Instituée par Jean-Paul II pour le 11 février, en la fête de Notre Dame de Lourdes, la journée mondiale des malades sera particulièrement fêtée, dans nos diocèses le dimanche 14 février. Rude concurrence pour la saint Valentin.
Le Saint Père, dans son message dédié, inscrit cette journée dans la grâce même de l’année de la miséricorde.
“Cette année, puisque la Journée sera célébrée de manière solennelle en Terre Sainte, je propose de méditer sur le récit évangélique des noces de Cana (Jn 2, 1-11), où Jésus accomplit son premier miracle grâce à l’intervention de sa Mère. Le thème de cette année : Se confier à Jésus miséricordieux comme Marie : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le (Jn 2,5) », s’inscrit très bien dans le contexte du Jubilé extraordinaire de la miséricorde. Précisément, la célébration eucharistique solennelle, point central de la Journée, aura lieu le 11 février 2016 à Nazareth, lieu où le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous (Jn 1,14). À Nazareth aussi, Jésus a commencé sa mission salvifique, s’attribuant les paroles du prophète Isaïe, comme nous le rappelle l’Évangéliste Luc : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur » (4, 18-19).”
Surprenant lien entre les noces de Cana et la journée des malades. Je vous laisse découvrir la spiritualité du lien que nourrit le pontife entre cet épisode bien connu de l’Évangile, les malades et la miséricorde. Une véritable catéchèse du service et de la grâce. A cette occasion, ce pape qui fait de l’attention aux pauvres un let-motive qui parfois désarçonne, nous invite d’abord à nous jeter dans les bras du Christ. Non pas que l’exhortation au service soit absente, mais c’est vers le cœur miséricordieux qu’il souhaite tourner nos regards et nos appels. Alors que nombre des appels pontificaux sont des exhortations à l’action qui nous décentre pour le secours d’autrui, ce message aux malades et à leur soutien est intensément transcendant. Celui qui peut tout, au-delà de nos forces humaines, c’est le Christ. Celui qui procure le véritable réconfort, celui de la paix de l’âme en donnant sens à la souffrance c’est précisément ce Cœur qui a tant aimé les hommes et qui ne demande qu’une chose, que nous le laissions nous aider.
“À Cana se profilent les traits distinctifs de Jésus et de sa mission : il est Celui qui vient en aide à quiconque se trouve en difficulté et dans le besoin. Dans son ministère messianique, en effet, il guérira toutes sortes de maladies, d’infirmités et d’esprits mauvais, il rendra la vue aux aveugles, fera marcher les boiteux, rendra la santé et la dignité aux lépreux, ressuscitera les morts et annoncera la Bonne Nouvelle aux pauvres (cf. Lc 7, 21-22). Ainsi, la requête de Marie pendant le banquet de noces, suggérée par l’Esprit Saint à son cœur maternel, a fait apparaître non seulement le pouvoir messianique de Jésus mais aussi sa miséricorde.”
Tout à l’opposé, la pastorale de la santé de la conférence des évêques de France insiste sur “l’humain” (sic). Fort différent du thème pontifical, celui retenu pour nos diocèses est “Qui entendra nos cris?” La réponse est certes Dieu, Exode 3, 7 à l’appui. Mais il ne s’agit nullement du Dieu de miséricorde de qui vient tout réconfort et dans les bras duquel se trouve la paix.
Ici Dieu est vu comme celui qui peut soulager les maux bien terrestres. Certes nous avons besoin de cette aide très matérielle pour vivre et vivre mieux, pour affronter la douleur, mais le sens de cette douleur, comme de l’aide divine se trouve à un tout autre niveau. L’oublier c’est donner prise à ce que Benoît XVI dénonçait dans Caritas in veritate, des coquilles vides de charité. Car le véritable bien, la véritable charité n’est pas celle qui conduit à soulager les douleurs, fussent-elles les plus vives. La charité donne le véritable Bien qui est Dieu et si pénible cela soit-il à entendre, il se peut bien souvent que le passage obligé soit la souffrance car elle est le lieu de notre dépouillement.
Jean-Paul II a donné une profonde explication du sens chrétien de la souffrance dans sa lettre apostolique Salvifici doloris.
Alors quand la pastorale de la santé nous dit
Qui entendra nos cris ?
Qui est à l’écoute de ceux qui souffrent ? Rien n’est pire que de crier dans le désert ! Notre monde, secoué par les guerres, la violence gratuite, l’horreur d’exactions diverses retentit des cris de ceux qui sont blessés, agressés, martyrisés. Parfois aussi ces cris retentissent dans le silence assourdissant de notre indifférence. Trop d’information, trop de clameurs, trop de maux. Nous nous bouchons les oreilles.
Mais celui qui crie a un besoin vital d’être entendu. Et nous le savons bien, la souffrance s’apaise lorsqu’elle peut se dire. L’angoisse diminue lorsque les mots sont mis sur les maux. Le désir de mourir disparait lorsque la personne en fin de vie est bien accompagnée.
La bible retentit des cris du peuple d’Israël vers son Dieu et la voix du psalmiste se fait écho de toute la misère du monde « Écoute, Seigneur, réponds-moi, je suis pauvre et malheureux ! » (Ps 85). Et Dieu a « entendu la misère de son peuple » (ex 3,7). Il entend toujours le cri de nos prières, même ceux qui ne sortent pas du cœur, même ceux qui n’osent pas se dire. Il les recueille « dans la même tendresse dont Il enveloppe chacun d’entre nous ».
Et qu’elle répond
Mais pour y répondre, Il « implique les humains ». Les visiteurs de malades et aumôniers d’hôpital ou de prison, les soignants, les bénévoles d’association, ceux qui relaient les cris des Hommes qui n’en peuvent plus et ceux qui s’emploient, humblement à y répondre.
Bien entendu que c’est juste, mais il faut bien aller au-delà de la souffrance immédiate et plonger dans la miséricorde. Le risque d’une telle posture est de réduire l’Homme ainsi que la relation de l’Homme à Dieu aux simples réalités matérielles. Tel n’est pas le drame de l’humanisme athée ?
Pour aller plus loin, le message de carême 2010 de Benoît XVI sur la justice nous rappelle l’équilibre nécessaire avec la vérité profonde des besoins de l’Homme.