Jeudi de la Fête du Très Saint Sacrement, (*)
30 mai 2013.
Raphaël : le miracle de Bolsena (détail) – musées du Vatican.
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
En cette année 2013, nous commémorons le sept-cent cinquantième anniversaire d’un événement qui eut des conséquences extraordinaires dans la vie de toute l’église catholique : le miracle de Bolsena.
Ce prodige advint au mois de décembre : décembre de l’an 1263. Mais il convient spécialement de le rappeler en ce jeudi de la fête du Très Saint Sacrement, puisque il fut déterminant pour l’établissement de cette fête dans l’Eglise universelle.
Voici les faits tels qu’ils sont racontés dans l’ouvrage « Les miracles historiques du Saint Sacrement », publié en 1898 par le Rd. Père Eugène Couet, avec l’imprimatur du Rd. Père Lepidi, maître du Sacré Palais :
« C’était l’époque où l’Allemagne, sans cesse déchirée par la guerre depuis la mort de l’impie Frédéric II, n’avait pu encore se choisir un empereur ; et les compétiteurs, se disputant la couronne, jetaient le trouble dans toutes les provinces germaniques.
Un prêtre de ces contrées, jusque-là distingué par sa piété et par la pratique des vertus sacerdotales, vit un jour sa foi attaquée par de terribles doutes ; ils portaient spécialement sur l’adorable Sacrement de l’autel. A chaque instant, il avait à subir de nouveaux assauts de la part de l’esprit des ténèbres : Hoc est Corpus meum ; Hic est Sanguis meus ! comment ces paroles, si simples et si courtes, peuvent-elles faire, du pain et du vin, la vraie Chair et le vrai Sang de Jésus-Christ ? Telles étaient les questions que le père du mensonge faisait renaître dans cette âme d’ailleurs fort attachée au service de Dieu. Il l’amenait peu à peu à ne voir dans le prêtre qu’un homme ordinaire, sans considérer le pouvoir auguste que lui a conféré l’onction sainte. Or, s’arrêter à la faiblesse du ministre et ne pas remonter jusqu’à Dieu, dont la puissance est sans bornes, c’est s’exposer aux plus fatales erreurs.
Mais le pauvre prêtre, ainsi tourmenté par l’épreuve, avait recours à la prière et demandait au Ciel la lumière qui lui rendrait la paix. Dieu ne dédaigna pas les cris de détresse de son ministre : et le Sacrement de vie, après avoir été l’occasion des manoeuvres infernales, dut bientôt servir à la défaite de Satan.
Bolsena : la basilique de Sainte Christine dans laquelle eut lieu le miracle.
« Il est sur la terre un lieu privilégié, où jaillit toujours vive et pure la source de la foi : c’est à la ville de Pierre qu’il faut aller puiser la vérité. Notre infortuné prêtre le compris, il fit voeu de visiter le tombeau des saints Apôtres pour s’y raffermir dans la croyance catholique. Après un long et pénible voyage, il arriva à Bolsena, antique cité qui, du temps des Romains, comptait parmi les principales villes de Toscane, mais qui ne garde plus de sa grandeur passée que des ruines et des tombeaux. C’était en décembre 1263. Un vieux temple, dédié jadis à Apollon, et dès les premiers siècles consacré à la glorieuse vierge Christine, se recommandait à la piété du pèlerin ; il voulut célébrer la sainte messe à l’autel où l’on voit encore, miraculeusement gravée dans le marbre, l’empreinte des pieds de l’illustre martyre.
Bolsena, basilique Sainte Christine : autel où se produisit le miracle.
« Parvenu au moment où il devait diviser l’Hostie sainte, le célébrant tenait ce Pain sacré sur le calice, quand il le vit, ô prodige ! prendre l’aspect d’une chair vive d’où le sang s’échappait goutte à goutte. La partie cependant qu’il tenait entre les doigts conservait l’apparence du pain, comme pour attester (suivant la remarque de Saint Pierre Damien au sujet d’un fait semblable) que cette Hostie, si subitement changée dans sa forme extérieure, était bien celle qui, peu d’instants avant, cachait sous le voile des accidents le Corps et le Sang de Jésus-Christ. Bientôt l’abondance du sang fut si grande qu’il empourpra le corporal de taches nombreuses ; plusieurs purificatoires, avec lesquels le prêtre essayait d’étancher cet écoulement mystérieux, furent aussi imbibés en peu de temps.
Miniature représentant le miracle de Bolsena : l’Hostie sanglante.
« La vue de cette Hostie changée en chair, ce sang qui coulait sans interruption remplirent le célébrant d’une frayeur indicible, mais aussi d’une sainte joie : car il reconnaissait que Dieu venait d’exaucer ses prières et répondait à ses doutes d’une manière irréfragable. Mais pour ne pas scandaliser les fidèles, s’ils venaient à savoir le motif qui avait déterminé ce prodige, il voulut tenir secret un événement si extraordinaire.
C’était compter sans les desseins de Dieu, qui voulait par là raviver la foi d’un grand nombre : aussi, comme il repliait le corporal pour dissimuler les taches qui en couvraient une grande partie, les merveilles se multiplièrent. Dans chacune des gouttes qui continuaient à couler de l’Hostie apparaissait une figure humaine, la face adorable du Sauveur couronné d’épines, telle qu’elle était à cette heure douloureuse où Pilate montra Jésus au peuple altéré de son sang.
La terreur empêcha le prêtre d’achever le Saint Sacrifice. Dans ces cas extraordinaires, comme l’enseigne Saint Thomas (summ. theol. p.3, qu.82 a.4), le célébrant peut se dispenser de terminer les fonctions sacrées. Il enveloppa donc dans le corporal tout maculé de sang l’Hostie changée en chair, la plaça dans le calice et quitta l’autel.
