du cent-vingtième traité de notre glorieux Père Saint Augustin
sur l’Evangile de Saint Jean
à propos du côté ouvert de Notre-Seigneur Jésus-Christ
(Johan. XIX, 31-37)
La création d’Eve – mosaïque de Palerme
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Résumé : Saint Augustin commente les versets de l’Evangile selon Saint Jean racontant de quelle manière le côté du Sauveur a été transpercé : il attire notre attention sur le verbe précis choisit par l’Evangéliste et montre – à partir de là – que l’arche de Noé et le récit de la création d’Eve étaient des prophéties en acte annonçant ce qui s’est passé à la mort du Sauveur et les fruits spirituels de cette mort. Notre foi se trouve confortée par l’accomplissement des Ecritures en Notre-Seigneur Jésus-Christ.
§ 1. Tout ce que le Sauveur prévoyait comme devant avoir lieu avant Sa mort, ayant été accompli, Il rendit l’esprit au moment choisi par Lui. L’Evangéliste nous raconte ce qui arriva ensuite ; voici son récit : « Les Juifs, parce que c’était la veille du sabbat, afin que les corps ne demeurassent point sur la croix le jour du sabbat (car le sabbat était un jour très-solennel), prièrent Pilate de faire rompre les jambes aux criminels et de les enlever ». D’enlever non pas les jambes, mais les criminels, à qui l’on brisait les jambes pour les faire mourir et les détacher de la croix : on agissait ainsi, afin de ne point prolonger le supplice des crucifiés, et de ne point attrister par le spectacle de leurs tourments un grand jour de fête.
§ 2. « Les soldats vinrent donc et rompirent les jambes de ceux qu’on avait crucifiés avec Lui ; et, s’approchant de Jésus, quand ils virent qu’Il était déjà mort, ils ne Lui rompirent pas les jambes, mais un des soldats Lui ouvrit le côté d’un coup de lance ; et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau ».
L’Evangéliste se sert d’une expression choisie à dessein : il ne dit pas qu’on a frappé ou blessé le côté du Sauveur, ou qu’on a fait quelque autre chose semblable ; mais : « on l’a ouvert ».
Effectivement, la porte de la, vie devait s’ouvrir à l’endroit où ont pris naissance les Sacrements de l’Eglise ; sans lesquels il est impossible d’arriver à la vie, qui est la seule véritable. Ce sang a été répandu pour la rémission des péchés ; cette eau est un salutaire liquide, car elle nous sert de bain et de breuvage.
Dieu annonçait d’avance cet événement (Gen. VI, 16), en donnant à Noé l’ordre d’ouvrir, au flanc de l’arche, une porte par laquelle devaient entrer les animaux destinés à ne point périr sous les eaux du déluge ; ces animaux préfiguraient l’Eglise.
Voilà encore pourquoi la première femme a été tirée du côté d’Adam, pendant qu’il dormait (Gen. II, 22) ; voilà pourquoi elle a reçu le nom de vie et de mère des vivants (note : c’est la signification du nom d’Eve ; cf. Gen. III, 20). Même avant l’incalculable mal de sa prévarication, elle a été ainsi l’annonce d’un bien infini. Le second Adam, Jésus-Christ, ayant baissé la tête, S’est endormi sur la croix, pour qu’une épouse Lui fût donnée, et, pendant Son sommeil, cette épouse est sortie de Son côté.
O mort, qui fait revivre les morts ! Y a-t-il rien de plus pur que ce sang ? Quoi de meilleur pour guérir nos plaies ?
§ 3. « Et celui qui l’a vu a rendu témoignage, et son témoignage est véritable, et il sait qu’il dit vrai, afin que vous aussi vous croyiez ».
Jean ne dit pas : Afin que vous aussi, vous sachiez ; mais : « afin que vous croyiez » ; car celui qui a vu, sait, et celui qui n’a pas vu, doit croire à son témoignage. Le propre de la foi est plutôt de croire que de voir. Qu’est-ce, en effet, que croire une chose, sinon y conformer sa foi ?
« Car cela a été fait pour accomplir ces paroles de l’Ecriture : Vous ne briserez aucun de ses os. L’Ecriture dit encore : Ils verront quel est Celui qu’ils ont percé ». Il tire des Ecritures deux témoignages à l’appui des différents faits dont il raconte l’accomplissement. Il avait dit : « Et s’étant approchés de Jésus, ils virent qu’Il était déjà mort, et ils ne Lui rompirent point les jambes ». A ce passage se rapporte le témoignage suivant : « Vous ne briserez aucun de ses os » . Voilà l’ordre donné à tous ceux qui, sous l’ancienne loi, devaient célébrer la Pâque par l’immolation de l’agneau ; cette immolation était l’ombre antécédente de la Passion du Sauveur. C’est pourquoi « Jésus-Christ, notre Agneau pascal, a été immolé » (1 Cor. V, 7). Le prophète Isaïe avait dit d’avance à Son sujet : « Il a été conduit à la mort comme une brebis » (Isaïe LIII, 7). De même encore l’Evangéliste avait ajouté : « Mais l’un des soldats ouvrit Son côté d’un coup de lance ». A cela se rapporte l’autre témoignage : « Ils verront quel est Celui qu’ils ont percé ». Voilà la promesse de la venue du Christ avec le même corps que celui avec lequel il a été crucifié. (…)
Monastère du Mont-Sainte-Odile (Alsace) – peinture murale de la Crucifixion
reproduisant une miniature du « Hortus deliciarum » de l’abbesse Herrade de Landsberg (XIIe siècle)