Lors de la messe pour les responsables politiques et les parlementaires en la basilique Sainte-Clotilde le mardi 8 octobre, le cardinal André Vingt-Trois a déclaré dans son homélie, suite à l’Evangile selon Saint Luc sur la scène entre Marthe et Marie chez Lazare :
“Dans la maison de Lazare, le service des frères est indissociable de l’écoute de la Parole de Dieu et de sa mise en pratique. Il serait donc vain de nous imaginer que nous pourrions répartir les préoccupations dans une sorte de jeu de rôles. Comme il serait tentant de réserver la vocation du disciple à quelques cas particuliers et de garder pour le plus grand nombre le souci des affaires de ce monde qui ne s’embarrasse pas de la confrontation à la Parole de Dieu. De cette tentation nous avons un assez bon exemple dans la manière de comprendre et de gérer la place des croyances et des religions dans la société. Pour un certain nombre de nos contemporains, elles sont considérées comme des instances chargées de rappeler des principes moraux. Au nom de la laïcité, on accepte qu’elles se fassent entendre, mais sans aller jusqu’à prendre en compte leurs observations. Elles seraient comme l’ornementation éthique de décisions qui n’intègrent pas réellement les références éthiques. Comme si la seule référence morale était de se modeler sur les comportements existants, y compris avec leurs contradictions, et de les rendre licites par la loi.
Je ne sais pas si notre société peut être comparée à Ninive, la grande ville païenne. Mais ce que l’Écriture veut nous dire, à coup sûr, c’est que, malgré ses réticences et ses craintes, Jonas est envoyé pour appeler cette ville à corriger ses mœurs. Le personnage de Jonas nous est présenté comme un prophète souvent rétif devant sa mission et qui doute tellement qu’il choisit souvent de fuir devant la difficulté. L’épisode qui nous est relaté ici est un message d’espérance. Même une ville aussi grande et corrompue que Ninive ne reste pas sourde aux avertissements du prophète. Si éloignée que notre société nous paraisse de la foi et de la Parole de Dieu, nous ne pouvons pas nous récuser en arguant du fait que les croyants et spécialement les chrétiens ne dominent pas la société et que nous ne serions pas écoutés. À cette société, comme à Ninive, nous sommes invités à adresser les avertissements que Dieu nous inspire, respectant la liberté personnelle de chacun pour les accueillir ou pour les réfuter, pour les suivre ou pour s’en détourner.
Je ne voudrais pas dresser maintenant un catalogue des questions sur lesquelles la Parole de Dieu doit nous interpeller. Mais les temps que nous vivons nous invitent à une plus grande vigilance dans plusieurs domaines dans lesquels le travail législatif est gravement impliqué. Le premier de tous est évidemment la manière de penser et de mettre en œuvre la solidarité nationale. Il est normal que des orientations politiques divergent sur les moyens à promouvoir. Il est d’autant plus important que les objectifs de la solidarité soient clairement exprimés et rappelés. Est-il possible de progresser dans ce domaine sans affronter les avantages catégoriels, sans reconnaître que la consommation ne peut pas être le seul levier du dynamisme économique et social ? Avons-nous assez de courage pour affronter cette réalité dans les débats électoraux ?
Une autre question mérite toute notre attention, le sort réservé aux enfants dans notre société. Dans beaucoup des débats que nous avons connus au cours de l’année écoulée et qui reviendront dans les mois qui viennent, on dissimule à peine la tendance lourde qui consiste à considérer l’enfant exclusivement du point de vue des désirs de l’adulte qu’il est supposé satisfaire. On l’a vu dans l’exclusion du pôle paternel ou maternel lors du vote de la loi sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe. On va le revoir dans le débat sur l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation. Je ne doute pas que, pour un certain nombre de personnes, il s’agit d’affronter une souffrance réelle. Mais je doute que l’on prenne en compte le bien supérieur de l’enfant.
Dans ce domaine, comme dans celui de la gestion de la fin de la vie, nous souhaitons simplement répéter ce qui devrait être un repère commun dans notre société : le respect de la dignité de toute personne humaine dont aucune ne devrait pouvoir imaginer qu’on dispose de sa vie en fonction de nos propres désirs, de nos sentiments ou de notre souffrance. C’est le même attachement à la dignité de la personne qui mobilise de nombreux chrétiens, catholiques ou non, pour l’aide aux personnes immigrées ou réfugiées et qui nous pousse à veiller à ce que l’application de la loi soit conduite avec discernement et humanité.
Enfin, comment pourrions-nous oublier la situation des communautés chrétiennes du Moyen-Orient. Le ministre des Affaires étrangères a récemment rappelé devant l’Assemblée nationale la responsabilité particulière de la France à leur égard, responsabilité historique et actuelle. Cette responsabilité peut s’exercer en accueillant largement les réfugiés. Mais elle doit surtout s’exercer par notre action diplomatique pour faire respecter les droits dans des pays où ils vivent depuis le début de l’ère chrétienne et leur permettre ainsi de rester paisiblement dans leur patrie. En tout cas, cet objectif nous oblige à une grande attention dans l’aide militaire et diplomatique que nous pourrions apporter à des groupes dont la conviction sur ce point serait sujette à caution.”
Pour une fois je suis d’accord avec lui, pourquoi ne parle t il pas plus souvent comme cela a t il peur des ses propres troupes cléricales?? Ou bien devant cette assistance à laquelle il ne faut pas en compter il a décidé de parler vrai ?
jacq44
Bravo pour l’évocation, en bonne place, du problème majeur des enfants à propos de la loi Taubira ainsi qu’à propos de l’offensive nouvelle qui s’annonce concernant la PMA. Et Mgr Vingt-Trois a raison d’inscrire l’évocation de ce problème majeur dans une réflexion générale sur la question de la laïcité, c’est-à-dire, en l’occurrence, sur la question des relations entre l’Eglise et l’Etat dans le traitement des sujets sociétaux à fort contenu éthique comme c’est le cas, tout particulièrement pour le mariage, l’adoption et la PMA.