Le prêtre tente de dissimuler le miracle en quittant l’autel
(toile dans la basilique Sainte Christine de Bolsena)
« Mais le sang coulait si abondamment que, durant le trajet de la chapelle à la sacristie, de grosses gouttes tombèrent sur les pierres du pavé. C’est ce qui trahit le prêtre, et le miracle fut bientôt connut dans toute la ville.
Basilique Sainte Christine de Bolsena : l’une des dalles tachée du sang miraculeux.
« Le Souverain Pontife résidait alors avec sa cour à Orvieto, à six milles de Bolsena. Le pèlerin alla sans retard se jeter à ses pieds ; il raconta au Pape Urbain IV les épreuves que sa foi avait eu à subir et le miracle provoqué par ses doutes. Puis, muni de la bénédiction apostolique et désormais délivré de toute tentation, il se rendit au tombeau des saints Apôtres pour rendre grâce de ce bienfait et accomplir son voeu.
Le Pape Urbain IV ne resta pas indifférent à cet éclatant prodige. Deux grandes lumières de l’Eglise, saint Thomas d’Aquin et saint Bonaventure, se trouvaient alors à Orvieto ; il les députa sur le champ à Bolsena pour y faire une enquête. La vérité du miracle fut reconnue ; et le Pontife chargea l’évêque d’Orvieto d’aller chercher à l’église Sainte Christine l’adorable Hostie, le corporal et les autres linges ensanglantés. Urbain lui-même, entouré des cardinaux, du clergé et d’une foule immense, sortit en procession solennelle et vint au-devant de ce précieux trésor jusqu’au pont de Rivochiaro, à un quart de mille environ de la ville. Les enfants et les jeunes gens portaient des palmes et des branches d’olivier ; on chantait des hymnes et des cantiques au Dieu du Sacrement. Le Pape s’agenouilla pour prendre les vénérables Mystères et les porta comme en triomphe jusqu’à la cathédrale de Sainte Marie d’Orvieto. »
Urbain IV accueillant les reliques du miracle de Bolsena pour les conduire à Orvieto.
Pour compléter le récit du Rd. Père Couet, j’ajouterai les précisions suivantes :
1) le Pape Urbain IV (1195 – 1264), né Jacques Pantaléon, de Troyes, avait été de 1241 à 1253 archidiacre de Liège : dans cette ville, il avait été été instruit des demandes de Notre-Seigneur concernant l’institution d’une fête en l’honneur du Saint Sacrement, transmises par la moniale augustinienne, sainte Julienne du Mont-Cornillon. Avec d’autres théologiens, il avait authentifié les voies mystiques de Julienne et la fête du Très Saint Sacrement avait été instituée à Liège en 1246.
Elu au Souverain Pontificat le 19 août 1261, le miracle de Bolsena vint lui rappeler les demandes de Notre-Seigneur que sainte Julienne avait fait connaître ; ainsi, le 11 août 1264, par la bulle Transiturus, il étendit la fête du Très Saint Sacrement à l’Eglise universelle.
Urbain IV rendit son âme à Dieu quelques mois plus tard, le 2 octobre 1264.
Orvieto : la cathédrale reconstruite à partir de 1290 pour servir d’écrin au corporal du miracle.
2) La cathédrale d’Orvieto, dans laquelle Urbain IV avait emmenée solennellement l’Hostie miraculeuse et le corporal taché de sang, fut réédifiée d’une manière somptueuse à partir de 1290. Ce linge miraculeux existe toujours ; le reliquaire dans lequel il est exposé (photo ci-dessous) est conçu de telle manière qu’il peut également servir d’ostensoir : un « cercle » d’orfèvrerie le surmonte dans lequel est insérée la lunule avec la Sainte Hostie, et pour la procession de la Fête-Dieu il est porté à travers les rues d’Orvieto au milieu d’un cortège magnifique.
Orvieto : le corporal miraculeux.
3) Les dalles du pavement de la basilique Sainte Christine de Bolsena tachées par le sang qui gouttait en abondance de l’Hostie miraculeuse, ont été enlevées du sol. Quatre d’entre elles se trouvent toujours à Sainte Christine : trois sont de simples dalles de pierre et se trouvent enchâssées dans des reliquaires muraux et la quatrième, qui était une pierre tombale, est exposée dans le reliquaire dont la photographie se trouve plus haut. La cinquième – qui est aussi une pierre tombale – a été offerte en 1602 à l’église paroissiale de Porchiano del Monte, où elle est également exposée dans un reliquaire.
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En un temps malheureux où de nombreuses erreurs se sont à nouveau introduites dans l’Eglise au sujet du Saint-Sacrifice de la Messe, où la croyance et la dévotion des fidèles envers la Très Sainte Eucharistie a été amoindrie, souvent par la faute de clercs qui manquent eux-mêmes de foi et sont coupables de graves désinvoltures ou manques de respect lorsqu’ils célèbrent les Saints Mystères, le sept-cent cinquantième anniversaire du miracle de Bolsena vient à point nommé pour nous rappeler la foi authentique reçue de la Tradition ininterrompue depuis les Apôtres!
Que toujours soit loué, béni et adoré Jésus présent et vivant dans le Très Saint Sacrement de l’autel !
Lully.
(*) note : Faut-il le rappeler? La fête du Très Saint Sacrement est fixée, dans l’Eglise universelle, au jeudi qui suit le dimanche de la Sainte Trinité : c’est une fête d’obligation, qui doit être fériée (canon 1246 §1). En France où – hélas ! – , depuis les limitations des fêtes religieuses imposées par l’impie Napoléon, les lois civiles ne permettent plus aux fidèles de chômer et d’assister à la Messe comme les dimanches et jours de grandes fêtes, la solennité est reportée au dimanche qui suit.