Depuis l’arrivée au pouvoir en 2002 du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) de l’actuel président Recep Tayyip Erdogan, les défenseurs de la laïcité s’inquiètent d’une éventuelle reconversion de Sainte-Sophie en mosquée.
Beaucoup redoutent de voir l’AKP tenter de transformer Sainte-Sophie en mosquée pour en faire le symbole d’une Turquie qui s’affirme en tant que nation musulmane. (Voir notre article sur le sultan Erdogan)
Pour le Ramadan cette année, les autorités sont allées plus loin : la télévision publique Diyanet TV diffuse chaque jour en direct des récitations du Coran par un imam turc différent. Jamais Sainte-Sophie n’avait été utilisée de manière aussi intensive pour des activités religieuses depuis qu’elle est devenue musée.
Réaction furieuse en Grèce
Les prières ont lieu pour le suhûr, le repas de l’aube avant le jeûne de la journée, soit des heures avant que les touristes ne forment des files d’attente pour visiter Sainte-Sophie.
Cette initiative a déclenché une réaction furieuse en Grèce, qui s’inquiète depuis des années de voir une islamisation rampante de Sainte-Sophie.
« Cette espèce d’obsession – qui confine à la bigoterie – pour la tenue de cérémonies musulmanes dans un monument appartenant au patrimoine de l’humanité est incompréhensible et montre un manque de respect et de contact avec la réalité », a déclaré le ministère grec des affaires étrangères dans un communiqué. « Des initiatives de ce genre ne sont pas compatibles avec les démocraties modernes et les sociétés laïques », a-t-il ajouté.
Brouille diplomatique
Le ministre grec des affaires étrangères Nikos Kotzias a indiqué avoir saisi l’Unesco, pour se plaindre de l’usage qui est fait de Sainte-Sophie.
Washington est aussi intervenu. Le porte-parole du Département d’État Mark Toner a déclaré que les États-Unis « encouragent le gouvernement turc à préserver Sainte-Sophie d’une manière qui respecte ses traditions et la complexité de son histoire ».
Mais l’affaire a pris une tournure de brouille diplomatique quand le porte-parole de la diplomatie turque, Tanju Bilgic, a qualifié les déclarations grecques d’« inacceptables ». Il a « conseillé » à Athènes de balayer devant sa porte en matière de libertés religieuses, accusant la Grèce de reporter, depuis des années, l’autorisation de la construction de mosquée d’Athènes et de violer les libertés religieuses de ses 100 000 citoyens musulmans.
Turquie et Grèce doivent coopérer
Plusieurs responsables turcs, tel un récent ministre de la culture, ont exprimé le souhait de voir Sainte-Sophie redevenir une mosquée.
Mais la Turquie et la Grèce semblent soucieuses de ne pas laisser la polémique sur Sainte-Sophie faire dérailler des relations globalement satisfaisantes, surtout à l’heure où le gouvernement AKP et celui d’Alexis Tsipras doivent pleinement coopérer sur la crise des migrants, pour laquelle les deux pays sont en première ligne.
Ankara a même fait un geste de bonne volonté à l’égard d’Athènes en autorisant la célébration de l’Épiphanie orthodoxe en janvier 2016 dans la ville égéenne d’Izmir, pour la première fois depuis 1922.
Source AFP