foi, autour de valeurs très fortes qui font que les diocèses et les congrégations qui viendront vers nous et nous confierons leur argent sauront que tout ce qui a été fait, l’a été « dans une étroite communion », si je puis dire.
RV – Quelle sera votre marge de manœuvre ?
La même marge de manœuvre que tout autre dirigeant d’un établissement financier qui s’emploie à répondre aux impératifs des clients, qui cherche tous les jours à faire de son mieux dans un univers financier et économique qui n’est pas facile. On va faire de notre mieux. On va essayer de répondre à toutes les exigences. On se fixe des objectifs très précis. Maintenant, on ne sera peut-être pas toujours parfait mais on demandera un peu de compréhension de la part de nos clients. Mais en tous cas, la volonté et le travail seront là pour nous emmener dans cette direction.
RV – En plein scandale, certaines voix avaient évoqué une fermeture pure et simple de l’IOR. C’est une option totalement inenvisageable ?
Je crois que le Saint-Père a été très précis sur ce point dans son communiqué du 7 avril 2014. Il était important d’étudier la possibilité de fermer l’IOR parce qu’en étudiant la possibilité qu’on avait de le faire, on s’est rendu compte qu’on avait besoin de l’IOR.
RV – Vous connaissez déjà les structures économiques et financières du Vatican. Qu’avez-vous découvert ? Quelle est la réalité que vous avez découverte en arrivant au Vatican ?
Une réalité très simple, une réalité qui n’a peut-être pas toujours évolué au cours des quinze ou vingt dernières années aussi vite que le monde financier dans lequel nous évoluons. Une réalité où peut-être quelque fois, l’absence d’un nombre suffisant de professionnels de ces métiers devenus de plus en plus complexes, aussi bien au niveau de la construction des produits que de la complexité des marchés, que de l’environnement juridique, a peut-être nui un peu au Saint-Siège. Il est évident que lorsque des hommes d’Eglise, des prêtres, des évêques et des cardinaux sont en charge d’une institution financière, ce n’est pas leur centre premier d’activités, ce n’est pas là où ils ont reçu la plus grande formation. Il est donc important, et c’est vraiment ce que le Saint-Père souhaite faire, d’associer de plus en plus des professionnels dans tous les aspects de la vie administrative et financière. Aujourd’hui nous parlons de l’IOR mais regardez tout ce qui est en train de se passer dans plein d’autres domaines, cette association d’efforts entre les membres du clergé et des professionnels catholiques engagés. Tout ça pour aider l’Église, pour renforcer son action et celle du Saint-Père.
Source : News.va
l’on espère plus de justice