Il nous semble cependant qu’il y a dans l’analyse ainsi proposée sur la laïcité un manque extrêmement grave par ses conséquences, que nous pensons donc très important de signaler ci-après, à titre de contribution à la réflexion collective.
Il nous semble bien, en effet, à lire attentivement le texte de Mgr Vingt-Trois, que sa pensée se résume bien dans l’énoncé suivant: “… A cette société, comme à Ninive, nous sommes invités à adresser les avertissements que Dieu nous inspire, respectant la liberté de chacun pour les accueillir ou pour les réfuter, pour les suivre ou pour s’ en détourner”.
Cela est vrai, mais il y a un point omis, à savoir que le croyant et plus particulièrement, comme le dit Mgr Vingt-Trois, le chrétien, n’a pas seulement la possibilité et, dès lors le devoir, d’émettre devant la société les avis que lui inspirent sa foi et sa raison, en cela de parler, donc, comme un prophète. Il a aussi la possibilité, et dès lors le devoir, de traduire les enseignements de sa foi et de la traduire en actes, notamment, pour les parlementaires par leur vote sur les lois, et pour les simples citoyens, par leur vote pour un candidat ou pour un autre. Or ce point est évidemment essentiel. Là est le vrai point d’articulation concret, au-delà du domaine des discours prophétiques, entre la foi du fidèle catholique et la politique. Il est à nos yeux très dommage de ne pas évoquer très explicitement ce point de l’action par le vote dans une réflexion sur la relation entre l’Eglise et l’Etat, car il y a là une articulation toute simple, et à propos de laquelle de très graves anomalies peuvent être observées au sein de l’Eglise.
Les anomalies en cause résident notamment dans le fait que des hommes politiques s’ affichant comme catholiques convaincus ont œuvré activement en faveur de la loi Taubira et ont voté pour elle. On ne citera pas de nom ici, car il ne s’agit pas de personnaliser le débat, mais il est des parlementaires catholiques qui, en faveur de cette loi, étaient à la manœuvre aux avant-postes et ont joué un rôle tout-à-fait décisif pour la faire aboutir. Est-ce que l’évêque de leur diocèse a pris contact, avec eux ou le curé de leur paroisse pour leur expliquer, car ils faisaient montre de l’ignorer, qu’une loi transgressant de manière flagrante une loi naturelle essentielle est nécessairement porteuse de mal pour l’homme et pour le monde, pour leur rappeler aussi que si un homme politique promeut une loi heurtant des principes essentiels touchant à la famille, ou à la vie, il commet une faute grave reconnue comme telle par son Eglise ? Il ne le semble pas lorsque l’on voit la parfaite tranquillité affichée par les catholiques qui agissent ainsi. Le dysfonctionnement réside plus généralement dans le fait que nos autorités ecclésiales ne paraissent nullement s’émouvoir de ce que des mouvements catholiques, ou des organes de presse catholiques se montrent parfois, pour ne pas dire souvent, plus que complaisants à l’égard de projets de loi totalement contraires à la foi et à la raison. Il réside même parfois dans la situation paradoxale extrême où l’on voit un évêque même reprocher à ses fidèles de faire usage, et en toute légalité, de leur droit de résister, par la voie de la manifestation publique, pour contribuer à maintenir une pression de l’opinion en faveur de l’abrogation, dès que cela sera possible, d’une loi qui prive des enfants, alors que rien n’y oblige, de père ou de mère.
Bref, c’est bien d’évoquer le rôle prophétique de l’Eglise, et aussi d’exercer ce rôle prophétique comme la plupart des évêques l’ont bien fait, et souvent avec courage, il ne s’agit pas ici, bien au contraire, de le nier, en exprimant nettement leur avis en externe sur la scène publique. Mais il ne faudrait pas oublier le rôle pastoral en interne, qui est tout aussi important et même sans doute plus encore par ses conséquences pratiques(car en externe, libre à un non croyant d’écouter ou de ne pas écouter ce que dit le prophète, alors qu’on peut espérer que le fidèle tiendra souvent compte du message pastoral de l’évêque et du prêtre à son adresse), à savoir celui d’ expliquer au fidèle que sa foi et sa raison lui commandent de ne pas apporter son appui à des lois contraires à quelques principes essentiels et non négociables. Cette action en interne a parfois très gravement manqué pour la loi Taubira qui prive maintenant des enfants de père ou de mère. Vraiment, il ne faut pas que cela se renouvelle lorsqu’il va s’agir, sous peu, de promouvoir l’advenue au monde, par la PMA, d’enfants privés, de naissance, de père.
Je suis d’accord avec votre analyse. Les prêtres ont failli à leur devoir. J’ai essuyé une algarade en pleine messe où j’avais inséré une intention pour la conversion des musulmans dans la prière universelle. “Ils connaissent Jésus , on ne prie pas pour leur conversion”, a-t-il proclamé…….
Ces prêtres sont également pour l’avortement ” dans certains cas” , et ne se préoccupent des catéchismes.
Sa dernière demande à été pour qu’on s’occupe des Roms, en les aidant matériellement, en les accompagnant dans leurs démarches , ex chez le dentiste……..
Brillante analyse d’un archevêque de Paris, que l’on a peut- être trop tendance à comparer avec son prédécesseur, mais qui révèle une qualité de foi et une noblesse intellectuelle supérieurement édifiantes.